CRIMES DE FEMMES. Minnie Dean, cette nounou tueuse d’enfants qui terrifie encore les petits et les grands
C’est un fait incontestable de la criminologie : les femmes résistent à l’appel du crime. Depuis toujours, et ce peu importe où dans le monde, la grande majorité des méfaits violents est commise par des hommes. En France, par exemple, 85% des crimes commis en 2020 l’ont été par des descendants d’Adam, soit un total de 148 130 infractions pénales contre « seulement » 26 361 pour les filles d’Ève. L’écart entre les sexes dans les crimes « semble être quelque chose qui résiste vraiment au changement« , souligne Jukka Savolainen, ex-directeur des Archives nationales des données sur la justice pénale dans le Michigan.
Cela ne veut néanmoins pas dire que les femmes ne tuent pas. À travers l’histoire, des exceptions ont fait preuve d’un grand machiavélisme, sabotant l’image de douceur et de maternalisme souvent donnée aux femmes. C’est notamment le cas de Nathalie Le Scrill, Valérie Subra ou encore Williamina « Minnie » Dean. Au milieu des années 1890, cette nourrice d’apparence inoffensive, aussi dite « baby farmer » de par son habitude de recueillir des enfants non désirés, a marqué l’histoire criminelle de la Nouvelle-Zélande, au point d’être encore aujourd’hui citée pour faire peur aux enfants…
Un bébé dans une boîte à chapeau
C’est le 2 mai 1895, dans la petite ville rurale de Winton, que cette affaire prend racine. À la gare, Minnie Dean, 50 ans, est aperçue embarquant à bord d’un train avec un bébé et une boîte à chapeau. Quelques heures plus tard, les employés du chemin de fer l’ayant vue partir la voient rentrer. Mais cette fois, la nourrice ne porte plus que sa boîte à chapeau, visiblement très lourde… Intrigués, les témoins préviennent la police, qui décide d’ouvrir une enquête. Des soupçons voient rapidement le jour autour de la quinquagénaire, d’autant qu’une femme prénommée Jane Hornsby affirme avoir lui avoir confié la garde de sa petite-fille, Eva, et ne plus jamais avoir eu de nouvelles.
Les autorités ne tardent pas à soupçonner la nourrice de s’en être pris à l’enfant. Et pour cause, plusieurs décès suspects ont déjà été recensés parmi les bambins recueillis par la « baby farmer ». En mars 1889, un bébé de six mois était décédé dans d’étranges circonstances au domicile de Minnie Dean, à Invercargill. Une tragédie qui s’était répétée un an plus tard avec la mort d’un bébé de six semaines, victimes alors d’une inflammation des valves cardiaques et congestion des poumons. À l’époque, la nourrice avait fait l’objet d’une investigation, mais alors que la mortalité infantile touchait de 8 à 10 enfants sur 100, la police avait conclu à des décès accidentels.
Néanmoins, la disparition de la petite Jane Hornsby met la puce à l’oreille des autorités, qui décident de fouiller le domicile de la baby farmer au printemps 1895. Sur place, c’est la douche froide. Les corps de trois enfants, dont deux bébés et un garçonnet d’environ 3 ans, sont découverts dans le jardin de la nourrice. Les deux premiers sont identifiés comme étant ceux d’Eva Hornsby, tuée par suffocation, et de Dorothy Edith Carter, morte d’une overdose de laudanum. La dépouille du petit garçon n’est quant à elle pas identifiée, et la cause de son décès demeure inconnue.
Dans le même temps, six enfants très négligés sont découverts dans la petite maison insalubre de Minnie Dean. Ethel Maud Hay, Florence Smith, Esther Wallis, Cecil Guilford, Arthur Wilson et un nourrisson, surnommé « bébé Gray”, sont aussitôt recueillis par les autorités et placés en familles d’accueil.
Un « être ayant le nom et l’apparence d’une femme »
La nourrice, elle, est accusée d’infanticides et jugée le 18 juin 1895. Son avocat, Alfred Hanlon, plaide les décès accidentels. Il écrira plus tard : « Les gens d’un bout à l’autre du pays ont frissonné… lorsque la sombre et horrible histoire de l’infamie de Minnie Dean a été racontée par l’accusation. Imaginez un être ayant le nom et l’apparence d’une femme usant une ligne de chemin de fer pour détruire ses victimes impuissantes, s’installant sereine et imperturbable dans un wagon avec un petit corps dans une petite boîte posée à ses pieds et un autre enveloppé dans un châle et tenu par des sangles dans le porte-bagages, au-dessus de sa tête. »
Le 21 juin 1895, Minnie Dean est reconnue coupable du seul meurtre de Dorothy Edith Carter. Elle est exécutée par pendaison le 12 août, devenant la seule femme de l’histoire à avoir été mise à mort sur le territoire néo-zélandais. Celle que la Nouvelle-Zélande voit aujourd’hui comme une croque-mitaine légendaire aurait gardé 28 enfants au cours de sa vie. Quatorze manquent à l’appel.