Pénurie de carburants : les grévistes ne cèdent pas malgré la menace de réquisitions du gouvernement
Des automobilistes font la queue devant une station-service, à Rochetaillée-sur-Saône, dans le centre de la France, le 11 octobre 2022.
Le gouvernement français a appelé mardi à la levée "sans délai" des blocages des dépôts de carburants, en menaçant d'"intervenir" pour "réquisitionner les moyens nécessaires pour libérer les dépôts et faire fonctionner les raffineries". Une menace sans effet, puisque les grévistes ont reconduit le mouvement, tant chez TotalEnergies que chez Esso-ExxonMobil.
Le gouvernement, sous le feu des critiques des oppositions, a appelé, mardi 11 octobre, à la levée "sans délai" des blocages des dépôts de carburants, en menaçant d'"intervenir" pour les débloquer, mais les grévistes ne cèdent pas et ont reconduit le mouvement, tant chez TotalEnergies que chez Esso-ExxonMobil.
"Quand il y a des propositions de négociations, il faut s'en saisir. Sinon, ce n'est plus de la grève pour obtenir des résultats, c'est tout simplement un blocage du pays, et ce n'est pas acceptable", a déclaré le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire, sur France Info.
"Si la CGT refuse catégoriquement d'engager cette discussion, nous n'aurons pas d'autre moyen que de réquisitionner les moyens nécessaires pour libérer les dépôts et faire fonctionner les raffineries, tout simplement parce que nos compatriotes ne peuvent pas être les victimes collatérales d'un conflit social entre une organisation syndicale, la CGT, et une entreprise privée", a ajouté le ministre.
"Le gouvernement appelle à ce que la totalité des blocages soient levés sans délai. Sans quoi, nous prendrons nos responsabilités, c'est-à-dire que nous pourrions être amenés à les lever", a renchéri sur RTL le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, au lendemain d'une réunion d'urgence à Matignon.
Il a fait la différence entre la situation à ExxonMobil, où "il n'y a plus aucune raison" de blocage après l'accord entre la direction et les syndicats lundi, et à TotalEnergies, où "la CGT continue à appeler à bloquer", ce que "nous considérons excessif et anormal".
"La direction de TotalEnergies a raison de demander la levée des blocages avant de discuter", selon lui.
"Ce matin, les salariés ont revoté à une large majorité pour la poursuite de la grève, on est toujours en attente de précisions en matière de négociations par la direction", a pour sa part relevé Éric Sellini, coordinateur CGT pour TotalEnergies.
Le groupe a engrangé 10,6 milliards de dollars de bénéfices au premier semestre.
La raffinerie de Normandie, le dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque, et la "bio-raffinerie" de la Mède (Bouches-du-Rhône) ont reconduit le mouvement, auquel se sont jointes des stations-service autoroutières du réseau Argedis, filiale de TotalEnergies.
"Remise en cause du droit de grève"
Côté Esso-ExxonMobil, les deux raffineries de Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) ont reconduit le mouvement, à l'appel de FO et la CGT, malgré la signature la veille d'un accord salarial par deux organisations majoritaires à l'échelle du groupe mais pas des raffineries, a indiqué la CGT.
En cas de réquisition, "on ira devant les tribunaux pour les faire annuler", a assuré Éric Sellini, tandis que la CGT d'Esso-ExxonMobil a dénoncé "une remise en cause du droit de grève".
Du nord au sud de la France, les mêmes scènes se reproduisent : des stations-service fermées, d'interminables files d'attente, des prix en hausse et le moral en berne.
Tout juste ravitaillée par camion-citerne mardi matin, la station-service Casino de Basso Cambo, en périphérie de Toulouse, a été prise d'assaut par les automobilistes.
Une vingtaine de voitures et camionnettes ont attendu environ 40 minutes pour faire leur plein. "On a fait une dizaine de stations depuis hier sans pouvoir mettre du gasoil", raconte Ramzi Soltani, 33 ans, carreleur, dont l'entreprise a dû annuler des chantiers à cause de la pénurie de carburant.
Peine perdue, les automobilistes sont finalement restés bredouilles en raison d'un dysfonctionnement des pompes de cette station, a constaté une journaliste de l'AFP.
"Nous ne sommes pas là pour bloquer la vie de tous les Français, mais pour revendiquer des conditions de vie dignes", a déclaré Lionel Arbiol, porte-parole de la CGT Esso, en marge d'un "grand rassemblement" à l'appel des CGT de Esso Fos-sur-Mer et de TotalEnergies La Mède mardi matin, auquel ont pris part près de 200 manifestants dès 7 h 30, devant la raffinerie Esso pour commencer.
Olivier Véran a estimé que retrouver "un fonctionnement normal" dans les régions les plus touchées allait "prendre quelques jours" et assuré que "ce sera le cas dans les 15 jours", soit avant les congés de la Toussaint.
Il a par ailleurs jugé anormal que "quelques profiteurs de grève" aient fait bondir "les prix de l'essence à la pompe" dans certaines stations.
Le gouvernement "discute avec TotalEnergies en vue qu'il puisse y avoir une prolongation sur quelques jours de la ristourne" mise en place par le groupe, selon le porte-parole.
Les oppositions ont accusé le gouvernement dans cette crise : la droite et l'extrême droite critiquant un "défaut d'anticipation" et une "fébrilité", quand la gauche a dénoncé des "menaces pour les salariés mais (des) caresses pour les patrons".
Avec AFP