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Sports

Nacer Bouhanni, cycliste victime de racisme : "Je suis né en France, j'aime mon pays"

Le sprinteur français d'Arkea-Samsic, Nacer Bouhanni, est la cible d'un torrent d'insultes racistes sur les réseaux sociaux depuis son dangereux sprint lors de la course Cholet-Pays de la Loire, le 28 mars. Le champion de France 2012 s'apprête à porter plainte et s'est confié dans l'Équipe sur son rapport au racisme dans le vélo. "Retourne en Afrique." Parmi d'autres, c'est l'une des insultes qui revient le plus souvent à l'encontre de Nacer Bouhanni, sprinteur de la formation bretonne Arkea-Samsic. Pourtant, le coureur cycliste est français : né à Épinal, dans les Vosges, en 1990, il a même porté le maillot de champion de France pendant une saison après son sacre en 2012. Une nouvelle fois cible d'insultes racistes sur les réseaux sociaux, il va porter plainte et a accepté de se livrer dans les colonnes de l'Équipe, dans un entretien publié mardi 6 avril. "Là, c'est beaucoup trop", a déclaré le sprinteur de l'équipe Arkea-Samsic. "Ça fait déjà huit jours que je reçois des centaines de messages, ça tourne au harcèlement". "Je ne suis quand même pas le seul à voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Pourquoi personne ne fait rien quand ce genre de personnes immondes m'envoient en permanence des 'cochon' ou des 'terroriste', 'retourne dans ton pays sale maghrébin' ?", interroge Bouhanni. Un sprint dangereux À l'origine de cette nouvelle vague de harcèlement, il y a un sprint dangereux de la part du coureur de la formation Arkea-Samsic. Lors de la course Cholet-Pays de la Loire le 28 mars, Nacer Bouhanni a tassé le Britannique Jake Stewart le long des barrières, une faute qui a amené sa disqualification dans ce sprint remporté par l'Italien Elia Viviani. Le coureur de la Groupama-FDJ a eu la main fracturée dans l'accident. Sous le coup de la déception, Stewart avait réagi vigoureusement après la course en s'en prenant à Bouhanni sur Twitter: "Je te demanderais à quoi tu pensais... mais tu n'as rien dans la tête. Ce qui est ironique, c'est que tu m'as dit que je n'avais 'aucun respect' après l'arrivée". "Je tiens à dire que je suis désolé pour Jake Stewart", a expliqué le coureur lorrain de l'équipe Arkea-Samsic. "Je vois Elia Viviani lancer et je veux prendre son sillage. J'admets que mon erreur a été de changer de trajectoire pour aller prendre sa roue. Je ne vois pas Jake Stewart à ce moment-là. Lorsque nous entrons l'un et l'autre en contact, je me retrouve déséquilibré et me rattrape comme je peux afin de ne pas tomber." Une plainte déposée L'affaire aurait pu en rester là avec ces excuses et une possible future sanction de l'Union cycliste internationale (UCI), mais les vagues d'insultes racistes ont commencé. Lundi, le coureur a annoncé qu'il porterait plainte. "Bonjour à tous les petits plaisantins qui s'amusent depuis une semaine à m'écrire personnellement ou à commenter sur certains sites de cyclisme que je devrais retourner en Afrique, que je suis un criminel, que je suis un maghrébin qui a besoin d'être interné et qui m'envoient sans cesse des (têtes de cochon) !", a déclaré le natif d'Épinal (Lorraine) sur son compte Instagram. "Sachez que je suis né en France et que je vais déposer plainte car cela fait déjà bien longtemps que je le subis et me tais mais, cette fois, je ne laisserai plus passer." Pour appuyer son propos, le sprinteur de l'équipe Arkea-Samsic a diffusé en accompagnement plusieurs messages reçus, dans différentes langues. "Nacer Bouhanni subit des attaques violentes à caractère raciste depuis plus d'une semaine, notamment sur les réseaux sociaux. Il a décidé de porter plainte", a confirmé son équipe qui "dénonce fermement ces actes et apporte son total soutien" au coureur vosgien. Son plus beau moment : la Marseillaise sur le podium Habituellement peu loquace sur le sujet du racisme dans le vélo, le sprinteur a accordé une longue interview à l'Équipe. Dans cet entretien, il prend soin de dédouaner le milieu du cyclisme. "Dans le peloton, en tout cas directement, je n'ai jamais été victime de racisme, en aucun cas. Dans les équipes où j'ai été, je n'ai jamais eu de souci. Je dis bien en direct parce qu'après, je ne suis pas là dans l'esprit des gens. Mais hors compétition, bien sûr que j'en ai reçu", explique le champion de France 2012. Ainsi Jake Stewart, le coureur victime de son erreur lors du sprint à Cholet a tenu à manifester son soutien à Bouhanni. "En dépit de notre récent différent, je veux être absolument clair, je soutiens totalement Nacer Bouhanni. Nous pouvons être en accord ou désaccord sur certaines choses, mais ce dont il ne devrait jamais être question, c'est le racisme", a tweeté le Britannique. "Les commentaires et le racisme à l'encontre de Nacer la semaine dernière sont absolument déplorables. Il n'y a pas de place pour le racisme dans le monde. Aux soi-disant "fans" de cyclisme qui ont fait ces commentaires, vous n'êtes pas bienvenus ici." En juillet 2019, Nacer Bouhanni avait déjà reçu une première vague d'insultes après des insinuations d'un ancien coureur néerlandais, Stef Clement, qui, devenu consultant, avait insinué que le coureur avait interdit les repas contenant du porc dans son équipe et la présence de femmes dans le staff. Des insinuations aux relents islamophobes qui avaient poussé Nacer Bouhanni a porter plainte pour diffamation. Mais le coureur attend toujours l'ouverture d'une enquête. À propos du racisme, le coureur estime aujourd'hui que "c'est comme une cicatrice qui est fermée". "Elle s'est rouverte petit à petit au fil des jours, et c'est ça qui fait mal", raconte le Vosgien dans l'Équipe. "Je suis né en France, j'aime mon pays, j'ai été champion de France à 21 ans, ça a été un des plus beaux moments de ma carrière quand j'étais sur le podium avec La Marseillaise". "Mes parents ont toujours refusé de me parler de racisme. Pour me protéger. Depuis l'âge de six ans, mon père est avec moi dans le cyclisme, c'est grâce à lui que j'ai pu y arriver, sinon j'aurais arrêté, parce que j'ai eu des moments de ras-le-bol jeune aussi", explique-t-il. Nacer Bouhanni a cependant su s'isoler des critiques pour rebondir dès dimanche 4 avril à la Roue tourangelle, où il a pris la deuxième place derrière son compatriote Arnaud Démare (Groupama-FDJ). Il sera dans le peloton qui participera au GP de l'Escaut mercredi.

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