Pour relancer son quinquennat, Emmanuel Macron fait le choix du conservatisme
"RENDEZ-VOUS AVEC LA NATION"
Lors d’une grande conférence de presse mardi soir à l’Élysée, Emmanuel Macron a insisté sur le "réarmement civique" de la France, proposant de rétablir "l’ordre" grâce, notamment, à la refonte de l’instruction civique au collège et à la généralisation du Service national universel au lycée. Pour le reste, il entend conserver la même politique.
Emmanuel Macron avait promis un "grand rendez-vous avec la nation" pour unir les Français. Il leur a offert, mardi 16 janvier, un monologue de plus de deux heures durant lequel les annonces lancées tous azimut se sont mêlées à un auto-satisfecit de ses six ans et demi passés à l’Élysée. À la fin de ce "one-man-show" qui a rappelé celui du grand débat national conclu, déjà, par une longue conférence de presse – la seule ayant eu lieu avant celle de mardi soir – en avril 2019, qu’ont retenu les Français ?
Usage des écrans, cérémonie de remise des diplômes, opérations "place nette" contre le trafic de drogue, congé de naissance, doublement des franchises médicales, livraison d’armes à l’Ukraine : les annonces ont été nombreuses et très diverses, au point de perdre le fil conducteur censé les lier et, surtout, d’oublier que sur l’essentiel, Emmanuel Macron entend continuer comme avant.
Sur les principaux sujets de préoccupation des Français – pouvoir d’achat, emploi, logement, santé, école, écologie –, le chef de l’État a ainsi donné le sentiment que les problèmes du pays avaient déjà été réglés ou qu’ils étaient en passe de l’être, le plus souvent grâce "au bon sens", ou encore que le gouvernement devait simplement refaire ce qui avait déjà été fait, mais en allant encore plus loin.
La transition écologique ? "Je crois au cap, aux mesures claires et à leur mise en œuvre. On a une stratégie. Maintenant on la territorialise", a affirmé le président, estimant que la France était dans les clous pour atteindre les objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le pouvoir d’achat ? "Je veux permettre [à chaque Français] de mieux gagner sa vie par le travail, avec l'adaptation de nos dispositifs fiscaux et sociaux, mais aussi avec des négociations dans certaines branches pour que la dynamique salariale soit au rendez-vous des efforts."
Le plein emploi ? "Le gouvernement incitera à la création et la reprise d'un emploi avec, dès le printemps prochain, un acte II de la réforme du marché du travail lancée en 2017, avec des règles plus sévères quand des offres d'emploi sont refusées et un meilleur accompagnement des chômeurs par la formation."
La réindustrialisation ? "Nous poursuivrons les investissements commencés mais je souhaite que nous puissions accélérer. Pour cela, nous mettrons fin aux normes inutiles. (…) C'est en somme la France du bon sens plutôt que la France des tracas."
"Partager des valeurs, une culture commune, le sens du respect"
Sans surprise, Emmanuel Macron compte donc poursuivre la même politique économique, faisant encore et toujours de la libéralisation du marché du travail et de la simplification de la vie des entreprises une priorité. "La France sera plus forte si elle produit davantage", a-t-il affirmé.
Mais comme il est difficile de donner un nouveau souffle à un quinquennat marqué par une année 2023 très compliquée – adoption de la réforme des retraites au forceps, loi immigration ayant fracturé la majorité – et d’unir les Français autour du record de longévité de Bruno Le Maire au ministère de l’Économie, Emmanuel Macron a fait le choix, à l’image de son gouvernement, de s’ancrer dans le conservatisme, s’attardant sur le "réarmement civique", concept élaboré il y a plusieurs semaines et qui était déjà au cœur de ses vœux aux Français le 31 décembre.
"La France sera plus forte si nous sommes plus unis, si nous réussissons à partager des valeurs, une culture commune, le sens du respect", a déclaré le président lors de son propos liminaire. Cela passera selon lui par la régulation de l’usage des écrans chez les jeunes, la refonte de l’instruction civique à l’école, dont le volume horaire sera doublé avec une heure par semaine dès la cinquième, le théâtre au collège, la généralisation du Service national universel (SNU) en seconde et la possible mise en place d’une tenue unique pour les élèves au terme d’une expérimentation menée dès cette année dans une centaine d’établissements. Autant de mesures en faveur des valeurs traditionnelles chères aux conservateurs.
Emmanuel Macron a également promis de l'"ordre", en "contrôlant mieux nos frontières, en luttant contre les incivilités grâce à un doublement de la présence policière dans nos rues, en luttant contre la drogue, en luttant contre l'islam radical". Le chef de l’État a notamment annoncé vouloir "dix opérations par semaine" en France contre le trafic de drogue "dans toutes les catégories de villes".
Si le président est cohérent avec la ligne adoptée l’été dernier après les émeutes urbaines ayant suivi la mort du jeune Nahel, lorsque Emmanuel Macron avait affirmé vouloir rétablir "l’ordre, l’ordre, l’ordre", et si son discours colle parfaitement à son nouveau gouvernement, nettement marqué à droite, il apparaît en revanche difficile de voir en quoi toutes ces annonces constituent un "retour aux sources" du macronisme de 2017, pourtant promis par son entourage.
D’autant que le chef de l'État a livré mardi soir un rare mea culpa sur "l'égalité des chances". "Je dois reconnaître avec netteté qu'après six ans et demi (...), nous avons amélioré des choses mais nous ne les avons pas radicalement changées". L'avenir des enfants "reste encore par trop déterminé par le nom de famille, l'endroit où l'on est né, le milieu auquel on appartient", a regretté Emmanuel Macron, lui qui disait il y a sept ans vouloir combattre "l’assignation à résidence".