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Piscines, ski, industries… ces secteurs menacés par l’augmentation des prix de l’énergie

Une piscine municipale temporairement fermée en raison des prix élevés de l'énergie, à Meudon, dans la banlieue sud-ouest de Paris, le 6 septembre 2022. Les prix du gaz et de l’électricité ne cessent d’augmenter depuis des mois, alourdissant de manière croissante la facture de multiples infrastructures : piscines, gymnases, domaines skiables, industries... Tour d’horizon des secteurs touchés ou menacés par des fermetures. À l’approche de l’automne, la situation énergétique se tend dans plusieurs secteurs en France. La flambée du prix des énergies (gaz et électricité) fait augmenter radicalement les coûts de fonctionnement de plusieurs infrastructures publiques – piscines, patinoires, gymnases, palais des sports – et privées – domaines skiables et entreprises. Ces dernières semaines, le prix du gaz a tutoyé des records, se vendant sur les marchés jusqu’à 251 euros le mégawattheure (MWh) à la mi-août. "À ce prix-là, le gaz est 11 fois plus cher que la moyenne saisonnière de ces cinq dernières années", a relevé le journal Les Échos. L’électricité, elle aussi, ne cesse d’augmenter : quand il fallait compter 50 euros pour un MWh début 2021, puis 222 euros fin 2021, le prix de gros a atteint  euros au cours de cet été. Ce secteur énergivore est touché de plein fouet par l’augmentation des prix du gaz. Pour cette raison, la société exploitante Vert Marine a fermé lundi 5 septembre les portes d’une trentaine de piscines publiques dont elle est gestionnaire – à Montauban, Versailles ou encore Limoges. Environ 10 % des 4 000 piscines publiques françaises sont gérées via une délégation de service public, et non directement par la collectivité où elle est implantée. Vert Marine a indiqué à l’AFP fermer "pour une durée temporaire" un tiers des 90 établissements qu’elle gère et a placé "les personnels en chômage partiel". Dans son communiqué, la société affirme que sa facture énergétique est passée de "15 à 100 millions d’euros", soit "la totalité du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise. Pour les mêmes raisons, elle a aussi fermé des patinoires dont elle assure la gestion. Cette situation agace les usagers : la fermeture de ces équipements prive temporairement de natation ou de glisse les titulaires d’un abonnement, les personnes en sport-étude ou encore les groupes scolaires… alors que le ministère français des Sports a fait du "savoir nager" une priorité de sa politique depuis plusieurs années, afin de prévenir les noyades. La colère prévaut aussi dans les municipalités : la ville de Champigny a dénoncé auprès du Parisien une "décision autoritaire et unilatérale", évoquant des discussions "en cours" avec la société Vert Marine pour obtenir la réouverture de la patinoire "dans les meilleurs délais". Le vice-président de l'agglomération de Limoges, Fabien Doucet, envisage quant à lui la possibilité d'une action judiciaire, dénonçant une décision "inadmissible" : "L'équipement qui a coûté 50 millions d'euros sert aux habitants d'une vingtaine de communes qui, du jour au lendemain, sont pris en otage." Du côté de l’exécutif, la question des piscines et des patinoires est inscrite depuis le 31 août à l’agenda du groupe de travail gouvernemental "Sports" sur la sobriété énergétique. "S'agissant des piscines et des patinoires, un travail est notamment mené avec les représentants de ces acteurs (dont l'Union Sport et Cycle) et les collectivités pour trouver des solutions afin de réduire la consommation tout en préservant l'activité sportive et économique", ont fait savoir la semaine dernière, sans plus de précisions, les ministres des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, et de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. "Des mesures complémentaires seront étudiées en cas de fortes tensions sur les réseaux". Les collectivités locales sont frappées depuis des mois par l’augmentation des prix de l’énergie, grevant les budgets de nombreuses communes françaises. Les piscines arrivent en tête des dépenses, mais sans solutions pérennes pour les prochains mois d’autres services publics locaux pourraient être touchés comme les gymnases, musées, médiathèques, voire les écoles, collèges et lycées. "Nos budgets sont en train d'exploser. L'inflation touche massivement l'ensemble des bâtiments des collectivités territoriales, qu'ils soient sportifs, culturels ou de toute autre nature", constate André Laignel, vice-président de l'Association des maires de France. Selon l'Association des petites villes de France, les dépenses énergétiques de certaines communes ont bondi de 50 %. Pour l’AMF et la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, ces hausses varient entre 30 et 300 % Dans un rapport paru fin juillet, le Sénat a pointé plusieurs risques induits par la hausse soudaine des coûts de l'énergie "(Cela) met en péril des services publics locaux essentiels. (Cela) risque aussi d'engendrer un renoncement des collectivités à leurs projets d'investissement liés à la transition énergétique et de mener à une hausse des impôts locaux affectant le pouvoir d'achat des ménages." Plusieurs collectivités s’adaptent d’ailleurs depuis des mois pour réduire la facture d’énergie. À Limoges, la municipalité a notamment baissé la température de ses gymnases et a fermé sa patinoire cet été. Des villes comme Brive-la-Gaillarde prévoient de mettre en place un plan d’économies d’énergie dans les années à venir, comme la réduction de l’éclairage public. Le ministère en charge des Collectivités territoriales a rappelé à l’AFP que "le filet de sécurité mis en place cet été représente 430 millions d'euros pour soutenir les communes et les intercommunalités fragilisées par la hausse du point d'indice des fonctionnaires, des coûts de l'énergie et des denrées alimentaires, 120 millions pour les départements et 18 millions pour les régions". Dans le même temps, le surcoût de l'énergie devrait atteindre 11 milliards d'euros en 2022 pour les collectivités territoriales, selon BFMTV. Avant le début de la saison hivernale, les exploitants des stations de ski ne cachent pas non plus leur inquiétude. Les prix actuels de l'électricité constituent "un premier obstacle énorme", a affirmé à l'AFP Fabrice Boutet, directeur général de SATA group, société qui gère les remontées de l'Alpe-d'Huez, des Deux-Alpes et de La Grave. Selon les projections, les tarifs actuels se traduiraient pour le groupe par "une facture qui passe de un à dix, en gros, de deux à vingt millions (d’euros)", selon lui. Il devra également aménager les vitesses des remontées, les heures d'ouverture et travailler sur les économies d'énergie à long-terme, souligne-t-il. Cette hausse des tarifs énergétiques "est très brutale et complètement inédite", s’inquiète aussi Laurent Reynaud, délégué général de Domaines skiables de France – la chambre professionnelle des opérateurs de domaines skiables : "Si l’électricité représentait entre 3 et 5 % du chiffre d’affaires selon les domaines, en multipliant par trois voire quatre la facture comme c’est le cas aujourd’hui, on passerait mécaniquement à 10 à 20 % du chiffre d’affaires." Les professionnels du secteur pensent malgré tout que l’ouverture de leurs stations de ski n’est pas compromise mais ils en appellent aussi à l’intervention de l’État. Dominique Thillaud, directeur de la Compagnie des Alpes – qui gère de nombreuses grandes stations dont Tignes, Val d'Isère, ou La Plagne – "souhaite se joindre aux appels lancés à l'attention du gouvernement pour remettre de la rationalité dans un secteur de l'énergie devenu absolument irrationnel, notamment concernant la fixation du prix". La flambée des prix force déjà certaines entreprises à prendre des décisions stratégiques en vue de cet hiver. C’est le cas d’Aluminium Dunkerque, dans le nord de la France :  cette fonderie d’aluminium – premier site industriel français en termes de consommation d’électricité avec 4 térawhattheures par an – a décidé de réduire sa production de 22 % pour le dernier trimestre de l’année 2022 afin de faire face aux factures. "À partir du mois d'octobre, on serait en perte très significative si on continuait la production telle quelle", a expliqué à Reuters le directeur général de l’entreprise, Guillaume de Goÿs. Et de préciser que sans cette décision, les factures d'électricité de l'entreprise passeraient de 40 millions d'euros par mois aujourd'hui à 150 millions d'euros en décembre, selon les prix attendus de l'électricité. Il n'est pour l'instant pas question de mise au chômage partiel pour les 650 salariés du site. Outre Aluminium Dunkerque, d'autres entreprises de la sidérurgie ont annoncé des baisses de leur production ou une réorganisation interne du travail pour limiter l'impact de la hausse du coût de l'électricité. C’est le choix fait par Ascométal (1 200 personnes employées en France), qui va interrompre son activité pendant deux à trois semaines durant le mois de décembre dans ses usines de Hagondange (Moselle) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Certains salariés seront mis au chômage partiel. La célèbre entreprise de verrerie Duralex a annoncé quant à elle, le 1er septembre, qu’elle allait mettre son four en veille pour une durée minimum de quatre mois à partir de novembre et placer l’ensemble de ses salariés en chômage partiel. "Produire au tarif de l’énergie du jour générerait des pertes intenables. Limiter notre consommation d’énergie dans la période qui s’amorce nous permet donc de préserver l’activité et l’emploi de Duralex", a déclaré le président de l’entreprise, José-Luis Llacuna. Et le plus dur reste à venir au début de l’année 2023. "Près de la moitié des entreprises, surtout des grandes, mais pas seulement, doivent renouveler leur contrat de fourniture d’électricité. Certaines d’entre elles risquent de se retrouver avec des prix multipliés par cinq dès le mois de janvier 2023", explique au Monde l’entrepreneur Marc Alric. Si les prix de l’énergie ne se stabilisent pas d’ici quelques mois, l’hiver s’annonce rude dans plusieurs secteurs.

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