"J'ai eu l'impression de perdre une part importante de ma personnalité" : dix ans après la tuerie d'Utoya, les rescapés se souviennent
"J'ai eu l'impression de perdre une part importante de ma personnalité" : dix ans après la tuerie d'Utoya, les rescapés se souviennent
La Norvège commémore jeudi le 10e anniversaire des attentats d'Anders Breivik. Le militant d'extrême-droite a tué 77 personnes le 22 juillet 2011, dont la quasi-totalité sur l'île d'Utoya. Aujourd'hui, les rescapés vivent toujours des moments difficiles et s'inquiètent de la montée de l'extrême-droite dans le pays.
La Norvège célèbre vendredi 23 juillet un triste anniversaire. Il y a dix ans, Anders Breivik a tué 77 personnes au cours de deux attaques. La première a retiré la vie à huit personnes, lorsqu’une bombe a explosé le 22 juillet 2011 à Olso. Le militant d’extrême-droite s’est ensuite rendu sur l’île d’Utoya, qui accueillait un camp de la Jeunesse travailliste. Il y a massacré 69 jeunes avant d’être arrêté et condamné à la perpétuité. Dix ans après, des rescapés se souviennent.
Des crises de panique et des flash-backs
"Avant Utoya, j’étais une danseuse, une personne très active. Après Utoya, je ne pouvais plus m’entraîner." Line Hoem n’aime pas parler de ce qui s’est passé sur l’île norvégienne ce 22 juillet 2011. Dix ans après le massacre, une partie d’elle est toujours là-bas. "A chaque fois que mon pouls accélérait, cela me renvoyait au jour où j’ai couru pour sauver ma vie, puisqu’il était évidemment très haut. J’avais peur, je faisais des crises de panique, j’avais des flash-backs." La jeune femme n’a que 25 ans au moment de l’attaque. "Ça a été très dur. J’ai eu l’impression de perdre une part importante de ma personnalité."
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Line Hoem s’est alors plongée dans la politique, pour tenter d’oublier ce jour tragique. Cet engagement a aussi été salvateur pour Astrid Hoem. "Le lendemain de l'attaque, le président de la Jeunesse travailliste de l'époque a dit 'Nous retournerons à Utoya'", se souvient celle qui a frôlé la mort sur l'île norvégienne. "Pour moi, ça a été très important parce que je croyais que notre parti était mort cette nuit-là", raconte Astrid, désormais patronne de l'AUF, le parti de la Jeunesse travailliste. "Quand il a dit ça, c'est devenu un but pour nous tous."
Quatre ans après le massacre, ces militants sont finalement retournés à Utoya, pour en "reprendre le contrôle" selon leurs mots. Depuis 2015, des camps d'été y sont ainsi à nouveau organisés. Par ailleurs, un centre de mémoire a été construit pour raconter ce qui s'est passé et promouvoir la démocratie. Chaque année, 10 000 jeunes de tout le pays s'y rendent. C’est pour Gaute Skjervø un exemple de ce que la Norvège peut accomplir.
La Norvège n'a pas fait son examen de conscience
Mais cet autre survivant de l’attaque s’inquiète de la montée de l’extrême-droite dans le pays. "Les idées de Breivik sont de plus en plus partagées, comme celle selon laquelle le parti des travaillistes veut faire importer les lois islamiques en Norvège. On les voit dans les commentaires des articles de journaux, sur Facebook et Twitter", s’émeut celui qui est aujourd’hui député travailliste. "Elles ne sont pas relayées uniquement par les plus extrémistes. Personne ne dira qu’il soutient les actions de Breivik mais pas mal de gens soutiennent ses idées. C’est dangereux."
Pour marquer les dix ans de cette tragédie et ouvrir le débat, les travaillistes ont publié un livre de témoignages et d'analyses. La Norvège ne semble pas avoir encore fait son examen de conscience. "Il faudrait pour cela, avouent les rescapés, que les Norvégiens admettent que Breivik est l'un d'entre nous, que nous avons tous une responsabilité" dans ce drame. Un mea culpa que la société norvégienne ne semble pas encore prête à faire.