Football : Pablo Longoria, un anti-Eyraud désormais président de l'OM
Le nouveau président de l'OM, ici encore directeur sportif du club olympien, le 13 août 2020, lors d'une conférence de presse à Marseille.
Un des plus jeunes présidents de l'histoire de l'Olympique de Marseille, Pablo Longoria (34 ans), succède à un des plus détestés, Jacques-Henri Eyraud (52 ans). Grand connaisseur du football et fin diplomate, il incarne tout ce qui a manqué à son prédécesseur.
L'ascension de Pablo Longoria, nouveau président de l'OM depuis vendredi 26 février, est fulgurante. D'abord recruteur, jusqu'à travailler à l'immense Juventus Turin, chargé de la politique sportive à Valence puis directeur sportif à Marseille, voilà l'Espagnol installé à la place de Jacques-Henri Eyraud.
Choisi par le propriétaire Frank McCourt, il est le plus jeune dans la fonction depuis un siècle, depuis les quatre premiers présidents, de 1899 à 1921, de René Dufaure de Montmirail, le fondateur (à 23 ans), à Paul Le Cesne (30 ans).
En octobre 2016, quand l'Américain a racheté l'OM pour y placer l'ex-prof d'Harvard, le rôle de l'inconnu était tenu par Jacques-Henri Eyraud. "JHE" jurait que ce "poste qui rend fou" ne le contaminerait pas, mais a pourtant fini par s'y brûler, ayant presque tout Marseille contre lui, des politiques aux supporters. Il a été relégué au strapontin de président du conseil de surveillance.
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Presque tout oppose Pablo Longoria, que Jacques-Henri Eyraud était allé cherché l'an dernier après un long processus de recrutement, dans l'esprit managérial qu'il promouvait.
"JHE" assurait qu'on pouvait gérer l'OM "comme une entreprise". Pablo Longoria, issu du sérail, devrait, lui, le diriger comme un club de foot.
Rond plutôt que hérisson
Ses côtés abrupts et cassants ont entraîné la chute de Jacques-Henri Eyraud. Pablo Longoria n'est pas du genre à jeter de l'huile sur le feu. Par exemple, quand André Villas-Boas claque la porte en critiquant le directeur sportif, l'Espagnol salue le très bon travail du Portugais, sans répliquer.
"JHE", lui, contre-attaque par une mise à pied d'"AVB". Au long de son mandat, il a poursuivi plusieurs joueurs pour "faute grave" (Henri Bedimo, Adil Rami...) plutôt que de composer.
Dans la "guerre" avec les supporters, le nouveau président, tout en condamnant fermement l'attaque du centre d'entraînement par 300 d'entre eux le 30 janvier, se montrait prêt à négocier. "Il faut que tout le monde se parle, qu'on trouve la meilleure des solutions", disait-il. L'opposition radicale des supporters, avec une ville lardée d'autocollants "Eyraud dehors", a fini par obtenir sa tête.
Pablo Longoria, qui a déjà beaucoup voyagé, compose avec l'environnement médiatique du club. Comme son prédécesseur, il répond peu à la presse – "Mais des fois, je vous parle plus qu'à ma propre femme", plaisantait-il avec des journalistes. Cependant, il ne l'appelle pas non plus pour râler après un papier jugé négatif, pratique qui a crispé les rapports de Jacques-Henri Eyraud avec les journalistes.
Rond plutôt que hérisson, Pablo Longoria est plus souple avec ses collaborateurs. Mais en interne, quelques dents grincent. "Il connaît le foot, c'est une certitude", glisse un salarié, "mais a-t-il les compétences managériales pour être président ?"
Et l'Espagnol ne maîtrise pas parfaitement le français. "C'est perçu comme un handicap pour la gestion du club au quotidien", ajoute cette source.
Fin négociateur
Autre grande différence avec "JHE", Pablo Longoria est apparu comme un négociateur doué sur le mercato, où le désormais ex-président a commis de coûteuses erreurs – Kevin Strootman, Kostas Mitroglou... – qui ont longtemps plombé les comptes. Il a réussi à vendre avec bénéfices Morgan Sanson à Aston Villa (17 millions d'euros, il en avait coûté 12) et à se débarrasser de Strootman et Mitroglou.
Franck McCourt, qui a dépensé plus de 300 millions d'euros sans beaucoup de retour, a pu apprécier cette embellie côté rentrées financières au moment de donner les clés à quelqu'un d'autre.
Jacques-Henri Eyraud n'a pas tout raté non plus. Avec lui, l'OM a disputé une nouvelle finale européenne, en 2018 (Ligue Europa, perdue 3-0 contre l'Atlético Madrid), et retrouvé la Ligue des champions, même si la campagne a été complètement manquée cette saison.
Il a aussi amorcé un vrai projet de formation, l'histoire le lui reconnaîtra peut-être plus tard, lancé beaucoup de bonnes pistes marketing et engagé la révolution numérique de l'OM, comme le font les très grands clubs européens.
Ce goût pour l'innovation est sans doute le domaine où Pablo Longoria et "JHE" se ressemblent. "Geek" du foot, l'Espagnol manie lui aussi les "mégadonnées", dans un but strictement sportif. Mais désormais, tous ces outils sont entre ses mains.
Avec AFP