Procès du 13 novembre 2015 : au deuxième jour d'audience, de nouvelles victimes se constituent partie civile
De nombreuses personnes, dont des membres du groupe de rock Eagles of Death Metal, se sont signalées à la justice au deuxième jour du procès devant la cour d'assises spéciale de Paris.
Elles ont atterri il y a quelques jours en France. Nancy et Rosario, la mère et la sœur de Luis Felipe Zschoche, un Chilien de 33 ans qui fait partie des 90 victimes du Bataclan, sont arrivées juste à temps au procès du 13 novembre 2015. La deuxième journée, jeudi 9 septembre, était consacrée à l'appel des nouvelles parties civiles, en plus des 1 765 déjà constituées. L'ouverture du procès devant la cour d'assises spéciale donne ainsi un peu plus la mesure de l'onde de choc provoquée par les attaques jihadistes à Saint-Denis et à Paris, qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés.
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Malgré six ans d'enquête et de procédure, le nombre de personnes touchées par ces attentats, victimes directes ou proches de victimes, ne cesse de croître. Et il pourra évoluer tout au long du procès, la constitution de partie civile restant possible jusqu'au réquisitoire du Parquet national antiterroriste.
Pas averties pendant l'instruction
Malgré leur lien direct avec une personne qui a été tuée, Nancy et Rosario, désormais représentées par les avocates Clémence Witt et Jeanne Sulzer, n'avaient pas reçu d'avis à victimes, que ce soit pendant l'instruction ou la préparation du procès. C'est la famille française de la compagne de Luiz Felipe Zschoche, Cécile Misse, également tuée au Bataclan, qui les a prévenues de l'imminence du procès et de la possibilité de se constituer partie civile. Il leur a fallu obtenir en urgence un sauf-conduit auprès du consulat français à Santiago, au Chili, pour pouvoir entrer en France. Leur vaccin Sinovac contre le Covid-19 n'est en effet pas reconnu dans l'Hexagone.
Comme de nombreuses personnes, elles se sont avancées à la barre jeudi, accompagnées de leurs avocats et d'une interprète. Rosario pourra assister aux débats jusqu'à la fin septembre et sa mère, Nancy, espère pouvoir rester jusqu'à la fin du procès, en mai. "C'est important que justice soit faite, que les responsabilités soient reconnues à la hauteur des fautes et qu'il y ait une forme de réparation", confient-elles sur les marches du vieux palais de l'île de la Cité. Au-delà de la "colère" et de la "peur" ressenties en s'avançant près du box des accusés, elles attendent de comprendre "ce qu'il s'est passé".
Un statut juridiquement défini
Si leur statut de partie civile va de soi, il n'en est pas de même pour d'autres personnes qui se sont présentées devant la cour jeudi. Une femme présente à l'intérieur du Stade de France lors des explosions des trois kamikazes à l'extérieur, et affirmant souffrir d'un préjudice psychique, s'est vu rappeler par les représentants de l'accusation que les juges d'instruction et la chambre de l'instruction avaient tranché : "Les personnes qui se trouvaient à l'intérieur du Stade de France ne sont pas des victimes directes car elles n'étaient pas directement visées par les tentatives d'assassinat."
Même réponse pour un policier qui s'est retrouvé rue de Charonne alors qu'il était hors service. A la barre, l'homme explique pudiquement qu'il a entendu les tirs, sans voir d'où ils provenaient. Malgré "son arrêt maladie depuis 2016", le parquet national terroriste lui fait valoir qu'il fait partie de ceux que la chambre de l'instruction a appelé des "témoins malheureux". "Il ne s'agit pas de minimiser l'impact que tout ceci a eu sur vous", explique l'avocate générale Camille Hennetier "mais juridiquement, n'ayant pas été une cible potentielle des tirs, il ne peut pas y avoir de constitution de partie civile". Ce sera à la cour de trancher.
Dans leur majorité, les nouvelles demandes de constitution de partie civile devraient toutefois être jugées recevables. Leur nombre pourrait ainsi dépasser la vertigineuse barre des 2 000. Parmi elles, des proches de victimes et de nombreux blessés physiques ou psychiques au Stade de France, sur les terrasses et au Bataclan. Des clients, du personnel, des secouristes, des pompiers qui se trouvaient dans le camion criblé de balles par les terroristes, ou encore trois membres du groupe Eagles of Death Metal, non présents à l'audience mais représentés par des avocats. Alors qu'ils jouaient dans la salle de concert au moment de l'entrée des jihadistes, ils ne s'étaient pas manifestés auprès de la justice française jusqu'à présent.