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Couvre-feu en France : une efficacité "limitée" contre la propagation du Covid-19

Des policiers procèdent à des contrôles routiers dans le cadre du couvre-feu national à 18 h, le 16 janvier 2021 à Paris. Imposé depuis mi-décembre à toute la France, le couvre-feu n'aura pas suffi à contenir la pandémie de Covid-19. Alors que cette mesure suscite de plus en plus de critiques, le gouvernement défend son efficacité, estimant qu'elle demeure une alternative crédible au reconfinement national. "Un couvre-feu strictement contrôlé avec des possibilités de dérogations limitées." Le 10 décembre 2020, face à l'augmentation inquiétante du nombre de contaminations dans le territoire, le Premier ministre Jean Castex annonce aux Français qu'il leur sera désormais interdit de quitter leur domicile après 20 h. Une mesure forte, pour limiter au maximum les interactions sociales, que le gouvernement décidera d'étendre un mois plus tard à 18 h sur l'ensemble du territoire.     Pourtant, si la rapide progression des cas redoutée avec l'arrivée du variant anglais n'a pas eu lieu, force est de constater que cette mesure n'a pas suffi. "Aujourd'hui, le nombre d'arrivées en réanimation ne baisse pas, ce qui prouve que cette mesure ne freine pas, ou du moins pas assez, l'épidémie", explique à France 24 l'épidémiologiste Catherine Hill. Le gouvernement a d'ailleurs dû se résoudre à décréter des confinements locaux le week-end et envisage des mesures plus strictes.     L'exemple guyanais      Le gouvernement le dit et le répète, il souhaite éviter un troisième confinement aux effets économiques désastreux pour la France. Pour autant, la saturation hospitalière constitue une ligne rouge à ne pas franchir. C'est dans ce contexte qu'a été instauré le couvre-feu dans l'Hexagone en décembre dernier.  Expérimenté après le confinement de mai 2020 en Guyane, le couvre-feu a coïncidé avec "une baisse importante du taux de transmission" dans ce territoire d'Outre-mer, a observé l'institut Pasteur dans une étude.    Si cet exemple est souvent mis en avant pour vanter l'efficacité de cette mesure, l'étude spécifie tout de même "qu'une approche ayant fait ses preuves en Guyane ne sera pas nécessairement efficace dans le contexte métropolitain". Une vision partagée par Jan Cédric Hansen, médecin membre de la Société française de médecine de catastrophe : "La Guyane est un territoire isolé avec des portes d'entrée réduites. La circulation longue distance y est bien moindre et il a été observé que la majorité des interactions avaient lieu le soir. Tous ces facteurs constituent des biais importants lorsqu'il s'agit de transposer cette mesure dans l'Hexagone."     Une mesure qui "déplace le problème"     "Dans les 15 premiers départements où le couvre-feu à 18 h a déjà été mis en place, la hausse du nombre de cas y est deux, voire trois fois plus faible que dans les autres départements", expliquait le Premier ministre Jean Castex, le 14 janvier, pour justifier la généralisation du couvre-feu à 18 h. Si cette mesure apparait alors comme une solution miracle pour endiguer la pandémie, Santé publique France a depuis largement relativisé ces résultats. Dans son rapport du 21 janvier, l'agence nationale de santé publique juge que le couvre-feu a "pu contribuer à l'amélioration de la situation épidémiologique" au même titre que d'autres facteurs comme "les comportements prudents de la population sensibilisée par des campagnes de communication locales".     Pour Jan Cédric Hansen, il est impossible d'évaluer précisément l'efficacité d'une telle mesure dans le contexte actuel : "Cette mesure, au même titre que d'autres comme le port du masque ou les gestes barrières, contribue à lutter contre l'épidémie. La question n'est pas tant celle du couvre-feu ou du confinement, mais celle de la stratégie. Il faudrait établir des objectifs par mesure pour commencer à en évaluer l'efficacité. Aujourd'hui on les superpose et on regarde la courbe épidémique, comment voulez-vous en déduire quoi que ce soit ?"   "Le risque de contamination varie en fonction du nombre de gens différents que l'on croise", souligne Catherine Hill. "À ce titre, les mesures de confinement et de couvre-feu peuvent faire baisser le nombre de cas. Mais le couvre-feu à 18 h déplace le problème avec une densité plus importante dans les magasins et les transports avant la fermeture." Impopularité grandissante     Alors que le gouvernement cherche à "gagner du temps", selon les mots du ministre de la Santé, Olivier Véran, tout en accélérant la campagne vaccinale, le couvre-feu imposé maintenant depuis plus de deux mois suscite de plus en plus de critiques. Sur Twitter, Sous le hashtag #stopcouvrefeu, les messages fleurissent pour questionner l'efficacité et même la légitimité d'une telle mesure.     Des critiques émanant de simples citoyens, mais également de politiques comme le député républicain des Côtes-d'Armor Marc Le Fur, qui milite pour que l'horaire du couvre-feu soit adapté en tenant compte de l'allongement des journées et des spécificités territoriales.    Parmi les professionnels de santé aussi, la mesure suscite parfois l'agacement, comme l'explique Hervé Fleury, professeur émérite de virologie à l'université de Bordeaux, contacté par France 24 : "On sait tous que l'efficacité du couvre-feu est limitée et c'est sûr qu'il est plus facile d'imposer un couvre-feu que de prendre des mesures vraiment efficaces, comme tester à grande échelle et isoler les gens. Aujourd'hui, certains de mes confrères penchent pour un reconfinement national en espérant pouvoir repartir ensuite sur de bonnes bases".     Alors que la pression monte, le gouvernement maintient sa ligne. Le "couvre-feu fonctionne très bien", a réaffirmé le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, dans une interview au JDD publiée dimanche, sans pour autant exclure l'éventualité de nouvelles mesures plus strictes. Interpellé lundi lors d'un déplacement à Stains par un jeune homme exprimant sa lassitude face au couvre-feu, Emmanuel Macron s'est voulu rassurant, estimant qu'il faudrait encore tenir "quatre à six semaines".

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