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C'est mon affaire. Injure, diffamation, quelles sont les règles ?

Injures, diffamations, insultes, quelles sont les règles à connaître ? Olivier Maudret est avocat pénaliste au barreau de Paris. franceinfo : Qu'est-ce que l'injure publique pour laquelle le procureur de Grenoble a ouvert une enquête ? Olivier Maudret : C'est le délit de presse de l'injure qui figure dans la loi du 29 juillet 1881, qui est la loi fondamentale qui régit la liberté de la presse et la liberté d'expression en France, depuis les débuts de la IIIe République. Le fait de traiter quelqu'un de fasciste ou d'islamophobe, est-ce que c'est interdit par la loi, est-ce que c'est particulièrement grave ? Oui, c'est qualifiable pénalement sous l'angle de l'injure publique ou de la diffamation. Les deux incriminations sont différentes. La diffamation c'est l'imputation d'un fait précis qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne ou d'un corps. L'injure c'est toute expression outrageante. Ici ce serait pas exemple "fasciste", accolé aux noms des deux professeurs. Invective, terme de mépris qui ne renferme l'imputation d'aucun fait précis. Ici le corps du délit, c'est un panneau, affiché à l'entrée de Sciences Po Grenoble avec le nom des deux professeurs accolés à l'expression fasciste. Nous nous trouvons donc en présence d'une insulte, beaucoup plus que d'une diffamation, car aucun fait précis susceptible d'un débat contradictoire n'est rapporté ici. C'est l'insulte : fasciste comme on aurait pu dire "salaud". Un exemple de cette différence ? Tout dépend en réalité de la précision du fait imputé. Si j'écris ou si je dis que vous êtes un salaud parce que vous avez participé, samedi dernier au Bourget, à un rassemblement de néo-nazis, vous pourrez me poursuivre pour diffamation. Si je me contente de vous traiter de salaud, et que je m'en tiens à ça, vous pourrez me poursuivre pour injure. Le fait que ce soit public, à la vue de tous, a son importance ? C'est très important. Cela fait passer l'insulte du domaine contraventionnel au domaine délictuel et donc à la compétence du tribunal correctionnel. Pourquoi est-ce le procureur qui engage les poursuites ? Il est là pour ça. C'est le ministère public, c'est le représentant des intérêts de la société, donc en présence d'un délit de presse, il a les compétences naturelles pour déclencher les poursuites "proprio motu", de lui-même. Si ça s'était passé sur internet, ça aurait été la même chose ? Oui, ça aurait été la même chose, nous aurions eu une diffusion publique d'une insulte. Comment se caractérise l'insulte ? C'est tout terme, toute invective péjorative. On aurait une difficulté ici, si on se faisait l'avocat du diable, on aurait une défense qui consisterait à dire qu'on n'est pas en présence d'une insulte : fasciste, ça renvoie à une période du XXe siècle, ça renvoie à un mouvement politique, et il a été jugé par la chambre criminelle que l'épithète de communiste n'était pas injurieux. Donc les avocats des parties poursuivies pourraient se défendre sur ce terrain, en objectant que le terme de fasciste n'est pas intrinsèquement injurieux. Cela ne se passe pas de la même manière dans d'autres pays... Dans les pays de tradition anglo-saxonne, c'est un peu le principe inverse de celui qui prévaut en France. Il n'y a pas de loi, il n'y a pas d'énumération de ce qui est permis et de ce qui est interdit. Quand on est une difficulté avec un propos injurieux ou diffamatoire, on saisit le juge, qui apprécie au cas par cas. Mais il est vrai que le premier amendement de la Constitution des États-Unis pose comme un principe sacré, le principe de la liberté d'expression.

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