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Insolite et Faits divers

Ils ont fait l'actu. Morgan Large, journaliste bretonne menacée depuis son enquète sur l'agro-industrie

31 mars 2021. Une nouvelle fois, Morgan Large, journaliste à Radio Kreiz Breizh, une radio du centre-Bretagne, est victime de malveillance. Alors qu'elle enquête sur l'agro-industrie, la journaliste de 49 ans s'aperçoit que sa voiture a été sabotée : il manque plusieurs boulons à l'une de ses roues arrières. "Ça pose complètement question sur la légitimité et le droit à exercer son métier de manière normale. Est-ce que la Bretagne, au regard de l'hégémonie du secteur agroalimentaire, c'est une zone de non-droit dans laquelle les journalistes ne sont pas les bienvenus ?" interroge la journaliste. Les pressions se sont intensifiées contre la journaliste après son témoignage dans un documentaire sur l'impact de l'agriculture intensive. Morgan Large a subi toute une série de menaces : appels anonymes la nuit, empoisonnement de son chien et dégradation du local qui abrite sa radio. Après le sabotage de la voiture, le parquet de Saint-Brieuc a ouvert une information judiciaire et plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour défendre la liberté d'informer. La journaliste a aussi reçu de nombreux soutiens mais elle reste encore très marquée. "Je ne supportais pas cette idée de me dire que je partais loin en reportage - 'est-ce que je laisse ma fille une nuit toute seule à la maison ?' - alors qu'avant ça ne posait pas trop de problèmes... Mais heureusement, j'ai des voisins qui sont exceptionnels et je pouvais leur dire que je partais pour la journée et de jeter un oeil sur les voitures qui vont descendre à la maison et regarder", raconte Morgan Large. "J'ai eu énormément de soutien aussi des gens que je croise tous les jours, des gens que je ne connaissais pas du tout, des gens de la France entière. Il y a même des gens qui m'ont proposé de m'héberger, qui m'ont dit de prendre mes enfants sous le bras et d'aller chez eux pendant un moment pour me reposer et être tranquille", poursuit-elle.   Un rapport de force "disproportionné" Morgan Large est inquiète."Au tout début, je me suis dit qu'ils allaient mettre le feu à la maison pendant qu'on dort, parce que les premières atteintes qu'il y a eues, c'était pour ouvrir les entrées de mes champs et faire échapper mes animaux, j'ai des vaches et aussi des chevaux. Et c'est vrai que je n'avais pas mesuré qu'on puisse en venir jusqu'à venir chez moi, s'en prendre à ma famille, c'est extrêmement dérangeant."  Jamais la journaliste bretonne ne se serait imaginée déranger au point de devenir une cible "parce que j'ai l'impression que j'ai une toute petite voix, je suis une toute petite journaliste sur un tout petit média. C'est vrai que j'ai enquêté par exemple sur les subventions de la région Bretagne sur la filière avicole en Bretagne", explique-t-elle. Pour autant, la journaliste ne changera rien à ses habitudes de travail. "Je vais être d'autant plus pugnace. Il y a énormément de choses qui se passent dans le domaine agricole, qui est très violent pour les exploitants agricoles. On voit bien que c'est un monde qui est en crise permanente et il y a une souffrance, un malaise agricole que personne ne peut nier aujourd'hui au regard du nombre de suicides, au regard du plan social du monde agricole. Combien de faillites interviennent dans les fermes ? Je lis la presse agricole, je vois les petites annonces avec du matériel agricole, du matériel d'élevage à vendre à la pelle", constate-t-elle. Je ne suis pas du tout une héroïne. Non, mais je pense que je ne vais peut-être plus travailler autant toute seule, je vais peut-être écrire des articles ou parler de mes enquêtes avec d'autres journalistes pour qu'on puisse, quand c'est trop dur, faire un tandem. C'est peut-être par le collectif qu'on est moins fragile", conclut la journaliste.

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