Ouverture du premier procès aux assises pour terrorisme d'ultradroite en France
Quatre suspects d'extrême droite français sont jugés devant la cour d'assise des mineurs spéciale de Paris, à partir de lundi, pour un complot terroriste présumé. Ils sont soupçonnés d'avoir envisagé, notamment, d'attaquer des musulmans dans des mosquées. Jugeant ce procès d'"intérêt public", la cour a décidé de lever le huis clos habituel.
Ce premier procès de terrorisme d'ultradroite est jugé aux assises et non en correctionnelle.
Une première pour l'ultradroite. Le procès de quatre hommes de la mouvance néonazie soupçonnés de projets terroristes, notamment contre des mosquées, s'est ouvert lundi 19 juin devant la cour d'assises des mineurs spéciale de Paris, qui a décidé de lever le huis clos.
À l'ouverture, l'un des principaux accusés a reconnu avoir "envisagé des projets de violence", tout en assurant qu'il n'aurait pas été capable de "passer à l'acte".
D'après l'accusation, les hommes, aujourd'hui âgés de 22 à 28 ans, imprégnés de l'idéologie "d'extrême droite néonazie", participaient à un forum privé nommé "projet WaffenKraft" sur lequel leurs discussions avaient "très rapidement dérivé vers l'élaboration de projets terroristes sous l'impulsion d'Alexandre Gilet", le "plus radical et plus motivé" du groupe.
Achats d'armes et références à des tueries de masse
Outre les discussions en ligne, l'enquête a mis en évidence des achats d'arme, dont trois fusils semi-automatique, des recherches d'informations sur des cibles potentielles comme des mosquées parisiennes ou le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) et une rencontre pour s'entraîner au tir dans la région de Tours, à l'été 2018.
Dans les écrits d'Alexandre Gilet, alors gendarme adjoint volontaire dans la région de Grenoble, des messages où il se félicite des actions du "croisé Breivik", en référence à l'extrémiste de droite norvégien Anders Behring Breivik qui avait tué 77 personnes en juillet 2011.
Les enquêteurs retrouvent aussi un document inachevé, "Reconquista Europe – Opération croisée", "qui semble annoncer un attentat pour le 13 novembre 2018", cinq ans après les attentats de Paris et Saint-Denis, et dit vouloir viser "des lieux fréquentés par des islamistes" et "les traîtres marxistes communistes".
Un procès d'un "réel intérêt public"
Un des accusés étant âgé de 16 à 17 ans au moment des faits, ils sont jugés devant une cour d'assises des mineurs spéciale, juridiction où les débats se déroulent d'ordinaire à huis clos.
Mais à l'ouverture de l'audience, l'avocat général, Olivier Dabin, a demandé une levée de cette "publicité restreinte des débats", estimant qu'il y avait un "réel intérêt public" à ce que ce premier procès de terrorisme d'ultradroite jugé aux assises et non en correctionnelle puisse se tenir publiquement.
De précédents dossiers commecelui des Barjols ou du groupuscule OAS ont été jugés ces dernières années, mais seulement devant un tribunal correctionnel.
"Il s'agit d'une menace nouvelle, inquiétante, grandissante qui est celle des tueries de masse, inspirée des pays anglo-saxons, qui tendent à être importées sur notre territoire" et l'opinion publique "mérite d'être informée de la réalité de cette menace, de ses modalités d'action, de ses projets", a-t-il argumenté.
Le représentant du parquet national anti-terroriste a aussi fait valoir que l'accusé concerné, Julien (prénom modifié), n'était "pas l'accusé principal" à ses yeux et qu'il ne présentait pas "des aspects de personnalité qui rendent indispensable d'en préserver la divulgation".
L'avocate du jeune homme, Modestie Corde, s'était opposée à cette analyse, indiquant qu'il était "certes majeur" aujourd'hui mais qu'il souffrait de "pathologies" psychiques qui en faisaient "une personne vulnérable". Un procès public l'exposerait "à des représailles conséquentes", avait-elle aussi fait valoir.
Les autres avocats de la défense s'étaient aussi opposés à la levée du huis clos, Fanny Vial, avocate d'Alexandre Gilet, 27 ans aujourd'hui, estimant qu'un procès sans public aurait permis à ces "jeunes majeurs qui ont du mal à s'exprimer sur leur parcours de vie" de mieux "s'expliquer", et Olivia Ronen, avocate d'Evandre Aubert, 28 ans, mettant en garde contre une "tendance à gommer la spécificité du droit des mineurs".
Le procès doit durer jusqu'au 30 juin.
Avec AFP