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Nouvelle union populaire : le Parti socialiste tiraillé entre soulagement et dissidences

LÉGISLATIVES 2022 La nouvelle coalition de la gauche (Nupes) scellée la semaine dernière entre LFI, les écologistes, les communistes et le PS en vue des législatives des 12 et 19 juin passe mal au parti à la rose. Candidats socialistes sacrifiés, contraints à l’abandon ou dissidents, l'ambiance des mauvais jours règne dans les QG de campagne du PS. Après le désastre de la présidentielle, le parti obtient pourtant 70 investitures potentiellement gagnables. Un accord sur l'union des gauches, mais à quel prix pour le Parti socialiste ? Loin de l'enthousiasme des discours prononcés samedi 7 mai lors de la convention d'investiture des candidats de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), il y a les rictus, les mines déconfites et la colère. Celle des candidats socialistes empêchés de faire campagne aux législatives en vertu de l'accord acté dans la nuit de jeudi à vendredi entre les formations de gauche – La France insoumise (LFI), Europe Écologie-Les Verts (EELV), le Parti communiste (PCF) et le Parti socialiste (PS). Douloureuse conséquence de la cuisante défaite d'Anne Hidalgo à la présidentielle (qui n'a pesé que 1,75 % dans le scrutin), à l'issue de l'accord, le Parti socialiste a obtenu 70 investitures sur les 577 circonscriptions législatives françaises. Sur le terrain, l'union nationale a un goût amer pour ce parti qui dispose toujours d'un ancrage local important. "Nouvelle étape de la lente agonie du PS" Olivier Faure a promis que les circonscriptions des élus socialistes sortants seraient préservées. Pourtant dans la réalité, certaines de ces candidatures ont bien été sacrifiées sur l'autel de l'accord national. David Habib (Pyrénées-Atlantiques), Michèle Victory (Ardèche) ou encore Régis Juanico (Loire), tous députés socialistes sortants, peuvent en témoigner : une candidature Nupes fait désormais obstacle à la leur. Il y a aussi les candidats qui ne souhaitent pas partir au bras de fer avec le PS et préfèrent se retirer définitivement du jeu politique. C'est notamment le cas de Gisèle Biémouret (Gers), Hélène Vainqueur-Christophe (Guadeloupe) ou Christian Hutin (Nord). À la liste des grands perdants, s'ajoutent aussi les candidats socialistes, qui au nom de l'accord national, ont annoncé leur retrait forcé, à l'instar de Clément Sapin (Indre), Christophe Lavialle (Loiret), Aurélien Bourdier (Vienne), Sébastien Miossec (Finistère), Arnaud Platel (Finistère) et bien d'autres. "Ces retraits sont d'autant plus difficiles à encaisser que certains candidats investis par le PS sont déjà entrés en campagne, explique Benjamin Morel, maître de conférence à l'université Paris-2 Panthéon-Assas. Certains ont pu contracter des prêts pour anticiper les délais d'obtention des banques, et même déjà engager des frais. Ils se retrouvent dans une position très inconfortable." Cette situation critique "marque nouvelle étape de la lente agonie du PS", résume Michel Wievorka, sociologue et auteur de l'essai "Alors Monsieur Macron, heureux ?" (éd. Rue de Seine). Des socialistes insoumis Au milieu du naufrage, certains fervents socialistes engagés dans la campagne, n'en déplaise au patron des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, ont refusé la soumission à la nouvelle force dominante à gauche. Cette ligne dissidente est notamment portée par des figures locales comme Michaël Delafosse, le maire de Montpellier, ou Carole Delga, présidente de la région Occitanie. L'élue a assuré qu'elle soutiendrait six candidats socialistes dans sa région, faisant fi des éventuelles candidatures LFI, écologistes ou communistes. Moins médiatiques, une dizaine de noms de dissidents comme Christine Pirès (Puy-de-Dôme), Xavier Perrin (Loire-Atlantique) ou Valérie Rabault (Tarn-et-Garonne), ont eux aussi annoncé leur ferme intention de ne pas faire allégeance à l'accord national. Mais c'est à Paris, dans la 15e circonscription de la capitale, que la fronde anti-Nupes risque d'attirer tous les regards. Soutenue par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin, la députée PS sortante Lamia El Aaraje, qui a perdu son mandat début 2022 après l'annulation de l'élection par le Conseil constitutionnel, ne semble pas décidée à laisser la circonscription à Danielle Simonnet, oratrice nationale du parti de Jean-Luc Mélenchon. La fronde des cadres du parti La dissidente est également soutenue par de grandes figures du parti. Bernard Cazeneuve, Jean-Marc Ayrault, Jean-Christophe Cambadélis, Anne Hidalgo... jusqu'à l'ancien président socialiste François Hollande. Tous ont fait montre de leur franche hostilité vis-à-vis de ce mariage de raison. Cette Nouvelle union populaire écologique et sociale "ne peut pas être une source d'espérance", a critiqué l'ex-président le 9 mai sur France Inter. "Je ne suis pas contre l'union, mais je suis contre un accord qui, tel qu'il est fait, sur le plan électoral et programmatique, ne permet pas la victoire", a-t-il précisé. Si la création d'un mouvement politique en opposition à la Nupes n'est pour le moment pas à l'ordre du jour, le maire du Mans et ancien ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll s'est dit prêt, mercredi sur France 2, à "conduire la campagne" pour les législatives des dissidents du PS. "Pas sûr que ces prises de positions des cadres du parti aient beaucoup de conséquences sur le scrutin, estime Benjamin Morel. Ce scrutin, éminemment politique, a de fortes chances de ressembler à celui de la présidentielle. Pour autant, il marque surtout une fracture idéologique entre les deux partis." Pari risqué Tous les opposants à l'union avec La France insoumise engagés sur le terrain ont d'ores et déjà assuré qu'ils poursuivraient la campagne sans étiquette, puisqu'en s'opposant au parti, ils en sont de fait exclus. À quinze jours de la date limite de dépôt des candidatures, ces initiatives insurrectionnelles soulèvent tout de même des interrogations. Sans structure derrière eux, comment débourseront-ils les quelque 30 000 euros nécessaires pour mener campagne ? S'ils sont élus, dans quels groupes siègeront-ils à l'Assemblée ? Des questions délicates pour l'heure sans réponse. "Il est à ce stade difficile d'évaluer l'importance de ces candidatures dissidentes tant il semble périlleux de poursuivre la campagne sans l'appui d'un parti. Ne serait-ce que sur le plan financier, puisque la formation politique n'est plus garante des dépenses engagées, poursuit Benjamin Morel. On sait d'expérience que les nouvelles têtes sans étiquette ont peu de chance d'élues. Pour gagner dans ces circonstances, il faut donc être sûr de pouvoir capitaliser sur son nom. C'est un pari risqué." Une lueur d'espoir subsiste tout de même dans ce sombre tableau. Le Parti socialiste ne s'en est pas si mal tiré, à croire certains observateurs comme Benjamin Morel. "Ils n'ont certes obtenu que 70 circonscriptions contre 100 pour les Verts, mais ce n'est pas si mal pour un parti qui a fait moins de 2 % à la présidentielle. Et si l'on regarde de plus près les députations obtenues, elles sont peu nombreuses mais gagnables."

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