Amnesty International estime qu'il y "a trop souvent un usage excessif de la force par les forces de l'ordre" en France
Amnesty International estime qu'il y "a trop souvent un usage excessif de la force par les forces de l'ordre" en France
"Il y a un problème de fond dans la doctrine et les pratiques concernant le maintien de l'ordre", martèle l'ONG qui appelle à arrêter "le déni".
Amnesty International rend son rapport annuel et dénonce une politique "nocive" pour les droits humains en France. "Il y a trop souvent un usage excessif de la force par les forces de l'ordre", a expliqué mercredi 7 avril sur franceinfo Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty International France.
franceinfo : Vous rappelez la mort de Cédric Chouviat, étranglé lors d'un contrôle routier. Pourquoi ? Qu'est-ce que cela représente ?
Cécile Coudriou : Il y a un problème de fond dans la doctrine et les pratiques concernant le maintien de l'ordre. Ce qui était important pour nous dans ce rapport, au nom de l'impartialité, c'était de souligner également les violations des droits humains en France avec le même prisme du droit international. Le premier sujet de préoccupation majeure est le droit de manifester qui s'accompagne trop souvent d'un usage excessif de la force par les forces de l'ordre. L'exemple de Cédric Chouviat est assez emblématique pour deux raisons. Le principe de proportionnalité dans l'usage de la force et sa nécessité ne sont pas respectés. C'est la même doctrine du maintien de l'ordre qui est malheureusement à l'œuvre que ce soit dans des contrôles routiers ordinaires ou dans la question des manifestations. À cela s'ajoute une question d'impunité. Nous réclamons depuis longtemps un mécanisme réellement indépendant pour que des enquêtes soient menées dans les plus brefs délais et qu'on n'ait pas ce sentiment que trop souvent il n'y a pas de sanction lorsqu'il y a eu, ce qui s'avère être après enquête, un dérapage.
Est-ce parce que la justice française ne fonctionne pas correctement ?
À plusieurs reprises nous avons pu constater que les enquêtes de l'IGPN n'étaient pas satisfaisantes. Je pense notamment à la fête de la musique à Nantes qui a aussi occasionné un décès. C'est pourquoi cela nous pose un problème alors qu'il y a encore beaucoup trop d'occurrences de violences policières. Il faut sortir de la stratégie de déni et véritablement prendre la mesure du nombre de fois où cela peut se produire, pendant la pandémie également et encore très récemment dans la manifestation du 12 décembre où il y a eu un usage excessif de la force.
L'arrivée de Gérald Darmanin au ministère de l'Intérieur a aggravé les choses, selon votre rapport. Pourquoi ?
La révision du schéma du maintien de l'ordre nous a beaucoup déçus. Nous espérions enfin une sorte de désescalade et davantage d'accent mis sur une formation pour ne pas avoir un recours systématique à l'usage de la force. Cela passe par des techniques telles que celle de la nasse, un usage systématique au début des manifestations de gaz lacrymogène et aussi par un usage excessif de la force.
Quand quelqu'un est déjà au sol, maîtrisé, il n'y a aucune raison de le frapper et pourtant c'est arrivé, de même qu'un usage du Taser en mode contact n'est pas utile pour incapacité quelqu'un. Ce type d'évènements me paraît inacceptable.
Vous dénoncez les violences envers les migrants. La préfecture du Pas-de-Calais a publié un arrêté pour renouveler l'interdiction faite aux associations de distribuer de la nourriture. Qu'en pensez-vous ?
C'est choquant et illégal. L'État français a failli dans sa mission de protection des plus vulnérables pendant la pandémie. Non content de ne pas les protéger, ils ont poursuivi une politique de harcèlement vis-à-vis des personnes migrantes et réfugiées. À cela s'ajoute une intimidation, un harcèlement des aidants. C'est inadmissible que cette politique se soit poursuivie pendant la pandémie alors que ces personnes font ce que l'État ne fait pas.