"Dieu du Chaos" : la Nasa scrute l'astéroïde Apophis, en approche de la Terre
Rendez-vous en 2029
Un vaisseau spatial de la Nasa, récemment revenu d'une mission sur l'astéroïde Bennu, a été relancé pour étudier son confrère Apophis, du nom du dieu égyptien du Chaos, alors que ce dernier se rapproche de l'orbite terrestre. Le corps rocheux devrait passer, le 13 avril 2029, à moins de 32 000 kilomètres de la surface du globe.
Son nom n'est pas des plus rassurants. Alors que l'astéroïde baptisé Apophis, du nom du dieu égyptien du Chaos, s'approche de l'orbite terrestre, un engin spatial de la Nasa, récemment revenu de l'espace, a été relancé pour une mission d'étude de ce rocher d'environ 370 mètres de diamètre, a annoncé vendredi 22 décembre l'agence spatiale américaine.
Le rendez-vous est fixé au 13 avril 2029. Il reste donc un peu plus de cinq ans avant que le corps rocheux d'environ 40 à 50 millions de tonnes ne s'approche de la planète bleue, à une distance inférieure à celle qui nous sépare de certains satellites artificiels. Un survol extrêmement rapproché qui, comme le rappelle la Nasa, ne s'est jamais produit dans l'histoire depuis que l’humanité est en mesure d’observer et d’enregistrer ce type de phénomènes astronomiques.
Si dans la mythologie égyptienne, Apophis, dieu à forme de serpent et incarnation des ténèbres et de la fin du monde, cherche à anéantir la création divine, l'astéroïde qui porte son nom n'a cependant pas pareil projet pour la Terre. Mais son passage, prévu à moins de 32 000 kilomètres de la surface du globe pourrait le rendre visible à l'œil nu dans l'hémisphère oriental (couvrant le continent asiatique, l'océan Indien, l'Australie, la plupart du continent africain et du continent européen, une partie de l'océan Pacifique et de l'Antarctique).
Expliquer l'avant, anticiper l'après
Après un voyage de sept ans et de 4 milliards de kilomètres, le vaisseau spatial OSIRIS-REx - qui a rapporté en septembre dernier un échantillon de l'astéroïde Bennu - disposait encore de carburant et est ainsi reparti en mission vers Apophis. Coût de la prolongation de la mission : 200 milliards de dollars.
Plusieurs autres destinations avaient été envisagées, à l'instar de Vénus, mais c'est Apophis qui a été retenu. Un astéroïde de type "S", composé de matériaux silicatés et de nickel-fer, qui se distingue des astéroïdes de type "C", riches en carbone comme l'est Bennu. Le vaisseau spatial a été rebaptisé pour l'occasion OSIRIS-APEX (Origins, Spectral Interpretation, Resource Identification, and Security - Apophis Explorer).
Le 13 avril 2029, Apophis longera la Terre et sera alors accompagné en permanence par le vaisseau qui s'approchera jusqu'à 25 mètres de sa surface pour en extraire un maximum d'informations, afin d'étudier notamment "comment la surface se modifie en interagissant avec la gravité terrestre", a annoncé Amy Simon, responsable scientifique de la mission au Goddard Space Flight Center de la Nasa à Greenbelt, dans le Maryland.
Ainsi que l'explique la Nasa, "la rencontre rapprochée d'Apophis avec la Terre modifiera l'orbite de l'astéroïde et la durée de sa journée de 30,6 heures". Cette rencontre pourrait alors provoquer des tremblements de terre et des glissements de terrain à la surface de l'astéroïde, qui permettront dans ce cas de remuer de la matière.
"Nous savons que les forces de marée et l'accumulation de débris sont des processus fondamentaux qui pourraient jouer un rôle dans la formation des planètes", explique Dani Mendoza DellaGiustina, chercheuse principale de la mission d'OSIRIS-APEX à l'université de Tucson, en Arizona. "Ils pourraient nous éclairer sur la façon dont nous sommes passés des débris du système solaire primitif à des planètes à part entière".
Alors que la plupart des astéroïdes potentiellement dangereux connus (dont l'orbite s'approche à moins de 4,6 millions de kilomètres de la Terre) sont également de type "S", l'exploration d'Apophis pourrait contribuer à la recherche en matière de défense planétaire, priorité absolue pour la Nasa.
L'hypothèse d'une collision avec la Terre écartée
La découverte - en 2004 à l'observatoire de Kitt Peak (Arizona) - du gigantesque aérolithe "Dieu du Chaos", a d'abord suscité l'inquiétude, et nourrit encore aujourd'hui quelques théories disséminées çà-et-là sur les réseaux sociaux concernant une prétendue collision avec la Terre. "Apophis arrive, c'est pour ça qu'ils construisent leurs bunkers", peut-on notamment lire d'un utilisateur de X (ex-Twitter).
Dans les premiers temps de son étude, l'astéroïde avait été classé au niveau 4 sur l'échelle de Turin (servant à catégoriser de 0 à 10 les risques d'impacts d'objets géocroiseurs, tels les astéroïdes ou les comètes), ce qui en faisait un cas unique.
Mais en décembre 2004, quelques mois seulement après la découverte de l'astéroïde, la communauté scientifique avait démontré qu'il était finalement très improbable que celui-ci ne vienne jouer les trouble-fête.
Plus encore, en juin 2021, le passage d'Apophis à seulement 17 millions de kilomètres de la Terre a permis d'écarter définitivement l'hypothèse d'une collision, la Nasa assurant que son orbite permettait avec certitude d'exclure tout impact pour au moins les cent prochaines années au minimum.
Balayant un dénouement façon "Don't Look Up", le Centre d'étude des objets proches de la Terre de la Nasa a même officiellement rayé Apophis de la liste des corps célestes à risque.
Après le passage de l'astéroïde près de la Terre, OSIRIS-APEX opèrera à proximité de celui-ci pendant les 18 mois suivants pour étudier notamment les changements causés à Apophis par sa proximité avec la Terre.