Perte de l'odorat post-Covid : la rééducation olfactive, seul espoir pour les patients anosmiques ?
La pandémie de Covid-19 a mis en évidence une pathologie peu connue : l’anosmie. Il s’agit de la perte de l'odorat, l'un des symptômes de la maladie. En France, des milliers de personnes ont perdu ce précieux sens après avoir contracté le virus. Certains sont toujours anosmiques plusieurs mois après avoir été infectés. Pour tenter de retrouver l'odorat, les professionnels de santé recommandent la rééducation olfactive. L'association anosmie.org a récemment publié un protocole gratuit en plusieurs langues. Ce protocole a été décliné en version numérique sur le site covidanosmie.
Il y a un an, Julie a contracté le Covid-19 et comme de nombreux Français, elle est devenue anosmique, c'est-à-dire qu'elle a totalement perdu le sens de l'odorat. Une anosmie qui s'explique, selon de récentes études, par une invasion du Covid-19 dans le système nerveux central. Le virus parvient a atteindre le bulbe olfactif, région située à la base du cerveau et qui a un rôle majeur dans l'odorat.
Depuis six mois, Julie est suivie à l'hôpital Foch de Suresnes en région parisienne. Son ORL lui a recommandé de faire une rééducation olfactive pour tenter de récupérer l'odorat. "Il faut s'entraîner à sentir les odeurs du quotidien, assure le docteur Jérome Lechien, ORL à l'hôpital Foch de Suresnes. Les odeurs du quotidien, c'est la tasse de café le matin, ce sont les épices avec lesquelles on a l'habitude de cuisiner. C'est notre parfum, c'est le parfum des personnes qui vivent avec nous." Cet entraînement agit sur le cerveau. "Il est en train de réapprendre à détecter les odeurs et à les associer à ce que c'est. Un peu comme si pendant la perte d'odorat, le cerveau avait oublié quelle était par exemple l'odeur de la rose, quelle était l'odeur du pamplemousse. Et donc en se réentraînant comme ça, on 'rappelle' au cerveau ; un peu comme quand on étudie une matière, il faut l'étudier plusieurs fois…"
Selon une étude européenne coordonnée par le docteur Lechien, plus de 90 % des patients infectés par le Covid-19 récupèrent leur odorat dans les six mois. Mais pour certains, cela pourra prendre jusqu'à deux ans. Pour ces patients qui souffrent d'un Covid long, la rééducation olfactive est le seul moyen de récupérer son odorat.
Une explosion du nombre de patients anosmiques
À l'hôpital Foch de Suresnes, les consultations pour perte de l'odorat liée au Covid-19 ont explosé depuis le mois de mars 2020, passant de quelques dizaines de patients par an à plusieurs dizaines par semaine. Pour le moment, peu de données et d'études existent sur les patients présentant une anosmie post-Covid en France, certaines sont en cours. Mais le CNRS estime que 46 % à 86 % des patients Covid-19 sont atteints d'un trouble de l'odorat (anosmie, hyposmie [baisse manifeste de la qualité de l'odorat]...).
Sébastien aussi est anosmique. Comme Julie, il a perdu l'odorat après avoir contracté le Covid-19. C'était il y a cinq mois. "Ça commencé par une odeur de cuisine que ma femme a voulu me faire sentir, et en fait je me suis rendu compte que je ne sentais plus rien".
Un protocole de rééducation olfactive gratuit, disponible en ligne
Pour tenter de retrouver une vie normale, il a tout essayé : traitement à la cortisone, cure de zinc, magnétiseur… Sans succès. Alors depuis deux mois, il suit une rééducation olfactive à base d'huiles essentielles, via le site Covidanosmie. Deux fois par jour durant seize semaines, il doit sentir quatre huiles essentielles (géranium, clou de girofle, eucalyptus et citron) et essayer de les reconnaître. Ces derniers temps, il constate des effets encourageants. "Il y a des évolutions positives. J'arrive à sentir, de temps en temps. Par exemple les huiles essentielles, une odeur de parfum, une odeur de cigarette".
L'application de rééducation olfactive Covidanosmie, lancée le 12 janvier, est une première mondiale. Elle permet de suivre en temps réel les progrès des patients et a pour but de réaliser une évaluation clinique des résultats. Elle est la déclinaison numérique d'un protocole de rééducation publié par l'association anosmie.org en septembre 2019. Son président fondateur, Jean-Michel Maillard, est anosmique depuis un accident de voiture il y a cinq ans. Il se bat pour faire émerger une culture de l'odorat en France. "Quand on devient anosmique, on s'aperçoit qu'il n'y a aucune solution, confie-t-il. Il y a un vide médical, un vide sociétal, un vide scientifique. Ce sens a été mis de côté. On n'a pas fait le même travail que sur la vue ou l'audition avec tous ces appareils que l'on peut fournir aux gens aujourd'hui pour les accompagner dans leurs troubles. Pour l'odorat il n'y a absolument rien."
Le protocole de anosmie.org est gratuit et disponible en plusieurs langues sur le site de l'association. Il a déjà été téléchargé au moins 80 000fois. L'association devrait prochainement publier la deuxième version du protocole, plus élaborée et prenant en compte les premiers retours de patients. Parallèlement, elle continue de se battre pour que l'anosmie soit reconnue comme un véritable handicap.