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Présidentielle : un rendez-vous manqué pour l’écologiste Yannick Jadot ?

ÉLYSÉE 2022 Le candidat écologiste à la présidentielle, Yannick Jadot, le 29 mars 2022, sur une plage à proximité de Saint-Brieuc, en Bretagne, pour parler du problème des algues vertes. Le candidat écologiste, qui tient son dernier meeting de campagne jeudi soir à Nantes, est à la peine dans les sondages, qui le placent très loin du second tour. Si l’heure n’est pas encore au bilan pour Yannick Jadot, cette fin de campagne a de quoi laisser des regrets. Yannick Jadot veut encore y croire. Pas question pour lui d’acter la défaite avant que les résultats du premier tour de l’élection présidentielle ne tombent, dimanche 10 avril à 20 h. Pour son dernier meeting de campagne, jeudi 7 avril à Nantes, il se projettera à nouveau comme futur président de la République. Il énumérera devant son auditoire les mesures qu’il prendra pour lutter contre le réchauffement climatique ou pour améliorer le pouvoir d’achat des Français. Nul doute, également, qu’il rappellera les sondages des dernières européennes, en 2019, qui lui accordaient moins de 10 % d’intentions de vote alors que la liste qu’il portait avait finalement obtenu 13,47 % des suffrages. Yannick Jadot a raison. Il ne faut préjuger de rien dans cette campagne incertaine. Les électeurs peuvent encore créer la surprise. Mais au sein d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) et de l’équipe de campagne du candidat écologiste, le moral n’est plus vraiment le même qu’en janvier, lorsque Yannick Jadot prenait la lumière en étrillant Emmanuel Macron au Parlement européen. "Vous resterez dans l’Histoire comme le président de l’inaction climatique", avait-il alors lancé, le 19 janvier, au président de la République assis devant lui. >> À lire aussi : "Présidentielle : quand le vote utile devient l’enjeu majeur pour accéder au second tour" Les planètes semblaient pourtant alignées. Après le bon score aux européennes et les marches massives pour le climat de 2019, les écologistes ont raflé plusieurs villes importantes – Lyon, Bordeaux, Strasbourg notamment – lors des municipales de 2020. Yannick Jadot se sentait alors pousser des ailes et prenait l’initiative d’une tentative de rassemblement de la gauche au printemps 2021. Sa candidature confirmée par une victoire – de justesse – à la primaire écologiste en septembre 2021, à laquelle plus de 120 000 personnes ont participé, il n’y avait plus qu’à battre la campagne. "Le problème, c’est que l’idée d’un président écolo ne passe pas auprès des Français", analyse Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Cevipof et spécialiste de l'écologie politique, contacté par France 24. "Un maire, oui, mais pour la présidentielle, les écologistes sont encore considérés comme des extraterrestres. Tous les autres candidats ou presque sont dans les partis depuis toujours, alors que les écolos viennent d’autres horizons. Yannick Jadot, par exemple, vient de Greenpeace. C’est manifestement encore un handicap." L’enjeu climatique passé sous silence La candidature de Yannick Jadot n’a pas non plus été aidée par le contexte d’une présidentielle reléguée au second plan par la guerre en Ukraine et dans laquelle les enjeux environnementaux ont été passés sous silence. "Avec seulement 3 % d’espace médiatique accordé au climat et d’autres candidats qui préfèrent parler de sujets annexes comme le grand remplacement, c’est difficile d’exister et d’imposer nos thématiques", regrette Mélissa Camara, porte-parole de Yannick Jadot, contactée par France 24, s’appuyant sur des mesures de L’Affaire du siècle. De fait, les médias n’ont quasiment pas interrogé les candidats à l’élection présidentielle sur ce sujet. L’urgence climatique est pourtant un enjeu planétaire qui a de nouveau été rappelé par le dernier rapport du Giec, publié mardi 5 avril, qui prévient que l’humanité dispose de moins de trois années pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre si elle veut conserver un monde "vivable". Résultat, Yannick Jadot a été contraint de tenter des coups médiatiques en se raccrochant à l’actualité afin d’exister. Il était ainsi de toutes les manifestations : mardi 5 avril, au côté des accompagnantes d’élèves en situation de handicap (AESH) à Paris, ou encore samedi 2 avril avec l’association AVA France manifestant contre la chasse à courre à Compiègne. Mais le député européen d’Europe Écologie-Les Verts a surtout cherché à se démarquer à gauche, en particulier de Jean-Luc Mélenchon, en se saisissant de la guerre en Ukraine, quitte à s’éloigner de la tradition pacifiste du parti écologiste. Il n’a ainsi pas hésité à adopter une position des plus fermes et à endosser les habits d’un chef de guerre en qualifiant Vladimir Poutine de "dictateur", en appelant à l’envoi d’armes françaises aux Ukrainiens et en qualifiant la multinationale française TotalEnergies de "complicité de crimes de guerre" car coupable selon lui de poursuivre ses activités en Russie. "On a vu un Yannick Jadot qui faisait tout ce qu’il pouvait pour faire parler de lui, analyse Daniel Boy. Il a été amené à en rajouter sur tout ce qui pouvait aller dans le sens de l’indignation des gens. Le problème, c’est qu’il a souvent donné l’impression de se forcer, de mimer l’indignation." Le choix de cibler Jean-Luc Mélenchon Même s'il a parfois durement attaqué Emmanuel Macron durant la campagne, comme mardi soir lors de l'émission "Élysée 2022" sur France 2, Yannick Jadot a pris le parti de tirer à boulets rouges sur Jean-Luc Mélenchon, l’accusant de "complaisance" vis-à-vis de Vladimir Poutine et d’être "prêt à sacrifier les Ukrainiens". Le candidat écologiste avait de bonnes raisons de cibler son concurrent de la gauche radicale : son programme pour l’environnement est jugé égal, voire meilleur que le sien, par les ONG environnementales, et une partie de l’électorat EELV hésite entre les bulletins Jadot et Mélenchon. Mais cette stratégie ne semble pas avoir porté ses fruits puisque, à en croire les sondages, les intentions de vote, depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février, ne cessent de grimper côté Mélenchon (d’environ 11 % à environ 16 %) quand celles de Jadot stagnent (environ 5 %). >> À lire aussi : "Présidentielle : comment Hidalgo et Jadot utilisent la crise ukrainienne pour attaquer Mélenchon" La campagne de Yannick Jadot a également souffert de problèmes internes. Il y a d’abord eu les accusations d’agressions sexuelles visant Nicolas Hulot, qui ont contraint le candidat écologiste à écarter de l’équipe de campagne le député Matthieu Orphelin, un proche de l’ancien ministre de la Transition écologique qui avait été nommé porte-parole de Yannick Jadot à l’automne. Et puis il y a le cas Sandrine Rousseau. Nommée à l’automne présidente du "conseil politique" de Yannick Jadot, la finaliste de la primaire écologiste n’a jamais été réellement intégrée à la campagne du candidat EELV et s’est régulièrement permise, en retour, de critiquer la stratégie de son ancien rival. Une liberté de parole qui a fini par pousser Yannick Jadot à l’exclure de sa campagne le 4 mars. "Je ne crois pas que ces problèmes aient vraiment eu un impact", balaie Mélissa Camara, qui préfère se focaliser sur des signaux positifs. "On reste une force politique en ascension, on n’est pas comme d’autres partis qui sont en train de s’effondrer, souligne-t-elle. Les européennes et les municipales l’ont montré et quoi qu’il arrive dimanche, nous continuerons de nous battre pour placer l’écologie politique le plus haut possible." "C’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses, on verra dimanche soir à 20 h ce que les Français ont décidé pour le premier tour", a répété de son côté Yannick Jadot à la presse, le 2 avril, lors de la manifestation antichasse. Parmi les manifestants ce jour-là, peu savaient qu'il devait venir. Le candidat, qui a pris la parole, a été chaleureusement applaudi. Mais certains participants, a rapporté l’AFP, l'ont admis : "Je ne sais pas qui c’est."

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