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Économie et marchés

Avant de rencontrer Joe Biden, Emmanuel Macron critique le protectionnisme américain

VISITE D'ÉTAT À WASHINGTON Emmanuel Macron, en visite d'État à Washington, a déclaré, mercredi soir, que le plan d'aide massif aux entreprises américaines de l'administration Biden risquait de "fragmenter l'Occident" et de faire de l'Europe et de la France une "variable d'ajustement" de la rivalité entre les États-Unis et la Chine. Des propos offensifs tenus avant même la rencontre entre les deux présidents. Les mots sont forts, le ton est direct. Lors de son premier jour de visite d'État à Washington, mercredi 30 novembre, Emmanuel Macron a abordé d'entrée le sujet qui fâche. Le plan massif de soutien à l'économie américaine risque de "fragmenter l'Occident" et de faire de l'Europe et de la France une "variable d'ajustement" de la rivalité entre les États-Unis et la Chine, a-t-il déclaré en fin d'après-midi devant ses compatriotes réunis à l'ambassade de France. Dans le viseur du président français, un texte de l'administration Biden promulgué cet été, baptisé "Inflation Reduction Act (IRA)" et qui prévoit des centaines de milliards de dollars d'investissements pour lutter contre l'inflation et réduire les émissions américaines de gaz à effet de serre. Problème pour la France et l'Union européenne : les dispositions du texte favorisent le "Made in America" via des subventions et des ristournes fiscales. Les entreprises d'outre-Atlantique se voient donc pénalisées. Mesures "super agressives" Le sujet de l'IRA n'est pas nouveau. Il était prévu qu'il soit mis sur la table lors de la visite d'État d'Emmanuel Macron. Mais ce ton offensif, avant même la rencontre avec Joe Biden, promet d'épicer un peu plus le reste de la visite. Mercredi midi, déjà, des déclarations du président français dénonçant les mesures "super agressives" de l'IRA à des parlementaires américains s'étaient retrouvées dans la presse, alors qu'elles auraient dû rester privées. Devant la communauté française, mercredi soir, le chef de l'État n'avait donc plus d'autre choix que d'assumer ses propos. "J'ai dit avec beaucoup de franchise, d'amitié (aux élus américains) (...) que ce qui s'est passé ces derniers mois est un défi pour nous parce qu'on commence à se décaler sur les sujets énergétiques et le coût de la guerre (en Ukraine) n'est pas le même en Europe et aux États-Unis", a-t-il déclaré. "Mais surtout, les choix faits, dont je partage les objectifs, en particulier l'Inflation Reduction Act, sont des choix qui vont fragmenter l'Occident", a-t-il ajouté. Selon Emmanuel Macron, "ces choix ne peuvent fonctionner que s'il y a une coordination entre nous, si on se décide ensemble, si on se resynchronise". Objectif : "Éviter qu'une forme d'hostilité commerciale se développe dans les prochaines semaines". "Coordination" et "synchronisation", voilà deux mots répétés maintes fois par l'Élysée en amont et lors de cette visite d'État. "Faites votre propre IRA !" La présidence française a réexpliqué la stratégie de Paris. Il s'agit d'abord de "reconnaître la légitimité du discours américain de réinvestissement dans les industries vertes". La France partage en effet les mêmes objectifs de lutte contre la crise climatique. Mais, "dans le contexte de la guerre en Ukraine, alors que l'Europe subit plus lourdement le prix des sanctions", le "risque de distorsion" posé par l'IRA pourrait affaiblir l'Europe. Or les États-Unis ont un intérêt stratégique à ce que leur allié européen soit robuste. L'Élysée, qui se fait pendant ces deux jours le porte-voix de Bruxelles, puisque ces discussions sont menées entre les États-Unis et les 27, espère obtenir des exemptions pour certaines industries européennes. Une autre piste est aussi explorée : il faudrait "que nous puissions, nous Européens, prendre nos dispositions pour entrer dans la compétition au même niveau que les Américains". C'est d'ailleurs ce que les Américains disent peu ou prou aux Européens : "Faites votre propre IRA !" Pour l'instant, Washington se dit à l'écoute mais ne donne pas d'indication sur d'éventuels aménagements à l'IRA. Joe Biden et Emmanuel Macron, qui dînaient en compagnie de leurs épouses dans un restaurant chic de Washington mercredi soir, devaient aborder le sujet avant leur rencontre formelle et leur conférence de presse commune de jeudi.

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