En Israël, six Palestiniens ciblés par le logiciel espion Pegasus : "Nous sommes en danger"
Pegasus fait son entrée dans les Territoires palestiniens occupés. Le logiciel espion a permis d'espionner les téléphones de dirigeants et de journalistes dans le monde entier. L'affaire a été révélée cet été par Forbidden Stories, dont fait partie la cellule investigation de Radio France. Cette fois, ce sont les autorités israéliennes qui ont infiltré les téléphones de six Palestiniens avec le logiciel. Les personnes concernées travaillent pour le ministère palestinien des Affaires Étrangères ou pour des organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme.
Tout a commencé par des suspicions. En octobre 2021, voyant que son téléphone faisait des choses étranges, comme passer des appels qu’il n’avait pas émis, Ghassan Halaika, un chercheur de terrain pour l’organisation palestinienne de défense des droits de l’homme al-Haq, se rapproche du groupe FrontLine Defenders (FLD) pour leur demander d’enquêter sur ce téléphone. Ces derniers font leurs recherches et découvrent que le logiciel Pegasus y avait été installé depuis juillet 2020. En conséquence, les recherches sont étendues, non pas seulement auprès des employés d’al-Haq, mais aussi auprès des cinq autres organisations palestiniennes de la société civile qu’Israël a récemment désignées comme "terroristes". Elles sont vérifiées avec Amnesty International et CitizenLab. Résultat : cinq autres appareils ont été infectés par ce logiciel, et ce, entre juillet 2020 et avril 2021.
"Ils peuvent manipuler mes données"
Ubai al-Abudi, directeur du centre Bisan pour la recherche et le développement, fait partie des concernés connus. franceinfo l'a rencontré à Ramallah, lundi 8 novembre. "Nous sommes en danger, et nous ne le disons pas avec légèreté, explique Ubai al-Abadi, Ils peuvent jouer avec mes données : ils peuvent les manipuler, ils peuvent télécharger ce qu’ils veulent sur mon téléphone, ils peuvent aller sur n’importe quel site et dire que c’est moi qui les ai consultés, c’est ce genre de folie ! C’est en totale violation de ma vie privée, en totale violation de mes droits et ça met en danger toutes les personnes avec qui on a travaillé, qu’il s’agisse de diplomates, de militants, de Palestiniens ou bien d’internationaux, et c’est systématique."
Le téléphone de son collègue, Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, dont Israël a retiré mi-octobre le statut de résident de Jérusalem, a aussi été infiltré depuis avril dernier. "Jusqu'à maintenant, on ne peut pas dire exactement qui est responsable. On sait que [Pegasus] a des bureaux à Herzliya en Israël, suggère-t-il. Par mon téléphone, j'étais en contact avec l'Élysée, avec le Quai d'Orsay, le consul général de France. Tout est surveillé, mes avocats... Je porterai plainte en France contre les gens qui sont responsables, contre la compagnie principale, pour les obliger à arrêter ce genre d'espionnage."
Comme lui, tous dénoncent un ciblage systématique. Rappelons aussi que la société mère du logiciel espion, NSO, avait précédemment précisé que Pegasus n’espionnerait pas de numéro commençant par l’indicatif +972, les numéros israéliens. Or, quatre des six concernés sont des numéros israéliens et appartiennent à des résidents de Jérusalem-Est.