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Présidentielle : Fabien Roussel ou la stratégie du contre-pied pour exister à gauche

Le candidat du Parti communiste, Fabien Roussel, a réussi à se créer un espace à gauche grâce à des prises de position à contre-courant. Le Parti communiste retrouve des couleurs grâce à la campagne présidentielle de son candidat, Fabien Roussel, et son slogan des "jours heureux", en phase avec une partie de l’électorat populaire. L’émergence médiatique de Fabien Roussel a commencé avec un bon vin, une bonne viande, un bon fromage, l'essence de "la bonne gastronomie française", comme le résume le candidat communiste. Cette affirmation sur le plateau de France 3, le 9 janvier dernier, a suscité de nombreux commentaires enflammés, illustrant les fractures au sein de la gauche française, en particulier entre les activistes environnementaux et les défenseurs de l’art de vivre à la française. >> À voir : Présidentielle : qui sont les candidats ? Mais cette polémique a surtout permis à Fabien Roussel de se faire connaître des Français, dont certains avaient oublié jusqu’à l’existence même du Parti communiste. Sentant le bon filon, le candidat s’est mis à parler de viande dans tous ses discours et toutes ses interviews, qualifiant le reste de la gauche, et en particulier les écologistes, de rabat-joie moralisateurs désirant éliminer tous les plaisirs de la vie. "Fini la coppa ! Fini les panisses à Marseille ! Fini les frites dans le Nord ! Terminé ! Mais on va manger quoi ? Du tofu et du soja ? Mais enfin !", a-t-il ainsi lancé lors d’un meeting début février à Marseille. Cette attention pour les goûts culinaires des Français n’est en réalité qu’une des facettes de la stratégie de Fabien Roussel, qui entend bien se démarquer au sein d’une gauche affaiblie et émiettée. Le candidat communiste prend le contre-pied de sa famille politique sur d’autres sujets emblématiques. Il est ainsi le seul à gauche à soutenir l’énergie nucléaire. Il est également pour une application plus stricte de la laïcité à la française, parle avec dédain du "wokisme", prend la défense des chasseurs et soutient fermement l’action de la police, n’hésitant pas à défiler aux côtés de leaders de l’extrême droite lors de la manifestation controversée des policiers du printemps 2021. >> À lire : "Woke" : Éric Zemmour dans les pas de Donald Trump Autant de prises de positions qui ont valu au candidat de gauche d’être salué par plusieurs personnalités de droite et par certains membres du gouvernement d’Emmanuel Macron. Et tant pis si son programme propose d’augmenter considérablement le Smic, de nationaliser les banques, de remettre un ISF dont le montant serait triplé et d’embaucher un demi-million de nouveaux fonctionnaires, ce sont ses propos divergents du reste de la gauche qui ont marqué l’opinion. Être présent à la présidentielle pour continuer à exister "Si dire que la gastronomie doit être à la portée de tous c’est être de droite, alors l’immense majorité du pays est de droite. Je ne crois pas", réfute son directeur de campagne, Ian Brossat, par ailleurs adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, contacté par France 24. Au-delà de la bonne viande et du bon vin, Fabien Roussel plaît surtout à la droite car il affaiblit le candidat le plus dangereux à gauche, Jean-Luc Mélenchon, en lui prenant quelques points qui pourraient lui coûter une éventuelle place au second tour. Le Parti communiste avait pourtant fait alliance avec le leader de La France insoumise lors des deux dernières élections présidentielles, en 2012 et en 2017. Mais Fabien Roussel, 52 ans, a été élu à la tête du PCF en 2018 avec un mandat clair : ramener son parti au centre du jeu en étant présent à la présidentielle de 2022. >> À lire : Présidentielle : que proposent les candidats en matière de santé ? "L’alliance avec le Front de gauche en 2012, puis La France insoumise en 2017 a été un échec pour le Parti communiste car ces deux campagnes ont été suivies d’une déconfiture aux élections législatives", souligne Roger Martelli, historien du PCF, contacté par France 24. "Les communistes en ont conclu que ne pas prendre part à l’élection présidentielle était un handicap qui menaçait leur existence." Une décision qui commence à porter ses fruits, à en croire les sondages, qui accordent à Fabien Roussel jusqu’à 5 % d’intentions de vote – un faible score dans l’absolu mais beaucoup mieux que le 1,93 % obtenu par la dernière candidature communiste à une présidentielle, celle de Marie-George Buffet en 2007. Encore mieux, et particulièrement symbolique, les mêmes sondages placent Fabien Roussel au-dessus de la candidate du Parti socialiste, Anne Hidalgo. Après des décennies dans l’ombre du PS puis de Jean-Luc Mélenchon, les communistes savourent leur indépendance retrouvée. Et les médias sont de retour au siège mythique du PCF, que le parti n’a jamais cessé d’occuper depuis son inauguration en 1971, alors que le PS a été contraint pour des raisons financières de vendre son siège historique de la rue de Solférino fin 2017. "On pourrait dire que le Parti communiste prend sa revanche sur la séquence qui l’a vu passer derrière le Parti socialiste. Mais cette satisfaction doit être tempérée par le fait qu’il s’agit désormais d’une bataille entre nains politiques", analyse Roger Martelli. "La gauche ne donne plus envie, elle ne revendique plus ce droit au bonheur" Pour Ian Brossat, l’objectif est maintenant d’élargir le socle de gauche en faisant revenir des électeurs devenus abstentionnistes ou partis à l’extrême droite. "Cela signifie qu’il faut leur parler et proposer des solutions à leurs problèmes. C’est ce qu’essaie de faire Fabien Roussel", explique le directeur de campagne. Le tout avec des traits d’esprit, comme lorsque le candidat communiste promet comme ligne économique le "roussellement", un jeu de mot avec son nom de famille faisant référence à la théorie du ruissellement prônée par Emmanuel Macron, mais censée ici relancer la demande grâce aux aides de l’État à destination des citoyens. Pour le leader du PCF, les classes populaires ont tourné le dos à la gauche car la gauche les avait en premier abandonnées. "J’en ai marre de cette gauche qui nous culpabilise de tout. Je ne veux pas être de cette gauche écologiste bien-pensante, qui non seulement donne des leçons, mais qui culpabilise les Français parce qu’ils mangent de la viande, culpabilise les Français parce qu’ils prennent leur voiture, culpabilise les Français parce qu’ils se font construire un pavillon à la campagne, culpabilise les Français parce qu’ils y font flotter le drapeau bleu-blanc-rouge. Franchement, je regrette que la gauche ne fasse plus briller les yeux des gens. Elle ne donne plus envie, elle ne revendique plus ce droit au bonheur." D’autant que la plupart des autres candidats tiennent des discours pessimistes, que ce soit au sujet du réchauffement climatique ou de la menace civilisationnelle que représenterait l’immigration. >> À lire : Présidentielle : "Le vote utile à gauche, c'est Mélenchon", affirme Ségolène Royal "Dans une France de plus en plus riche, on a des Français qui vivent de plus en plus mal et des inégalités sociales qui se sont considérablement accrues. Les 'jours heureux', c’est mener des politiques qui améliorent la vie des gens au lieu d’avoir des responsables qui passent leur temps à pourrir la vie de la grande majorité des Français à coup de réformes de régression sociale", affirme Ian Brossat. Mais les critiques, notamment en provenance des concurrents de Fabien Roussel à gauche, notent qu’il est facile de faire des promesses enthousiasmantes et de nier les problèmes quand on a aucune chance d’être élu. Le Parti communiste a bien conscience que son candidat ne remportera pas l’élection présidentielle et a en réalité ses yeux davantage rivés sur les élections législatives du mois de juin. Et pour l'occasion, la stratégie pourrait être différente. Lors de son meeting à Montreuil, le 16 février, Fabien Roussel a ainsi appelé à une grande alliance de la gauche pour remporter ce qui est considéré comme le "troisième tour" de la présidentielle. Article adapté de l'anglais par Romain Brunet. Cliquer ici pour lire l'article original.

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