Commémoration du 13 novembre : "L'affrontement avec l'islamisme radical est terrible, on est dans un cycle long de violence et de terrorisme et on s'y prépare"
Il y a six ans, jour pour jour, la France s'apprêtait à vivre l'une des journées les plus terribles de son histoire récente, les attentats du 13 novembre 2015.
Avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS,nous évoquons aujourd'hui l'une des plus terribles journées de l'histoire récente de la France. C'était il y a six ans, jour pour jour, les attentats du 13 novembre 2015. Les attaques du Bataclan, des terrasses du Stade de France, ce n'étaient ni les premiers, ni les derniers attentats terroristes en France.
franceinfo : Jean Viard, y a-t-il un avant et un après 13 novembre 2015 pour notre pays ?
Jean Viard : Écoutez, je ne dirais pas ça. Je crois qu'on ne peut pas dire ça. Je crois que l'affrontement avec l'islamisme radical est terrible. On voit ce qui se passe en Afghanistan, où les femmes sont ré-enfermées, etc. et à d'autres endroits, je pense très honnêtement qu'on ne peut pas dire ça. On est dans un cycle long de violence et de terrorisme et on s'y prépare.
Par contre, ce qu'on peut dire, je crois, c'est qu'après les attentats du Bataclan, etc. il me semble que les forces de sécurité ont vraiment mis le paquet, et que de ce point de vue là, on est mieux protégé. Mais enfin, on n'est protégé qu'en partie, parce que c'est en partie incontrôlable.
Ce samedi est une journée de commémoration, la sixième journée de commémoration, et elle tombe en plein procès de ces attentats du 13 novembre 2015. Un procès pour l'histoire, disent presque tous les observateurs. Ce qui justifie, entre autres, le témoignage de l'ancien président de la République, François Hollande, cette semaine...
C'est vrai que c'est une monstruosité, encore pire que Nice ou pire que Charlie, d'une certaine façon, en nombre de victimes, le fait de tuer uniquement des jeunes en train de faire la fête, enfin tout ce que nous on aime, et que ces islamistes radicaux n'aiment pas. Bien sûr.
Et puis, ça a été un vrai traumatisme. Énorme. Donc, le fait que le président de la République de l'époque intervienne, ça donne d'une part de la solennité au sujet. Et c''était passé en dehors des radars, aussi bien de la Belgique, de la France. Ces terroristes étaient organisés, on ne les avait pas vu venir, etc. C'est à lui de le reconnaître au nom de l'État. Je dirais qu'il n'y est pour rien personnellement.
Et puis, il faut dire une chose je pense que le président Hollande est beaucoup critiqué, mais sa réaction face aux attentats chaque fois, a toujours été reconnue comme positive, forte et valorisante. Je pense que ça met un peu de paix. Ça peut aider aussi les familles à être reconnues par la République dans leur douleur.
Justement, la reconnaissance de la République, le rôle que peut jouer aussi le président de la République dans l'histoire récente de notre pays, il y a François Hollande qui témoigne donc à ce procès. Il y a aussi une autre intervention que l'on peut citer cette semaine, celle d'Emmanuel Macron, qui a pris la parole lors des cérémonies de commémoration du 11 Novembre pour rendre hommage à Hubert Germain, le dernier Compagnon de la Libération qui est mort à 101 ans.
La parole présidentielle est-elle nécessaire dans notre République pour inscrire justement cette mémoire dans la grande histoire de notre pays ?
Nous sommes un pays avec un pouvoir fort, et j'allais dire un peuple en permanente révolte, on pourrait le dire comme ça. C'est le mythe du Gaulois contre le pouvoir central, et la Ve République a renforcé ce mythe. Après, je crois qu'il faut dire une chose très simple : ce qu'a fait Emmanuel Macron, c'était ce qu'avait décidé le général de Gaulle ; quand il a créé les Compagnons de la Libération, et qu'il a enterré les premiers au mont Valérien, il a dit : le dernier, on prendra la même procédure exactement : la remontée des Champs-Elysées, la Garde républicaine, le discours effectivement à l'Arc de Triomphe. Et puis l'enterrement au mont Valérien.
Au fond, le président Macron rejoue, si on peut dire de Gaulle, à la lettre près, à la minute près, mais c'était la décision du général de Gaulle pour marquer au fond le temps historique de cette période, et pour transmettre le flambeau de la résistance aux générations suivantes. Il est vrai aussi qu'en période électorale, le président Macron, respectant les désirs du général de Gaulle et se coulant dans son personnage, évidemment, pendant que tout le monde est à Colombey en train d'essayer de trouver une petite place dans le cimetière, il a effectivement, d'une certaine façon, le beau rôle politique.
Et plus largement Jean Viard, tous ces moments solennels de commémoration des vocations, on peut aussi penser à tous les hommages nationaux, les intronisations au Panthéon, etc. Quelle place cela joue dans notre histoire ?
Mais il y en a beaucoup. Il y en a plus qu'avant, et il me semble qu'il y a une espèce d'inquiétude identitaire qui saisit la société française. C'est rentré de manière centrale dans le discours politique, que ce soit avec des candidats d'extrême droite, mais les autres aussi. La France est incertaine, je dirais dans ses appuis, et donc du coup, on cherche à fonder notre identité dans des totems ou dans le passé. J'espère qu'on fondera notre identité dans l'avenir. Ça me semble toujours plus positif.