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Insolite et Faits divers

Meurtre d'Arthur Noyer : au procès de Nordahl Lelandais, l'épreuve d'un délibéré sans corps et sans scène de crime

Une peine de trente ans de réclusion criminelle, assortie d’une période de sûreté des deux tiers, a été requise devant la cour d’assises de la Savoie contre l'ancien militaire, soit la peine maximale encourue. "Arthur est au fond de sa tombe. Dans un cercueil où repose ce qu'il reste de lui… peu de choses." A la barre mardi 11 mai pour la septième et dernière journée du procès de Nordahl Lelandais, Bernard Boulloud, avocat de la famille d'Arthur Noyer, a rappelé dans sa plaidoirie toute la difficulté de l'affaire : statuer sur la culpabilité de l'accusé, sans scène de crime et sans corps. "Dans cette affaire, nous n'avons ni l'un ni l'autre", a pointé l'avocate générale, Thérèse Brunisso, qui a requis 30 ans de prison à l'encontre de l'ancien maître-chien, assortie d'une période de sûreté des deux tiers. Soit la peine maximale. De la dépouille du caporal, à peine reste-t-il "quelques fragments d’ossements, dont certains portent encore les stigmates des animaux sauvages", a tristement déclaré Bernard Boulloud devant les jurés et la cour. Versions "fluctuantes" et faits "objectifs" Sans ces éléments, il a donc fallu faire avec "les versions fluctuantes de l'accusé", a constaté Thérèse Brunisso. L'accusé de 38 ans est resté accroché à son récit initial, celui d'une bagarre qui a mal tourné. "Depuis le début, Nordahl Lelandais dit qu'il a donné la mort sans intention de la donner", a rappelé la représentante du ministère public. Une version à laquelle elle ne croit pas. Le prévenu "se terre dans ses mensonges et ne dira jamais la vérité, juste pour sauver sa peau, par lâcheté", a regretté Bernard Boulloud, plaidant face au portrait géant d'Arthur Noyer. Dans sa longue plaidoirie d'une heure et demie, l'avocat de la défense, Alain Jakubowicz, a lui-même concédé que l'on se trouvait face aux pièces "éparpillées" d'un puzzle et qu'il fallait le "reconstituer". Les prises de paroles se sont donc largement concentrées sur la funeste nuit du 11 avril 2017, où Nordahl Lelandais a pris en stop le caporal de 23 ans. Car après six jours d'audiences, la cour est encore plongée dans l'obscurité. Bernard Boulloud et surtout l'avocate générale ont donc longuement listé les faits "objectifs" du dossier. "Arthur Noyer était très alcoolisé, c'est indéniable, il était ivre et donc vulnérable", a-t-elle noté, balayant ainsi l'idée que Nordhal Lelandais aurait eu à résister à son agresseur. Arthur Noyer "avait l'alcool anesthésiant, l'alcool gentil, jamais il ne s'est battu", a insisté Bernard Boulloud. "Ses amis ont décrit un jeune homme calme, poli, courtois. Ces éléments ne permettent pas de retenir les explications de Nordahl Lelandais sur l'origine d'une rixe ayant entraîné la mort sans intention de la donner", a martelé l'avocate générale. Pour elle, le mobile ne fait aucun doute : il est d'ordre sexuel. "Que cherche-t-il ce soir-là pendant 1h30 ? Que fait-il d'autre en déambulant que de chercher une rencontre ? Je ne vois, pour ma part, aucune autre hypothèse", a insisté la magistrate. Elle s'appuie notamment sur les conclusions des experts psychologues et psychiatres. "On sait, par ses partenaires sexuels, qu'il peut avoir des envies subites", a-t-elle rappelé, s'appuyant sur les rapports des experts psychologues et psychiatres. "Sa sexualité participe à son excitation permanente et cette excitation permanente, c'est ce qui le fait se sentir en vie." Un "mauvais choix" et des "mensonges" La défense s'est vivement érigée contre ce mobile, à travers la voix de Valentine Pariat, collaboratrice d'Alain Jakubowicz. L'avocate a regretté que la sexualité de son client ait été abordée aussi souvent et de manière aussi crue pendant le procès. "Etait-ce vraiment utile ? Etait-ce vraiment indispensable ?", a-t-elle questionné, pointant une "curiosité un peu malsaine". "Refusez la facilité et demandez-vous : qu'est-ce qui a bien pu se passer ?" a-t-elle lancé aux jurés. Pendant une grande partie de son ardente plaidoirie, Alain Jakubowicz s'est employé à démonter un à un les éléments qui, selon l'accusation, fonde l'intention homicide de Nordahl Lelandais vis-à-vis d'Arthur Noyer. "A la question 'Nordahl Lelandais a-t-il volontairement donné la mort à Arthur Noyer ?', vous répondrez :'Non'", a-t-il déclaré aux jurés. Pour la défense, ni le lieu de la mort, ni les circonstances, ne permettent de prouver que leur client avait, au moment de frapper le caporal, l'intention de le tuer. L'avocat s'est notamment érigé contre la volonté de la procureure générale "d'asseoir l'intention homicide par le fait qu'il n'a pas appelé la police", concédant toutefois que Nordahl Lelandais "a fait le mauvais choix". L'avocat est également revenu sur le moment de la bagarre. "Je ne dis pas que c'est la vérité mais si ce n'est pas la vérité, j'attends la vôtre", a-t-il déclaré à l'attention de la procureure générale. Le conseil de Nordahl Lelandais s'est également opposé à l'idée que ce dernier ait cherché à dissimuler le corps du caporal. Quelques heures plus tôt, Bernard Boulloud avait en effet déclaré : "L'accusé s'est ingénié, je pèse mes mots, à faire disparaître les preuves de son forfait, dans la montagne, à l'air libre. En quelques semaines, le corps d'Arthur Noyer s'est irrémédiablement décomposé." Alain Jakubowicz a assuré que son client avait simplement voulu se "débarrasser" du corps d'Arthur Noyer, sans chercher à "le cacher", osant même cette comparaison : "Michel Fourniret est mort hier, personne ne le pleure, on cherche toujours Estelle Mouzin. Ça c’est dissimuler un corps." "Dangereux" et "sans affects" Outre le déroulé des faits, les deux parties sont revenues sur la personnalité de l'accusé, alors que la journée de la veille était entièrement consacrée à l'étude de sa psychologie. Une certitude : le Savoyard, natif de Bourges, "n'est pas un monstre : les monstres ça n'existe que dans les livres pour faire peur aux enfants", a tranché Bernard Boulloud. Les auditions de ses amis ont montré qu'il était entouré et "à quel point il bénéficiait d'un soutien affectif, amical", a souligné l'avocate générale. Cette dernière a rappelé que l'accusé était quelqu'un d'intelligent, en pleine possession de ses moyens psychologiques au moment de son passage à l'acte, il n'avait pas "d'altération du discernement". Ce qui le rend d'autant plus "dangereux". Pour la magistrate, pas de doute : Nordahl Lelandais avait la volonté de tuer Arthur Noyer lorsqu'il l'a pris en stop. Elle se fonde sur la déconnexion des téléphones opérée par l'accusé après la nuit du 11 avril 2017. "Est-ce là le comportement d'un homme qui a tué malgré lui ? Non, bien évidemment", a-t-elle insisté. "L'accusé que vous allez juger, ce n'est pas celui dont on a bien voulu dire qu'il avait un mal-être, qu'il avait des problèmes. (...) Celui que vous allez juger, c'est l'autre face. C'est le meurtrier, celui qui est capable de tuer et de rester sans affects", a martelé Bernard Boulloud. Face à ce portrait de tueur à l'absence d'empathie, les avocats de Nordahl Lelandais ont contre-attaqué, le présentant comme un homme normal, qui a "basculé". S'il terrifie autant, c'est de la faute des médias, qui en ont fait "un monstre", a décrit Mathieu Moutous, collaborateur d'Alain Jakubowicz. "Non, non, non !" s'est écrié ce dernier, faisant trembler la salle d'audience : "Ce n'est pas un monstre que vous jugez : c'est un homme." "C'est un homme d'une banalité assez confondante et je dois dire, parfois, assez affligeante", a avancé Mathieu Moutous. Avant que les jurés se retirent pour délibérer, Nordahl Lelandais a été invité à prendre la parole une dernière fois. "Je tiens vraiment à vous présenter mes excuses, je sais que le pardon n'est pas une formule magique. Pour moi, il est vraiment nécessaire", a-t-il déclaré à l'attention de la famille d'Arthur Noyer.

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