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Procès de l’attentat de Nice : "Ma colère reste intacte et mon deuil impossible"

Témoignages Croquis d'audience réalisé le 5 septembre 2022 montrant les accusés : Enkeledja Zace (à gauche), Artan Henaj (2e à g.), Maksim Celaj (3e à g), Chokri Chafroud (4e à g.), Endri Elezi (au centre), Ramzi Arefa (2e à dr.) et Mohamed Ghraieb (à dr.). Alors que la cour d'assises spéciale de Paris s'est retirée lundi pour délibérer au terme de trois mois d'audiences, les proches des victimes attendent fébrilement le verdict du procès de l'attentat de Nice attendu mardi à 17 heures. Impatience, colère et frustration dominent sur les bancs des parties civiles. Les trois mois passés au procès de l'attentat de Nice n'auront pas suffi à apaiser la colère des parties civiles. Pas celle d'Alain Dariste en tout cas, coprésident de l'association "Promenade des anges" qui a perdu Léana, sa petite petite-fille de 2 ans et demi fauchée dans la course folle du camion bélier, aux côtés de son cousin Yanis, 8 ans, et de Laurence, sa grand-mère paternelle, tous tués dans l'attentat de Nice qui a fait 86 morts et plus de 450 blessés la nuit du 14 juillet 2016. "J'ai beaucoup appris pendant ce procès qui a été à la fois épuisant et addictif. Mais à l'issue de ces trois mois d'audience, ma colère est intacte et mon deuil reste impossible", assène le grand-père de Léana.    Une colère naturellement dirigée à l'encontre des accusés qui n'ont fait "que baragouiner des semblants d'explications" lors de la dernière audience consacrée aux derniers mots des prévenus avant que la cour d'assises spéciale de Paris ne se retire pour délibérer, lundi 12 décembre. "Chaque jour, on a pu constater à quel point chacune de leur prise de parole les accablaient davantage, estime Alain Dariste, qui est aussi employé municipal de la ville de Nice. On a pu voir leur bêtise à l'œuvre, mais surtout leur complicité avec l'auteur de l'attaque, notamment lors d'échanges sur Facebook".   "À Nice, où je me trouvais, ça a chauffé"  Contrairement aux attentes des proches de victimes, aucune des huit personnes jugées n'a été poursuivie pour complicité avec le terroriste abattu par la police le soir de l'attaque, Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Trois des accusés sont jugés pour association de malfaiteurs terroriste (AMT), les cinq autres accusés sont jugés pour des délits de droit commun relatifs à la législation sur les armes.  Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a ainsi requis quinze ans de prison contre les trois principaux accusés. Il a toutefois demandé que l'AMT ne soit pas retenue contre l'un d'entre eux, le Niçois Ramzi Arefa, 27 ans, qui a reconnu avoir fourni un pistolet à Mohamed Lahouaiej Bouhlel. Ce dernier s'en était servi pour menacer des personnes qui avaient tenté de l'arrêter, et pour tirer sur des policiers.   Des peines qui paraissent bien maigres aux yeux des proches des victimes. "Dans la salle de retransmission du procès à Nice où je me trouvais, ça a chauffé, confie le plaignant. Beaucoup de familles ont laissé éclater leur colère à l'issue des réquisitions des avocats généraux. J'espère que le président, qui a mené les débats d'une main de maître, se montrera moins clément à l'égard des accusés".    "On aurait préféré que le procès se tienne à Nice" Une colère également ressentie vis-à-vis d'un procès qui s'est tenu dans la capitale, loin des familles endeuillées. Actuellement, seule la cour d'assises spéciale de Paris est habilitée à juger les crimes en relation avec le terrorisme et le trafic de stupéfiants en bande organisée. En plus d'une Webradio mise à disposition des parties civiles, une salle de retransmission a été spécialement installée au Palais Acropolis de Nice pour suivre les débats en simultané. La distance est cependant restée un obstacle pour nombre de parties civiles. "De nombreux plaignants ont avoué qu'ils ne pouvaient pas se permettre de se rendre à Paris, faute de pouvoir avancer les frais que le déplacement occasionne, poursuit Alain Dariste. Moi-même, je me suis rendu que deux fois seulement au procès. J'ai attendu plusieurs mois avant d'être remboursé de 1 500 euros sur les 2 000 euros de frais engagés. On aurait préféré que le procès se tienne à Nice ou dans les environs, cela aurait été plus simple."  Une opinion que ne partage pas Hanane Charrihi, préparatrice en pharmacie en région parisienne et fille de la première victime percutée sur la Promenade des Anglais. "Je trouve au contraire qu'un procès qui se tient à Paris lui donne plus d'ampleur, explique la salariée de 33 ans et auteure du livre "Ma mère patrie" publié en 2017. Cela montre que cette attaque est prise au sérieux."   La question des prestations des avocats divise également. "Lorsqu'on en discutait entre nous, on trouvait que les avocats de la défense ont été beaucoup plus efficaces et offensifs dans leurs plaidoiries que les juristes des parties civiles, restés plus en retrait", estime Alain Dariste. Là encore Hanane Charrihi n'est pas de cet avis. "L'agressivité ne sert à rien et ne fera pas revenir nos proches, confie-t-elle. Je n'ai pas souhaité suivre l'intégralité du procès parce que cela me faisait trop de mal. Mais lorsque j'ai écouté mon avocate plaider, tout en pudeur et en humilité, j'ai au contraire trouvé cela sublime".   "Il y a eu un mépris manifeste des journalistes parisiens" Autre grief porté par certaines familles de victimes : le traitement médiatique accordé au procès. "On a tous été outré de voir à quel point la presse a peu couvert ce procès en comparaison de celui [des attentas du 15 novembre 2015 à] Paris. La différence a été flagrante. On nous a volé ce procès ! Il y a quand même eu 84 morts, dont quinze enfants et adolescents. Ce n'était pas rien, tempête le Niçois de 63 ans. Il y a certes eu un télescopage avec une grosse actualité sportive [le Mondial-2022], mais quand même : il y a eu un mépris manifeste des journalistes parisiens qui nous prennent pour des petits provinciaux sans intérêt."   Mais pour beaucoup de proches de victimes, le vrai procès est à venir. "Je me fiche du verdict de ce procès : je n'en attends rien, lâche Hanane Charrihi. Le principal responsable de l'attentat a été tué : on ne peut plus attendre de réponse de sa part. Les hommes qui ont été jugés ne m'intéressent pas. En revanche, je suivrai avec attention le procès contre la ville de Nice s'il a lieu, car il y a eu de vraies failles dans le dispositif de sécurité."  Un point avec lequel Alain Dariste est d'accord. "À l'issue du verdict, on sait que les liens que l'on a tissés avec les autres parties civiles ne seront pas rompus, car notre futur combat concerne la sécurité. Cette question est constamment revenue dans les débats et on va tout faire pour que ce nouveau procès ait lieu. On va s'accrocher, même si on doit faire du forcing."

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