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La Guyane en proie à une épidémie de dengue alarmante

Santé publique Après le Brésil et les Antilles, la Guyane est touchée par une flambée des cas de dengue avec près de 3 000 nouveaux cas depuis janvier. Démoustication, lutte contre les eaux stagnantes, service d’urgence dédié… En attendant de pouvoir disposer d’un vaccin efficace, les autorités du département français d’Outre-mer s’organisent. Cette année, le moustique se montre singulièrement vivace. Une épidémie de dengue particulièrement aiguë touche la Guyane, avec 800 nouveaux cas déclarés en moyenne par semaine, ont fait savoir, lundi 12 février, les autorités sanitaires. Selon Santé publique France, 5 800 cas ont été recensés dans le département amazonien de 300 000 habitants depuis le début de l'année 2023, dont 2 996 déjà en 2024. Du jamais vu depuis une vingtaine d’années. "Le seuil épidémique a été dépassé aux Antilles et dans toute les Caraïbes. Mais pour la Guyane, c'est assez récent", confirme l’épidémiologiste Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale à la faculté de médecine de l'université de Genève à l’antenne de France 24. Dans son dernier bulletin, l’Agence régionale de santé (ARS) précisait le 1er février qu’au moins 253 patients avaient été hospitalisés, dont dix "admis en réanimation". "Quatre personnes testées positives à la dengue sont décédées, dont un était directement lié à la dengue", indiquait l’ARS. L’Agence régionale de santé a ouvert un accueil dédié aux urgences du Centre hospitalier de Cayenne (CHC) pour les personnes présentant les symptômes afin de les prendre en charge immédiatement si nécessaire. Pour le moment, l'impact reste "relativement limité" sur le système de santé guyanais. Début février, l'infection n’avait généré que "8 à 10 % d'activité en plus" pour les urgences des hôpitaux de Kourou et Cayenne. Un virus agressif pour les personnes atteintes de drépanocytose "La majorité des personnes infectées ne présentent que de légers, voire aucun symptôme" indique sur son site l’Institut Pasteur. Dans sa forme classique la dengue se manifeste "par l’apparition d’une forte fièvre souvent accompagnée de maux de tête, de nausées et de vomissements" durant deux à sept jours. Mais dans les cas les plus graves, cette maladie endémique des zones tropicales peut provoquer des saignements ou syndromes de choc pouvant entraîner la mort. Pour les personnes atteintes de drépanocytose notamment, le virus de la dengue peut être très agressif. "La dengue est généralement bénigne [...] On l'appelle parfois la grippe tropicale mais son évolution est dangereuse pour certains sujets", prévient sur Guyane La Première le professeur Narcisse Elenga, chef du service pédiatrie et responsable du centre intégré de drépanocytose au Centre Hospitalier de Cayenne. Or en Guyane, 10 % de la population est porteuse du gène qui transmet cette maladie, d’après l’Observation régional de santé. Des moustiques "domestiques" dans les jardins Dans les zones tropicales et intertropicales, comme la Guyane, les épidémies de dengue sont habituelles. Elles reviennent tous les trois à cinq ans et durent généralement 12 à 18 mois. Les vagues virales sont plus ou moins intenses. Deux génotypes de la dengue (DEN-2 et DEN-3) sur les quatre existants circulent en même temps dans la région, ce qui a pu contribuer à l'intensification de l’épidémie, car une personne immunisée après avoir été infectée par la dengue DEN-2, pourra être de nouveau infectée si elle attrape cette fois la dengue DEN-3. Les conditions climatiques contribuent elle aussi à l’intensité de l’épidémie. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la dengue connaît une recrudescence dans le monde en raison du changement climatique. En Guyane, l’épidémie a été favorisée par la saison des pluies, qui a multiplié les zones d'eau stagnante et donc les gîtes larvaires. La dengue est généralement transmise par les piqûres du moustique Aedes, surnommé le moustique tigre. "Ce sont des moustiques qui ne voyagent pas beaucoup, ils ont un périmètre de vol qui ne va que jusqu’à 70 ou 100 mètres", spécifie Antoine Flahault, qui les qualifie de moustiques ‘domestiques’ car ils vivent à proximité des maisons. "Vous les élevez dans votre jardin, en général sous les pots de fleurs dans les jardins", explique ironiquement l’épidémiologiste. "Il faut véritablement enlever l'eau sous les soucoupes, ne pas arroser ses plantes, essayer d'éviter ces petites collections d'eaux stagnantes qui vont faire que les moustiques vont pulluler dans votre environnement direct", recommande-t-il. Pour lutter contre leur prolifération, une cellule de suivi associant les services de l'État et la Collectivité territoriale de Guyane (CTG) a été activée le 6 février, a indiqué le préfet de Guyane Antoine Poussier. Un arrêté a été signé pour accélérer l'enlevage des véhicules hors d'usage, nombreux sur les bords de route et "qui constituent des gîtes à moustiques facilitant la propagation de la dengue". La CTG a promis d'"augmenter ses moyens humains et matériels" dans le domaine de la démoustication, dont elle a la compétence. Des opérations d’épandage chimique qui ne sont pas sans effets secondaires. Les démoustications ont généralement lieu la nuit car le produit diffusé peut occasionner des gênes pour la santé. Par ailleurs, prévient l’Institut Pasteur "des insecticides peuvent également être employés mais leur utilisation massive peut engendrer des phénomènes de résistance chez les populations de moustiques, les rendant moins efficaces". Un vaccin brésilien "prometteur" S’il n’existe pas de traitement spécifique contre la dengue, des vaccins ont été développés depuis plusieurs années. Mais ils ne sont pas encore préconisés par les autorités françaises. Sanofi a développé un vaccin, mais "il n'est pas recommandé dans la plupart des cas", explique Antoine Flahaut, ajoutant qu'il "s'est avéré décevant et compliqué à manipuler pour l'instant en raison d'effets indésirables". Dans un rapport publié en janvier 2019 sur ce vaccin, Dengvaxia, la Haute Autorité de santé a relevé "une augmentation du risque d'hospitalisation et de dengue sévère" chez les personnes n'ayant pas contracté la maladie par le passé, "en particulier les jeunes enfants". Au Brésil, où 395 103 cas probables de dengue et 53 décès liés au virus ont été enregistrés au cours des cinq premières semaines de l'année, une campagne de vaccination gratuite a été lancé le 9 février. Réalisée avec le vaccin Qdenga, produit par le laboratoire japonais Takeda, elle commence par les enfants âgés de 10 et 11 ans, et sera progressivement étendue aux patients jusqu'à l'âge de 14 ans. Ce vaccin "a la particularité d'être utilisable par tous, mais ne protège pas de tous les types de dengue", peut-on lire sur Guyane La première. Un troisième vaccin, actuellement à l’étude suscite beaucoup d’espoir. Il s’agit du vaccin brésilien Butatan-DV, "très prometteur" selon Antoine Flahault. Le vaccin à dose unique protègerait contre les quatre types de dengue. De premiers résultats à partir d’essais menés sur 16 235 personnes au Brésil, et entamés en février 2016, montrent une efficacité élevée, à 90 % chez les plus de 18 ans et à 77,8 % chez les enfants de plus de 7 ans. Mais il ne devrait pas être commercialisé avant 2025, le temps d’être examiné par les autorités de santé qui décideront de donner leur feu vert à sa mise sur le marché. Avec AFP

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