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Sports

Les visages de Nick Kyrgios, tennisman talentueux et tempétueux

PORTRAIT En quarts de finale du Masters 1000 d'Indian Wells, jeudi, Nick Kyrgios a fait trembler Rafael Nadal. Et il a, une nouvelle fois, affiché son caractère tempétueux. Sur le circuit, le tennisman australien se distingue par ses accès de colère. Des écarts qui lui coûtent cher mais qui en disent aussi long sur sa personnalité. Avant le début du tournoi d'Indian Wells, premier Masters 1000 de l'année, cela faisait un mois et demi qu'on n'avait plus vu Nick Kyrgios. Sa dernière apparition remontait au deuxième tour de l'Open d'Australie, en janvier. Devant son public, l'Australien avait enflammé la Rod Laver Arena avant de s'incliner face au Russe Daniil Medvedev, futur finaliste et futur numéro un mondial. En Californie, Nick Kyrgios a bénéficié d'une invitation (wild card). Aux portes du top 10 entre 2016 et 2018, le natif de Canberra a progressivement reculé au classement, jusqu'à sortir du top 100 en début d'année 2022. Mais son 132e rang actuel reflète davantage ses failles psychologiques que son potentiel réel. Sebastian Baez (60e mondial), Federico Delbonis (34e mondial) et Casper Ruud (8e mondial) peuvent en attester. Tous trois ont été sortis sèchement l'un après l'autre par Nick Kyrgios depuis le début du tournoi, à chaque fois en deux manches. Et Rafael Nadal, son adversaire jeudi en quarts de finale, a dû s'acharner pour ne pas subir le même sort. Coups de génie et coups de sang Devant un public acquis à sa cause, l'Espagnol a énormément souffert pour se dépêtrer du piège tendu par l'Australien. Après avoir remporté la première manche, Rafael Nadal a perdu la seconde. Et au bout de presque trois heures hautes en couleurs, le "Taureau de Manacor" a pu exulter. Battu (7-6 [0], 5-7, 6-4), Nick Kyrgios a reçu les félicitations de son bourreau. "Nick est l'un des joueurs les plus talentueux du circuit. Quand il joue avec motivation et passion, il peut battre n'importe qui. Je lui souhaite le meilleur", a applaudi "Rafa". Quelques mots sympathiques de la part du numéro 4 mondial à l'attention du volcan australien en éruption tout l'après-midi. Jeudi, Nick Kyrgios a fait du Nick Kyrgios. Dans les tribunes, face au chouchou Nadal, le joueur de 26 ans n'avait pas que des amis. Quelques spectateurs avinés ont cru bon de crier pendant qu'il servait. Une attitude irrespectueuse et malheureusement efficace pour faire sortir Nick Kyrgios de ses gonds plusieurs fois. Sur la première balle de set, il a hurlé à un spectateur "Ferme ta p... de gueule". Résultat : l'arbitre a sanctionné Kyrgios d'un point de pénalité qui a offert la première manche à Nadal. Plus tard, alors qu'il était revenu dans le match en signant quelques coups somptueux, l'outsider s'est emporté contre un spectateur assis derrière lui et un peu trop bavard à son goût : "Tu joues ? T'es bon au tennis ? Voilà, alors pourquoi tu parles ?" Il a ensuite illustré son propos en prenant à témoin l'acteur Ben Stiller, juste à côté : "est-ce que je lui dis comment jouer (au cinéma) ? Non !" Ambiance... L'acteur américain, venu soutenir Rafael Nadal, n'est pas resté insensible à la fougue de l'Australien. "Nous sommes seulement des humains" Avant de déposer les armes, Nick Kyrgios avait aussi allumé l'arbitre : "C'est ton p... de job de contrôler le public !". Et quelques secondes après sa défaite, il a passé ses nerfs en fracassant (encore) une raquette au sol. Celle-ci a rebondi très loin et a failli heurter un ramasseur de balle. Ce dernier a dû faire un écart pour éviter le projectile. Déjà suspendu plusieurs semaines dans sa carrière pour ses colères trop véhémentes, l'Australien a vu rouge face à la presse quand il a été interrogé sur cet incident. "Que veux-tu que je te dise ? C'était mon intention ? Non. (...) C'est une question que tu vas me poser après une bataille de trois heures contre Nadal ? C'est pour ça que tu viens ici ?", a-t-il lancé à un journaliste. Auparavant, il s'était enquis de la santé du ramasseur de balles et avait été rassuré. Il l'a depuis retrouvé sur Instagram, où il dit s'être fait "un nouvel ami". En conférence de presse, Nick Kyrgios a fait part de toute son amertume : "ça fait mal parce que je sais qu'on ne parlera pas des matches que j'ai joués avant ça. C'est toute l'histoire de ma carrière. J'ai joué trois p... de bons matches. J'ai battu un mec qui a gagné presque 60 matches l'année dernière (Casper Ruud, ndlr) et personne ne s'en rappelle. On ne va se rappeler que du match où Kyrgios a perdu contre Rafa à Indian Wells ou du match où il a jeté une raquette. Les gens comme vous (il désigne les journalistes) abîment le sport." "C'est injuste, mais en même temps, c'est juste le genre de personnalité que je suis pour le sport", a-t-il poursuivi. Victime d'une dépression en 2019, en proie à des pensées suicidaires, Nick Kyrgios a encore tancé les spectateurs qui s'en prennent aux sportifs et sportives. Il s'est appuyé sur ce qui est arrivé à Naomi Osaka le 12 mars, déjà à Indian Wells. La Japonaise, qui a fait état d'importants problèmes de santé mentale l'année dernière, a été prise à partie par un spectateur et à fondu en larmes pendant et après son match perdu. "Ça nous affecte, nous sommes seulement des humains", dit l'Australien, avant d'égratigner "les réseaux sociaux" sur lesquels "les gens pensent être pertinents alors que non". Personnage atypique, Nick Kyrgios joue sur les deux tableaux. Provocateur fragile, capable de s'engager pour des causes humanitaires tout en critiquant ouvertement d'autres joueurs dans des termes flirtant avec l'insolence, l'homme aux six titres (trois ATP 500, trois ATP 250) sait tirer avantage de son caractère. À Indian Wells, une équipe de Netflix l'a suivi dans le cadre d'un documentaire. Et à un spectateur étonné de le voir ainsi accompagné, il a lancé : "ils voulaient un mec un peu chiant, neutre, sans personnalité", rapporte le quotidien L'Équipe. Il n'atteindra peut-être jamais la cote de popularité d'un Rafael Nadal ou d'un Roger Federer. Mais Nick Kyrgios, avec son style bien à lui, porte des messages et des combats dans le tennis actuel. Dans le paysage de la petite balle jaune, le tennisman ne laisse pas indifférent.

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