Meurtre d'Arthur Noyer : les ex-partenaires de Nordahl Lelandais lèvent le voile sur ses vies parallèles
Ces quatre femmes et cet homme ont vécu une histoire d'amour ou une histoire sans lendemain avec Nordahl Lelandais. Ces ex-partenaires de l'accusé de 38 ans, jugé pour le meurtre du caporal Arthur Noyer, ont témoigné devant la cour d'assises de la Savoie, mardi 4 mai à Chambéry, au deuxième jour de son procès. En acceptant de livrer à la barre leur intimité, dans ses détails parfois les plus crus, ils ont levé le voile sur différents aspects de la vie de Nordahl Lelandais.
Il y a d'abord Chloé, 26 ans, aux longs cheveux châtains. Ils se sont rencontrés au printemps 2012, lors d'un dressage canin. "L'adolescente fragile", en conflit avec ses parents, est tombée sous le charme de ce garçon athlétique de 29 ans, soit douze de plus qu'elle. Après les "cœurs" et "les petits mots", leur lien est devenu vite intermittent et essentiellement charnel.
"Rien d'anormal"
La jeune fille vivait alors à Saint-Baldoph (Savoie), là où Nordahl Lelandais assure avoir déposé Arthur Noyer dans la nuit du 11 au 12 avril 2017. Elle balaie l'alibi selon lequel il l'a contactée ce soir-là : selon elle, leur dernier échange par téléphone a eu lieu en février de la même année. Leurs rapports sexuels dans une voiture, sur les hauteurs de Saint-Baldoph, ont cessé bien plus tôt, début 2015. Si Chloé souligne qu'il "ne s'est pas toujours arrêté quand elle lui disait avoir mal", elle estime qu'il n'y avait "rien d'anormal" dans les pratiques de son petit ami.
A chaque déposition, le président, François-Xavier Manteaux, tente de resituer ces témoignages avant les faits. "C'est difficile de trouver des qualités avec tout ce qui s'est passé", souffle Vanessa, 34 ans. Cette jeune femme blonde a pourtant partagé la vie de l'accusé pendant plusieurs mois entre fin 2013 et mi-2014, allant jusqu'à s'installer avec lui pendant deux mois. La rencontre est aussi liée à une "passion" commune pour les chiens. Nordahl Lelandais se montrait "tendre" et "attachant" mais des disputes "assez violentes" sont venues rapidement gâcher la lune de miel. Cette mère d'un petit garçon rapporte des insultes ("pute", "bouffonne"), et des violences, le jour de la rupture. "Il m'a pris par les bras, m'a secouée comme une feuille de papier et m'a jetée sur le lit, faisant mine de me donner un coup de tête", raconte-t-elle, signalant souffrir encore du dos et d'une tendinite aujourd'hui, près de huit ans après.
"J'avais averti tout le monde"
Elle raconte comment elle l'a pris dans ses bras pour désamorcer la situation. "Je l'ai déstabilisé, il s'est mis à pleurer." Sur le plan physique, Vanessa a beau "être portée sur la chose", elle qualifie les "besoins sexuels" de celui qui l'écoute dans le box comme "plus importants" que la moyenne. Elle déplore avoir été filmée à son insu lors de jeux "sadomasochistes soft" où elle avait les yeux bandés. Toutefois, une nouvelle fois, c'est "l'incompréhension" qui domine face aux événements qui ont suivi. "Il y avait de grandes colères, mais après il est parti."
Céline, elle, n'est pas surprise. "J'avais averti tout le monde", sanglote à la barre cette femme de 31 ans aux cheveux courts. Après une "relation d'un an et sept mois" avec Nordahl Lelandais, entre mai 2015 et fin 2016, elle a porté plainte à deux reprises contre lui, pour "atteinte à la vie privée" et "mise en danger de la vie d'autrui". Très éprouvée, cette conseillère funéraire passe rapidement sur la rencontre, "les points communs, l'amour des animaux, la spiritualité" pour parler de la séparation. "Ça a été difficile de le quitter, il voulait se suicider et est tombé dans les pommes chez moi."
Céline raconte une scène qu'elle situe au 10 avril 2017, la veille du meurtre d'Arthur Noyer. Une "visite dans la forêt", alors qu'elle promenait ses chiens. "Il est venu me terroriser. Il avait une tronçonneuse attaché dans le dos. Je suis partie en courant. A partir de là, je savais que j'allais mourir", lance-t-elle devant la cour. La défense de l'accusé la presse de questions : "Vous a-t-il dit quelque chose ce jour-là ?" "Il avait le regard noir, le visage froid et fermé", répond Céline. "Est-ce qu'il a cherché à vous tuer ?", insiste Alain Jakubowicz, l'avocat de Nordahl Lelandais. "Ce jour-là, non." "Un autre jour ?" "Oui, quand il rôdait près de chez moi." A la stupéfaction de la jeune femme, l'avocate générale informe alors que ses deux plaintes ont été classées sans suite par le parquet en avril 2019 et avril 2020.
Céline assure que celui qu'elle décrit comme un "manipulateur" et un "menteur" l'a filmée à son insu pour poster des vidéos sur un site pornographique, qu'il l'a menacée de mort, qu'il "prenait de la cocaïne tous les jours à cette période" et qu'il "n'arrivait plus à se contenir". Elle affirme avoir fomenté un scénario pour "sauver sa peau" en l'attirant dans un endroit isolé pour le "taser". "C'est lui qui m'avait dit comment se défendre de n'importe qui sans verser une goutte de transpiration", explique-t-elle. Elle explique avoir reporté son projet funeste pour partir en vacances avant d'apprendre l'enlèvement de Maëlys à son retour. "Je dois vivre avec", se lamente Céline.
Jordan, son pseudo sur les sites de rencontres
Les mots que lui a écrits Nordahl Lelandais résonnent alors dans la salle d'audience, lus par Alain Jakubovicz. Ils ont été couchés sur papier lors d'une tentative pour recoller les morceaux avec celle que l'accusé appelait "ma chérie, mon amoureuse, ma future mère de ma petite Louise". Il a signé "ton Nono", avec un cœur. A la même période, Jordan, pseudo utilisé par l'accusé sur les sites de rencontres, fréquentait aussi Richard et Elena.
Ces deux relations clandestines confirment pudiquement leurs rendez-vous furtifs avec Nordahl Lelandais au lac d'Aiguebelette. Elena, 54 ans, l'a vu entre "dix et quinze fois" entre 2016 et juin 2017. Après des rapports sexuels, le plus souvent dans la voiture, ils discutaient. "On parlait de tout, on était amis, je n'ai rien à lui reprocher", assure-t-elle calmement. Là encore, il a "filmé leur ébats, pour regarder après" mais elle a laissé faire.
Richard, 31 ans, l'a croisé "sept à huit fois" entre octobre 2016 et mars 2017. Les deux hommes ont échangé 800 messages à caractère sexuel, le plus souvent à l'initiative de Nordahl Lelandais. Entre adultes consentants, ils ont convenu de scénarios. Jordan, habillé en treillis de militaire, faisait mine d'enlever Richard, en tenue latex, dans le coffre de sa voiture, à la demande de ce dernier. Le témoin évoque aussi des "pénétrations digitales", des "fellations", et l'utilisation de "godemichés".
Le 11 avril 2017, ils se sont envoyés des SMS jusqu'à 15h24 précisément. Le plan prévu pour le soir n'a pas eu lieu : Richard est allé faire la fête avec des amis et "ça s'est fini très tard". "Si vous aviez donné suite, Dieu seul sait ce qui serait advenu", ose le président devant ce témoin aux fantasmes disséqués. "J'aurais très bien pu finir comme le caporal Noyer", s'effondre le trentenaire. La défense intervient : "Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?" "Je n'ai rien à répondre", réplique Richard.
Les avocats de Nordahl Lelandais ne portent pas le même regard sur ces témoignages. Pour eux, la cour vient d'en avoir la démonstration : leur client n'avait pas besoin d'enlever le caporal Noyer pour avoir une relation sexuelle ce soir-là. Alors pourquoi l'avoir tué ? L'accusé est resté campé sur sa version des faits mardi après-midi : une rixe qui a mal tourné.