Eurovision 2022 : les Ukrainiens de Kalush Orchestra vont-ils gagner ?
L'Eurovision ce n'est pas que de la musique, c'est aussi de la politique ! Le groupe Kalush Orchestra, qui représente l'Ukraine, s'est qualifié mardi 10 mai pour la finale qui aura lieu samedi 14 mai à Turin. Certains le voient déjà gagner la compétition.
Son capital sympathie est à 200%. Kalush Orchestra a la cote chez les bookmakers. Selon Eurovisionworld, qui agrège les principaux sites de paris en ligne, ils ont même jusqu'à 49% de chances de décrocher leur ticket pour la finale de l'Eurovision 2022. Loin devant l’Italie, la Grande-Bretagne et la Suède.
Face aux Russes, les Ukrainiens se battent sur tous les terrains: "En ce moment, il n'y a pas de petite victoire pour nous" dit le leader du gourpe, Oleg Psiuk, qui vient de Kalush, petite ville industrielle dans l'ouest du pays. "Nous sommes ici pour montrer que la musique et la culture ukrainienne existent" disait-il à l'ouverture de l'événement. La Russie, elle, a été exclue de la compétition le 25 février, dès le lendemain du déclenchement de la guerre.
Un texte écrit avant la guerre
La chanson qui représente l'Ukraine, Stefania (du nom de la mère d'Oleg), est un hommage à toutes les mères ukrainiennes et à la mère patrie. C'est assez créatif : un mélange de rap, de pop et de musique folklorique traditionnelle. Le chanteur est reconnaissable au bob rose flashy qu'il porte toujours sur la tête.
"Je retrouverai toujours mon chemin vers la maison, même si les routes sont détruites", dit ce texte qui a été écrit avant la guerre. À la fin de sa prestation hier soir, Oleg a lancé un très sobre "Merci pour votre soutien à l'Ukraine". Tous les bénéfices de la chanson iront à des associations.
Pour la petite histoire ce n'est pas Kalush Orchestra qui avait été initialement sélectionné. La candidate initiale a dû se retirer après une polémique parce qu'elle avait voyagé en Crimée en passant par la Russie, ce qui est interdit en Ukraine.
Une autorisation spéciale pour voyager
Le groupe, qui est né en 2019, a donc appris quelques jours avant le déclenchement de la guerre qu'il allait participer. Répéter n'a pas été facile. Le leader du groupe a créé une organisation de volontaires pour aider à reloger les gens et à transporter des médicaments, le danseur, "MCCarpetman", s'est engagé dans les forces de défense territoriale.
Et comme tous les hommes en âge de se battre n'ont plus le droit de quitter le pays, Kalush Orchestra a du obtenir une autorisation spéciale du gouvernement pour voyager en Italie, à Turin, pour le concours. Avec obligation de rentrer en Ukraine dès le lendemain de la finale.
Une compétition politique
L'Union européenne de radio‑télévision (UER), organisatrice de cet événement hors norme doit repréciser tous les ans qu'il est "un organisme apolitique". Mais l'Eurovision reste rarement en marge des grands bouleversements du monde. En 1975, la Grèce a par exemple refusé de participer pour protester contre l’invasion de Chypre par la Turquie. En 1992, Totto Cutugno a chanté le titre Ensemble (Insieme), appel à une Europe unie face à la guerre en Yougoslavie. Et en 2014, il y a eu dans le public des sifflets contre la Russie qui venait d'annexer la péninsule de Crimée.
Cette année, la dimension émotionnelle évidemment va peser lourd en finale face aux 24 autres candidats (les pays qui contribuent financièrement le plus à l'organisation de l'Eurovision, France, Allemagne, Espagne, Italie et Royaume-Uni, sont qualifiés d'office). Le soutien du public, qui s'est fendu d'une standing ovation lors de la demi-finale, ne signifie pas pour autant que le groupe ukrainien gagnera. Il faut voir aussi ce que dit le jury de professionnels sur les qualités intrinsèques de la chanson. La contribution ukrainienne est solide mais il y en a d'autres. Les premiers commentaires mardi 10 mai au soir étaient plutôt positifs – sans être d'un enthousiasme délirant.
Pour certains internautes en tout cas, "le Top 5 en finale" semble quasi assuré. L'Ukraine a déjà gagné deux fois l'eurovision, en 2004 et en 2016 (deux ans après l'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie). Cette année, peu importe au fond qu'elle finisse à la première place... Car l'Eurovision reste une arme de communication redoutable.
Depuis sa création en 1956, elle a cessé d'être considérée comme un concept ringard pour devenir l'émission la plus vue au monde après la finale de la Coupe du monde de football. 183 millions de téléspectateurs pour l'édition 2021. Le simple fait d'y participer et de profiter de cette formidable caisse de résonance est déjà une victoire. Et si jamais l'Ukraine gagne, ce sera à elle d'accueillir le concours en 2023. Dans un pays en paix ?