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Covid-19 : le recyclage des masques jetables fait son chemin en France

L'entreprise française Plaxtil transforme des masques de protection faciale en matériau utilisé pour fabriquer d'autres objets comme des visières, des ouvre-portes, des cintres ou encore des règles, le 25 août 2020, à Châtellerault, dans la Vienne. Face à la production massive de masques chirurgicaux et la pollution qu'elle engendre, des entreprises et collectivités ont décidé de prendre les devants en se lançant dans le recyclage de ces objets devenus omniprésents avec le Covid-19. Mais pour l'heure, ce phénomène reste isolé et n'en est qu'à ses débuts.   Si le gouvernement a mis fin jeudi au port du masque en extérieur, il ne disparaîtra pas de si tôt du quotidien des Français. Ce petit objet en plastique, devenu un symbole de la pandémie de Covid-19, se retrouve parfois abandonné sur les plages, les bords de route ou en forêt. Pour éviter cette pollution, le recyclage des masques a fait son apparition en France.  Dans le monde, la pandémie a fait bondir la production de masques, multipliée par 200 entre juillet 2019 et juillet 2020. Rien qu'en France, entre 6,8 et 13,7 milliards de masques à usage unique auraient été utilisés en 2020, selon l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (ADIT), citée fin janvier dans le rapport d'une "mission flash" des députés Danielle Brulebois et Gérard Leseul sur la question.  Le signe d'une "vraie prise de conscience de la pollution plastique" Cela représente 40 000 tonnes de déchets non recyclés en 2020, précise le même rapport en s'appuyant sur un chiffre de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). Face à ce fléau, des initiatives sont portées par des start-ups, PME, collectivités, associations ou encore des hôpitaux. Preuve, pour Gérard Leseul, député socialiste de Seine-Maritime, contacté par France 24, d'une "vraie prise de conscience de la pollution plastique".  En un peu plus d'un an, le processus de recyclage s'est progressivement structuré. Dans un premier temps, il faut collecter des masques usagés grâce à des contenants installés dans des supermarchés, entreprises, écoles ou encore des mairies. Ils sont ensuite mis en quarantaine et décontaminés pour éliminer les traces de virus. Puis, les différentes matières des masques sont séparées : on retire les élastiques de maintien et la barrette métallique et on récupère le polypropylène, un thermoplastique qui constitue 90 % des masques jetables. Ce matériau est ensuite transformé en granulés de plastique et peut être utilisé dans l'industrie.  L'un des pionniers en France, l'entreprise Plaxtil, implantée à Châtellerault, dans la Vienne, a, elle, choisi de retirer seulement les barrettes des masques. "Elles sont envoyées dans le recyclage de déchets métalliques. Le reste du masque est broyé, désinfecté et transformé en billes avant d'être injecté dans de nouveaux objets", explique son cofondateur Olivier Civil, joint par France 24. Au total, depuis un an, l'entreprise a recyclé entre 5 et 6 millions de masques. La matière récupérée a permis de créer des ouvre-portes, des visières, des cintres ou encore des supports de téléphone.  Pour minimiser l'empreinte écologique, les objets collectés par Plaxtil sont systématiquement renvoyés dans la zone géographique où les masques ont été collectés. À partir des masques récupérés à Meudon, dans les Hauts-de-Seine, l'une des premières villes en France à avoir testé le recyclage des masques, l'entreprise textile a fabriqué des règles, équerres et rapporteurs qui ont ensuite été distribués à des écoliers de la ville.  Un type de recyclage qui ne fait pas l'unanimité  Si ces initiatives se développent en France, toutes ne se valent pas. "Certains prétendent qu'ils recyclent les masques mais finalement ils les collectent et les incinèrent", regrette le cofondateur de Plaxtil.  L'association Zero Waste France, elle, va plus loin en affirmant que le recyclage des masques est une fausse bonne idée. "Ce recyclage ne peut pas représenter une solution durable face au gisement considérable que représentent aujourd’hui les masques à usage unique devenus des déchets", peut-on lire dans un communiqué.  L'association dénonce un processus "complexe" qui "suppose de séparer les différentes couches de matériaux, de les fondre et d’y ajouter de la matière vierge pour compenser la perte de matière nécessairement occasionnée par le processus de recyclage", écrit Zero Waste France.  >> À voir aussi : Covid-19 : un masque français biodégradable à base de chanvre pour réduire la pollution plastique Alice Elfassi, responsable juridique de l'association, contactée par France 24, déplore, en outre, des "initiatives très localisées présentées comme révolutionnaires alors que les solutions de recyclage sont loin d'être généralisées sur le territoire et qu'il faudrait plusieurs années pour structurer une filière de recyclage à l'échelle nationale".  Olivier Civil, qui a participé à des réunions au ministère de l'Économie, juge lui aussi peu probable qu'un dispositif national voit le jour, notamment à cause des incertitudes autour de la pandémie. En revanche, le chef d'entreprise "pense que le recyclage ponctuel va perdurer parce que les masques risquent d'être obligatoires encore pendant longtemps dans les espaces fermés".  De son côté, le député socialiste Gérard Leseul plaide pour le développement d’unités de traitement et de réseaux de collecte du masque. "Ce sera plus facile à mettre en place quand les gens retourneront régulièrement sur leur lieu de travail. Avec la reprise de notre socialisation, on va pouvoir retrouver des réflexes de recyclage", espère le député, qui se dit "confiant".  Le masque réutilisable comme alternative Pour plusieurs associations environnementales comme France Nature Environnement et Zero Waste France, la vraie solution n'est pas le recyclable mais le réutilisable. Mais Alice Elfassi regrette que le masque lavable soit "encore trop absent" et qu'une confusion soit apparue après les tergiversations des autorités sanitaires sur l'usage des masques lavables.  Pourtant, l'Association française de normalisation (Afnor) précise que le masque en tissus de catégorie 1 et le masque chirurgical filtrent au moins 90 % des particules de 3 microns conformément aux recommandations du Haut conseil de santé publique. Selon l'Afnor, "le niveau de protection que [ces masques lavables] proposent est proche, voire supérieur selon les modèles, à celui proposé par des masques chirurgicaux".  >> À lire aussi : Épidémies, hygiène, pollution... Histoires de masques à travers les âges Si l'on ne parvient pas à se séparer des masques jetables, il faut toutefois "veiller systématiquement à les jeter dans la poubelle des déchets ménagers", alerte Laura Chiron, chargée de mission prévention et gestion des déchets chez France Nature Environnement. Ce geste permet entre autres d'éviter d'exposer inutilement les agents des centres de tri au Covid-19.   Les efforts se font également sentir dans les entreprises, qui réfléchissent désormais à une revalorisation plus vertueuse du plastique. "La visibilité du masque a permis de mettre le doigt sur un problème plus global lié à l'usage de produits à base de polypropylènes, comme les charlottes, les surchaussures qui sont utilisées dans l'industrie pharmaceutique ou encore dans l'agroalimentaire", relève Gérard Leseul. Or, si le masque pourrait être de moins en moins présent dans les rues, son usage ne baissera pas dans l'industrie.

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