Pénurie d'enseignants, interdiction de l’abaya : une rentrée scolaire sous tension en France
La rentrée scolaire a lieu lundi pour 12 millions d'élèves en France. Malgré la promesse gouvernementale d'un professeur devant chaque classe, la pénurie d'enseignants est toujours d'actualité. Une problématique cependant éclipsée médiatiquement par l'interdiction de l'abaya, qui a fait l'objet de nombreux débats.
Des élèves dans une salle de classe le jour de la rentrée dans un lycée de Lyon, le 1er septembre 2022.
Dernier jour de vacances avant la rentrée ce lundi 4 septembre. Quelque 12 millions d’élèves reprennent le chemin de l’école pour une rentrée scolaire où les pénuries d'enseignants, malgré la promesse d’un professeur devant chaque classe, sont éclipsées médiatiquement par l'interdiction de l'abaya.
Attendu au tournant dans ce poste complexe et très exposé, le nouveau ministre de l'Éducation, Gabriel Attal, a promis pour sa première rentrée de "mettre le paquet sur les savoirs fondamentaux" et de "faire bloc" sur la laïcité.
Ligne de fermeté
En annonçant une semaine avant la rentrée, l'interdiction de l'abaya, ce vêtement long porté par les femmes dont le caractère religieux a longtemps fait débat, Gabriel Attal a donné le "la" de la rentrée médiatique. De son côté, la Première ministre, Élisabeth Borne, a récusé toute "stigmatisation", dénonçant au passage des "tentatives de provocation" et de "manipulation" sur la question, "notamment" de La France insoumise. "Il y a un principe, c'est la laïcité. Et il y a une loi qui interdit le port de tout signe ou tenue par lequel un élève manifeste son appartenance à une religion. C'est la loi qui doit s'appliquer à tous et nous veillerons à ce qu'elle soit bien appliquée", a insisté Élisabeth Borne.
Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a, quant à lui, estimé en juin que l'abaya "n'est pas" un signe religieux musulman. "C'est une forme de mode", a abondé, le 27 juillet, sur BFMTV, Abdallah Zekri, le vice-président du CFCM. L'interdiction qui vaut aussi pour le port du qamis, version masculine de ce vêtement, fait cependant l'objet d'un référé-liberté devant le Conseil d'État par une association de défense des musulmans.
Dans le sillage d’Emmanuel Macron, qui a décidé de faire de l'école "son domaine réservé", c'est tout l'exécutif qui souhaite incarner une ligne de fermeté en matière éducative, deux mois après les émeutes qui ont embrasé plusieurs villes de France après la mort du jeune Nahel à Nanterre. "Nous devons êtes intraitables" pour interdire à l'école l'abaya et le qamis, a martelé le président lors d'un déplacement dans le Vaucluse, vendredi.
Or si les chefs d'établissement ont salué cette décision, de nombreux enseignants jugent que la question de l'abaya "ne doit pas cacher les problématiques réelles du terrain". La rentrée 2023 se déroulera en effet à nouveau sous tension en raison d'une crise du recrutement des enseignants – un phénomène qui n'est pas nouveau mais qui s'est accentué depuis l'an dernier – avec cette année plus de 3 100 postes non pourvus aux concours enseignants dans le pays.
Les syndicats en alerte
Emmanuel Macron a réaffirmé, vendredi, que la promesse d'"un professeur devant chaque classe" à la rentrée serait "tenue" : "un devoir républicain", selon lui. Dans un sondage du syndicat SE-Unsa, mené auprès de 2 000 personnes, 68 % des enseignants interrogés disent pourtant craindre pour la rentrée qu'il y ait un manque de personnels.
Pour remédier à la crise des vocations, le chef de l'État a annoncé la future création d'une "formation dès l'après-bac" pour les futurs enseignants, au grand dam des syndicats. Et si ceux-ci ont salué le report du calendrier des épreuves de spécialité du bac Blanquer de mars à juin, ils constatent aussi l'accumulation d'annonces sans consultation, ni concertation.
Dans une lettre adressée à Gabriel Attal, l'Unsa-Éducation exhorte le nouveau ministre à "ne pas reproduire les erreurs de ces prédécesseurs en matière d'annonces sans lendemain, d'injonctions aux personnels, d'éléments de langage qui mettent en porte à faux ceux-ci avec l'opinion publique". Il liste aussi les priorités de la rentrée qui, selon lui, reposent sur l'attractivité des métiers de l'éducation, la mixité sociale et la lutte contre la ségrégation scolaire.
Renforcement des fondamentaux
Lundi, la Première ministre, Élisabeth Borne, et Gabriel Attal se rendront dans des établissements en Ille-et-Vilaine, où seront abordés deux priorités de cette rentrée, selon le gouvernement : le renforcement des fondamentaux en mathématiques et en lecture et une meilleure reconnaissance de l’engagement des enseignants grâce au pacte.
Parmi les autres sujets de la rentrée scolaire : le handicap. Fin août, l'Unapei, l'une des principales associations dans le secteur du handicap intellectuel, a déploré que des milliers d'enfants en situation de handicap n'aient pas accès à une scolarisation adaptée. Il existe "une réelle carence dans l'accueil à l'école des élèves en situation de handicap", ont abondé la Défenseure des droits, Claire Hédon, et son adjoint Défenseur des enfants, Éric Delemar, dans un communiqué.
Avec AFP