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Législatives : revers pour Emmanuel Macron, sans majorité pour gouverner

DECRYPTAGE Avec 234 sièges, la coalition présidentielle Ensemble ! obtient une majorité toute relative, selon les estimations annoncées dimanche soir, loin des 289 députés synonymes de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Un revers pour Emmanuel Macron qui ne sait pas, à l’heure actuelle, comment gouverner. Emmanuel Macron et sa majorités’attendaient à un second tour des élections législatives difficile, mais sans doute pas à subir un tel revers. Avec seulement 234 sièges de députés obtenus par la coalition présidentielle, selon les estimations Ipsos/Sopra Steria, dimanche 19 juin, la majorité absolue à l’Assemblée nationale n’est pas atteinte et le chef de l’État se retrouve dans l’incapacité de gouverner sur la seule base de sa coalition. Une première pour un président de la République tout juste élu depuis l’inversion du calendrier électoral, en 2002, faisant passer les législatives après la présidentielle. Derrière, si la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), née de l’union de La France insoumise (LFI), d’Europe Écologie-Les Verts (EELV), du Parti socialiste (PS) et du Parti communiste (PCF), obtient 141 élus, devenant ainsi la deuxième force politique au Palais Bourbon – pour peu que celle-ci reste unie – c’est bien le résultat du Rassemblement national (RN), avec 90 députés, qui impressionne et surprend, alors que Les Républicains (LR) obtiendraient, eux, 75 sièges. "La situation est inédite, a commenté la Première ministre Élisabeth Borne. Jamais l’Assemblée nationale n’a connu une telle configuration sous la Ve République. (…) En tant que force centrale à l’Assemblée, nous devons assumer une responsabilité particulière. Nous travaillerons dès demain à construire une majorité d’action." Mais en l’état, les résultats de dimanche soir, une nouvelle fois marqués par une très forte abstention (54 %), donnent une représentation au Palais Bourbon ne permettant pas à Emmanuel Macron de faire adopter ses projets de loi. Une entente avec LR pourrait permettre de dégager une majorité, mais l’ancien parti de Nicolas Sarkozy semble divisé sur la ligne à adopter. "Pour ce qui nous concerne, nous avons fait campagne dans l'opposition, nous sommes dans l'opposition, nous resterons dans l'opposition", a martelé dimanche soir son président, Christian Jacob. Mais l'ancien ministre LR Jean-François Copé a de son côté plaidé pour un "pacte de gouvernement" avec Emmanuel Macron. Cette division devrait être exploitée par Emmanuel Macron, qui, à n’en pas douter, tentera dans les prochaines heures de convaincre un maximum d’élus LR de le rejoindre pour constituer une majorité. Mais avec 59 députés manquants pour Ensemble !, la marche paraît toutefois très haute. De l’autorité de Christian Jacob sur ses troupes dépend l’avenir d’un gouvernement qui devrait logiquement être remanié dans les prochains jours. Montchalin, Ferrand et Castaner au tapis Car l’autre fait majeur concerne la liste des défaites symboliques côté majorité présidentielle. Si la Première ministre Élisabeth Borne l’a emporté dans le Calvados, avec toutefois seulement 52,46 % des voix, au moins trois ministres ont en revanche été mis au tapis : la ministre de la Transition écologique Amélie de Montchalin, battue dans l’Essonne, la ministre de la Santé Brigitte Bourguignon, battue dans le Pas-de-Calais, et la secrétaire d’État à la Mer Justine Benin, battue en Guadeloupe. >> À lire : Législatives : résultats en dents de scie pour les proches d'Emmanuel Macron Presque pire, des piliers de la macronie depuis 2017 ont mordu la poussière dimanche soir : c’est le cas du président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, battu dans le Finistère, et du président du groupe La République en marche au Palais Bourbon, Christophe Castaner, battu dans les Alpes-de-Haute-Provence. "C'est loin de ce qu'on espérait", a admis le ministre des Comptes publics Gabriel Attal, en affirmant que cette "situation inédite" allait "imposer de dépasser nos certitudes, nos clivages". "Faire preuve de beaucoup d'imagination" pour gouverner Comment Emmanuel Macron a-t-il pu passer en cinq ans d’une "présidence jupitérienne", telle qu’il l’avait lui-même théorisée, possédant une majorité absolue à l’Assemblée avec son seul parti, La République en marche, à un second quinquennat bloqué deux mois seulement après sa réélection ? Les raisons sont multiples, mais l’absence de campagne ou presque du président, de sa Première ministre et de la majorité dans son ensemble y sont sans doute pour beaucoup. En retardant la nomination du gouvernement à la mi-mai, trois semaines après sa réélection, Emmanuel Macron avait pris le risque de laisser un espace considérable à Jean-Luc Mélenchon, candidat auto-proclamé à Matignon, et dont la dynamique de campagne n'a cessé de croître jusqu'au jour du scrutin. >> À lire : Ce qu'il faut retenir des résultats du second tour des législatives La fin de campagne, électrisée par les invectives et une dramatisation du scrutin, marquée par le cafouillage des consignes de vote lors des duels RN-Nupes, renvoyés dos-à-dos par certains pontes de la macronie, a achevé de créer le trouble. Résultat, le président qui avait promis en 2017 de tout faire pour lutter contre l’extrême droite est celui qui aura vu entrer à l’Assemblée nationale cinq ans plus tard un nombre record de députés du Rassemblement national. Comme l’a parfaitement résumé le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, sur France 2, en estimant qu’il faudrait au parti présidentiel "faire preuve de beaucoup d'imagination" pour agir dans cette "situation inédite", la nouvelle majorité étriquée de la macronie devra rivaliser d'ingéniosité et de conviction pour espérer faire voter ses textes. La France est-elle devenue ingouvernable ? Réponse dans les prochains jours.

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