Procès de l'accident ferroviaire de Brétigny : "Une épreuve nécessaire" malgré la crainte de raviver "des traumatismes"
Neuf ans après la catastrophe ferroviaire, Thierry Gomes appréhende ce procès comme "une épreuve qui va ajouter des traumatismes aux victimes" mais "une épreuve importante dans le parcours de résilience" des parties civiles qui attendent des réponses aux "manquements évidents" révélés par l'instruction.
"On va pousser les portes du tribunal pour avoir des explications", indique dimanche 24 avril sur franceinfo Thierry Gomes, président d’une association d'entraide et de défense des victimes de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, dont le procès s'ouvre lundi au tribunal d'Evry. Le 12 juillet 2013, ses parents faisaient partie des sept personnes qui ont trouvé la mort dans le déraillement d'un train Corail, dans cette gare de l'Essonne. SNCF Mobilités, SNCF Réseau et un cadre de l'entreprise publique sont poursuivis pour homicide et blessures involontaires.
franceinfo : Qu'attendez-vous de ce procès ?
Thierry Gomes : Aujourd'hui, on va assister à ce procès tant attendu, on va pousser les portes du tribunal pour avoir des explications en direct. C'est une épreuve qui va ajouter des traumatismes aux victimes qui vont se confronter à des témoignages, à des analyses, des plaidoiries où il n'y a aucune empathie. Sans doute que ça nous fera mal une nouvelle fois, mais c'est une étape importante dans le parcours de la résilience des victimes. C'est l'occasion de témoigner de son préjudice à la nation, c'est une reconnaissance des préjudices subis.
Alors que les expertises ordonnées par la justice étayent un processus lent de dégradation du matériel combiné à une surveillance défaillante des agents, celles mandatées par la SNCF soutiennent une rupture soudaine, indécelable au niveau de l'aiguillage. Que répondez-vous à cela ?
Ce système de défense choque profondément les victimes. Quand bien même il y aurait une anomalie de l'aiguillage, on ne peut pas parler de soudaineté comme le fait la SNCF. On a bien vu dans l'instruction qu'il y avait des manquements au niveau de cet aiguillage, que des opérations n'ont pas été faites en temps et en heure et ont concourues à cet accident.
Votre avocat, Me Gérard Chemla, soutient que la SNCF a "fait tout ce qu'elle pouvait pour cacher la vérité", c'est ce que vous pensez aussi ?
Tout à fait. Pour preuve, ce vol d'ordinateur du principal inculpé, très peu de temps après l'accident, retrouvé ensuite avec un disque dur vide. Il devait sans doute y avoir des éléments importants qui pouvaient apporter des choses intéressantes dans la recherche de la vérité. C'est un fait supplémentaire qui s'ajoute aux écoutes téléphoniques d'un certain nombre de cadres de la SNCF, ordonnées par les juges d'instruction, et qui prouvent que la SNCF n'a pas été à la hauteur de l'engagement de son président à l'époque [Guillaume Pepy qui avait promis la transparence et assuré se sentir profondément "responsable de la vie de ses clients"].
Avez-vous le sentiment qu'il manque des gens sur le banc des prévenus ?
L'instruction a été longue, complète, et elle montre des manquements évidents d'autres personnes qui ne sont pas aujourd'hui sur le banc des accusés. Je pense aux personnes qui sont entendues en qualité de témoin assisté. Pas forcément Guillaume Pepy, puisqu'il n'y a pas de lien direct de causes à effets avec l'accident. C'est un représentant d'une personne morale, il a traduit sa responsabilité dans cet accident et nous allons l'entendre au sein du procès et écouter ce qu'il a à nous dire.