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Mort de Nahel : une cagnotte pour la famille du policier écroué indigne, avant d'être clôturée

LA CAGNOTTE DE LA DISCORDE La cagnotte de soutien à la famille du policier auteur du tir qui a tué le jeune Nahel a recueilli en cinq jours près de 1,5 million d'euros. Lancée par un polémiste d’extrême droite, cette initiative a indigné une partie de la classe politique et de nombreux internautes. Tous se sont organisés pour obtenir sa suspension, avant que ne soit finalement annoncée mardi soir la clôture de cet appel aux dons. La cagnotte "Soutien pour la famille du policier de Nanterre" affichait une somme dépassant les 1,5 million d'euros de dons récoltés sur le site de la plateforme GoFundMe, le soir du 4 juillet 2023. Plus de 75 000 dons pour plus de 1,5 million d’euros récoltés… La cagnotte lancée sur la plateforme GoFundMe en soutien à la famille de Florian M. – le policier auteur du tir qui a tué le jeune Nahel, le 27 juin – n’arrêtait pas de gonfler, mardi 4 juillet, et la controverse qui l’accompagnait avec, avant que son initiateur n’annonce sa clôture le jour même à minuit sans en préciser la raison exacte. Depuis son lancement le 30 juin, cette initiative du polémiste d’extrême droite et ancien porte-parole de campagne d’Éric Zemmour, Jean Messiha, a rapidement dépassé l’autre cagnotte lancée sur la plateforme Leetchi pour soutenir la famille de l’adolescent tué à Nanterre – près de 20 000 dons pour plus de 370 000 euros récoltés mardi après-midi. “(Cette cagnotte) me scandalise. Je trouve ça extrêmement grave le signal qui est envoyé après qu’un policier a tiré à bout portant sur un adolescent”, s’est indignée, lundi, sur RTL, l'intellectuelle engagée Rokhaya Diallo. “Plus de personnes ont décidé de soutenir un meurtrier présumé plutôt qu'une mère qui vient de perdre son enfant". Ces derniers jours, plusieurs voix se sont aussi élevées contre cette cagnotte dans la classe politique française. La députée LFI du Val-de-Marne, Clémence Guetté, a dénoncé sur Twitter une "indécence et horreur absolue". Le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a quant à lui évoqué une "cagnotte de la honte". Le député Renaissance, Éric Bothorel, a pour sa part dénoncé une “cagnotte (...) indécente et scandaleuse”. Par ailleurs, une pétition lancée mardi par “un collectif d’associations et de citoyens” a déjà recueilli plus de 10 000 signatures. Intitulée “Mobilisons-nous contre la #CagnotteDeLaHonte”, ce texte interpelle : “Derrière ce soutien se cache une réalité : celle de justifier l'injustifiable et d'excuser l'inexcusable.” Il pointe aussi du doigt une cagnotte qui “résonne comme des félicitations, un remerciement, une prime, pour avoir commis l’irréparable en ayant tué un jeune homme parce que d’origine maghrébine et issu d’un quartier.” Une cagnotte “conforme” aux règles de la plateforme GoFundMe ? Face à la controverse provoquée par la cagnotte hébergée sur son site, la plateforme GoFundMe a assuré, lundi, à l’AFP, que la cagnotte était "conforme" à ses règles car les fonds "seront versés directement à la famille en question". Cette explication semble insuffisante pour plusieurs internautes qui continuent de se mobiliser pour obtenir la suspension de la cagnotte. Le collectif anonyme Sleeping Giants, engagé dans la lutte en ligne contre le financement des discours extrémistes, a interpellé l’entreprise sur Twitter : “Pourriez-vous déterminer de toute urgence si vous considérez (cette cagnotte) comme inacceptable et répréhensible, conformément à vos conditions d'utilisation ? Sa simple existence attise le sentiment d'injustice et exacerbe les tensions.” D’autres internautes ont préparé un texte juridique type pour quiconque souhaiterait signaler la cagnotte en ligne. Il y est notamment précisé que, “conformément aux conditions de service de GoFundMe stipulées dans l'article 'Conduite interdite' au paragraphe A(9), une Collecte de fonds ne peut avoir pour objectif implicite ou explicite de promouvoir ou d’impliquer la défense juridique des crimes financiers et violents présumés.” La posture adoptée par GoFundMe est d’autant plus questionnée que cette cagnotte a déjà été suspendue auparavant… par Leetchi, une autre plateforme de financement participatif. Le 29 juin, le polémiste d’extrême droite Jean Messiha avait, en effet, ouvert un premier pot commun pour soutenir la famille du policier qui a été mis en examen pour homicide volontaire et écroué. Alors que 5 000 euros avaient été collectés, la cagnotte a été "suspendue pour 48 h", avait tweeté le 29 juin son créateur, qui ouvrira dès le lendemain un nouvel appel aux dons sur GoFundMe. Leetchi a indiqué au média Actu Paris que cette cagnotte a été fermée car “elle ne respectait pas la loi et nos conditions générales d’utilisation [CGU].” Pourquoi GoFundMe n’en a-t-elle pas fait de même ? Contactée par France 24, la plateforme n’avait pas encore répondu au moment de la rédaction de cet article. La justice saisie, la cagnotte clôturée et une plainte déposée contre Jean Messiha La cagnotte a, en tout cas, pris une tournure politique ces derniers jours. Outre l’indignation qu’elle suscite, elle a aussi entraîné, lundi, une réaction de l’exécutif par la voix d’Élisabeth Borne. "Le fait qu'effectivement ce soit une personne proche de l'extrême droite qui a lancé cette cagnotte ne contribue sans doute pas à apporter l'apaisement", a déclaré la Première ministre à la sortie d'une réunion à Matignon. Elle a ajouté que ce serait à la justice de se prononcer "le cas échéant" sur la légalité de cette cagnotte, mais que "ça n'est pas le gouvernement qui peut décider ou non de (son) existence". L’issue de cette histoire aurait finalement pu être judiciaire au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Comme l’a indiqué sur Twitter le procureur général de Basse-Terre (Guadeloupe), Éric Maurel, “il est interdit d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires.” Une voie qu’ont décidé de suivre, mardi, la députée LFI du Val-de-Marne, Mathilde Panot, et le député PS du Calvados, Arthur Delaporte. Ce dernier a annoncé dans un courrier saisir la procureure de la République, accompagnant sa missive du message : “J'y développe les raisons pour lesquelles cette cagnotte pourrait être considérée comme illégale. Cette cagnotte doit fermer.” Dans la soirée, Jean Messiha a annoncé dans une vidéo que la cagnotte qu’il avait initiée “sera clôturée le mardi 4 juillet à minuit”. Il a également répondu à Arthur Delaporte, assurant que la cagnotte “sera fermée ce (mardi) soir et tu pourras rien faire”. Une manière, pour le polémiste d’extrême droite, d’échapper à la justice avant qu’elle ne se saisisse de l'affaire ? Le débat judiciaire n'est pas pour autant clos : selon Le Parisien, la famille de Nahel – par le biais de son avocat Me Yassine Bouzrou – a décidé de porter plainte contre Jean Messiha "pour escroquerie en bande organisée, détournement de la finalité d'un traitement de données à caractère personnel et recel de ces deux chefs d'accusation."

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