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Débat sur le passe vaccinal : des députés cible privilégiée de violences d'antivax

La tension est encore montée d’un cran ces derniers jours entre les députés et les antivax à l’occasion du passage du passe sanitaire en passe vaccinal examiné cette semaine à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Des violences récurrentes condamnées par l’ensemble de la classe politique. Menaces de mort, balles dans les courriers, graffitis sur les murs des permanences, des domiciles... Alors que les élus examinent cette semaine le projet de loi qui transforme le passe sanitaire en passe vaccinal, le 3 janvier à l’Assemblée nationale et le 5 au Sénat, les menaces et les intimidations se sont multipliées ces derniers jours à l’encontre des élus.  Dernièrement, c’est Agnès Firmin Le Bodo, députée de Seine-Maritime, qui a en fait les frais. Elle a reçu sur sa messagerie électronique un courrier menaçant de la décapiter en guise de vœux de début d’année. "Je ne pense en permanence qu’à une seule chose : venir te décapiter. […] La raison ? Ta collaboration, des têtes doivent tomber, et je suis prêt à venir te trancher la tête pour montrer ma fermeté face à ta dictature", assène l'expéditeur du courrier sous le pseudonyme "liberteforte".   "C’est la deuxième fois que je suis agressée et que je porte plainte. Là, c'est un mail qui me menace de décapitation. Quelle sera la prochaine étape ? Le passage à l’acte ? Bientôt, il sera trop tard si on n’agit pas", déplore l’élue auprès de France 24. "Il y a très clairement un climat de violence et de haine. On a le sentiment qu’il n’y a plus de barrière, plus de limite et que les mots ont perdu leur sens".  Agressions en série  Son cas est loin d’être isolé : les exemples en matière d’agressions à l’encontre de députés sont légion. Le 28 décembre, la veille de l'examen sur le projet de loi concernant le passe vaccinal, une cinquantaine de députés ont reçu un courriel les menaçant également de mort. Dans ce courrier figure également les adresses personnelles et les numéros de téléphone fixes des 52 députés destinataires issus de cinq groupes parlementaires différents. "Ce n’est que le début, vous allez payer de votre sang les confinements, le passe sanitaire, et toutes les tentatives d’entraves à nos libertés", invectivait l’expéditeur.  D’autres parlementaires comme la députée LREM de Seine-et-Marne, Michèle Peyron, a reçu un e-mail lui promettant un "massacre à venir". Mêmes prophéties macabres destinées à l’égard de Carole Bureau Bonnard, députée LREM de l'Oise, Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse et Naïma Moutchou, députée Horizons du Val-d'Oise. "Vous ne méritez que des rafales de balles à votre domicile et de vous faire couper la tête", prévenait un autre auteur anonyme. Un peu plus tôt, Pascal Bois, député LREM de l’Oise, qui avait d’abord trouvé une balle dans l’un de ses courriers, a vu son garage et sa voiture incendiés, en plus d’inscriptions hostiles taguées sur un mur. Comment expliquer de telles violences ? Pour Jean Guarrigues, historien et politologue contacté par France 24, la multiplication des violences ne date pas de la crise sanitaire : "Elles remontent à plusieurs années maintenant. La crise des Gilets jaunes avait déjà donné lieu à certaines formes de violences verbales et physiques, notamment à l’encontre des élus. C’est en réalité un phénomène beaucoup plus profond qui illustre le divorce entre un grand nombre de citoyens et les élus et le gouvernement. On tend à perdre le sens commun, ciment de nos sociétés. Dans nos contrées où le ‘moi’ a de plus en plus de poids, il devient de plus en plus difficile de faire adhérer des citoyens à un projet commun, y compris quand il s’agit d’un projet de solidarité nationale. Car se vacciner, c’est faire œuvre de solidarité nationale." Et le professeur de poursuivre : "Plus généralement, ces violences perpétrées à l’égard des élus traduisent une défiance endémique vis-à-vis des pouvoirs quels qu’ils soient : pouvoir politique, médiatique, sanitaire, économique, etc." Un phénomène croissant  Pour endiguer le phénomène, de maigres solutions existent. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé aux préfets de prévoir des patrouilles de police et de gendarmerie pour effectuer des rondes aux domiciles et permanences des élus. Dans son courrier, le ministre explique en effet que le débat parlementaire relatif au passe vaccinal est "susceptible de susciter des menaces voire des passages à l'acte contre les élus". Des mesures de protection vidéo ont également été prises pour protéger les abords de ces permanences, a en outre fait savoir le président de l'Assemblée Richard Ferrand qui a également porté plainte. Ce dernier a aussi promis de faire un point courant janvier avec Gérald Darmanin et son homologue de la Justice, Éric Dupond-Moretti, afin de "vérifier que les plaintes sont bien suivies de recherches et voir où en est la justice car les auteurs de ces méfaits doivent être sanctionnés".   De leur côté, les élus assurent ne pas avoir d'autres choix que de médiatiser ces agressions et porter plainte. "J’ai bien réfléchi avant de poster la lettre de menace de mort sur les réseaux sociaux. Je ne souhaite pas faire de publicité à ces gens-là mais il est important de médiatiser ces agressions pour dénoncer un phénomène qui semble toujours aller plus loin", estime Agnès Firmin Le Bodo. "Je n’ai pas peur pour ma petite personne mais je m’inquiète des dérives de notre démocratie. Il devient urgent que la classe politique dans son ensemble agisse. C’est bien notre démocratie qui est en danger". Aux violences, la parlementaire croit nécessaire de lancer un débat démocratique. "Il faut que chacun puisse avoir le sentiment d’être entendu. Que personne ne se sente lésé, frustré." Surtout en cette période électorale qui s’ouvre.   Une campagne présidentielle sous tension   Ce contexte de violence laisse présager une campagne électorale sous haute tension, estiment certains élus comme Ludovic Mendes, député marcheur de Moselle lui aussi menacé de décapitation. L’élu redoute notamment des agressions physiques. "J'ai peur que cette campagne se passe mal, on a vu dans certains meetings une présence de la violence. Des personnes ne se tolèrent plus, ne se respectent plus", explique-t-il à Franceinfo. Un sentiment partagé par Agnès Firmin Le Bodo : "Si l’épidémie ne redescend pas pendant la campagne, il est fort à craindre que ce climat de violence empire".   De toute évidence, abonde Jean Guarrigues, "la crise sanitaire va avoir un impact certain sur l’élection, d’abord sur son organisation. Faute de pouvoir organiser des meetings, la campagne va être déportée vers les médias. Et la question du bilan de la gestion de la pandémie sera une question centrale. On voit bien que le sujet focalise et cristallise beaucoup d’opposition." Et de conclure : "La crise sanitaire a mis en lumière des faillites de l’État dans le domaine hospitalier, notamment. Les candidats devront y répondre. C’est un épisode totalement inédit de notre histoire. Il n’y a jamais eu de situation comparable auparavant. Même lors de la grippe espagnole en 1918-1919." 

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