À l'Assemblée, les députés s'écharpent au sujet de leur tenue vestimentaire
Le député Europe Écologie-Les Verts et membre de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) Julien Bayou, le 9 juillet 2022 à l'Assemblée nationale.
La tenue vestimentaire des députés agite les bancs de l'Assemblée nationale, opposant particulièrement La France insoumise et la droite. Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée, a rappelé lundi qu'une tenue "correcte" y était exigée, mais qu'elle se refusait à "exercer une police vestimentaire".
Des passes d'armes entre députés, des demandes de mise à l'agenda officiel : le débat fait rage à l'Assemblée nationale sur... la tenue des parlementaires, une question qui devient politique entre La France insoumise (LFI) et la droite.
La présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), a tenté, lundi 25 juillet, de fermer le ban, en rappelant que les députés doivent porter une tenue "correcte", tout en refusant d'"exercer une police vestimentaire", faisant "confiance aux parlementaires".
Une "gauche sale, débraillée"
Depuis l'arrivée en force en juin des élus de l'alliance de gauche Nupes (Nouvelle Union populaire écologique et sociale), cravates et costumes sont moins de mise. Les jeans, baskets, costumes sur tee-shirt, voire tee-shirts tout court fleurissent.
Le président (ex-Les Républicains) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), Renaud Muselier, a critiqué la semaine dernière une "gauche sale, débraillée", s'attirant les foudres de ces élus, moins favorisés socialement qu'auparavant, et qui se revendiquent "à l'image du peuple".
Le port de la cravate a déjà sérieusement reculé dans le monde du travail, et l'Assemblée, lieu pétri de rites et conventions, se met peu à peu à l'unisson.
Certains insoumis hésitent au vu de leurs responsabilités. Comme Éric Coquerel, président de la commission des finances, qui a porté l'attribut vestimentaire litigieux pour le coup d'envoi des débats sur le projet de budget, avant de l'abandonner le lendemain.
Les attitudes à gauche tranchent avec celles des députés Rassemblement national (RN), en quête de respectabilité institutionnelle et tous cravatés. "La culture 'paquet de nouilles' et 'tee-shirt de foot', non merci !", avait averti leur cheffe de file, Marine Le Pen.
Déjà en 2017, avec le débarquement des premiers députés insoumis, avait débuté une révolution vestimentaire : le bureau de l'Assemblée avait dû acter officiellement le droit pour les députés de siéger sans veste ni cravate.
Ainsi, la tenue dans l'hémicycle "doit rester neutre et s'apparenter à une tenue de ville", indique une instruction générale. Jusqu'alors, seule était demandée "une tenue respectueuse des lieux" et les agents de l'Assemblée tenaient à disposition un éventail de cravates aux abords de l'hémicycle.
Les tenues traditionnelles, tel le costume polynésien lavalava de Moetai Brotherson qui a fait école, ou la veste bretonne de Paul Molac, restent autorisées.
"L'habit ne fait pas le député"
Vieux routier du Palais Bourbon, Éric Ciotti (Les Républicains) ne se résout pas aux "sans-cravate". "Le port du costume et de la cravate pour les hommes, au-delà de la nécessaire marque de respect due à nos institutions et nos compatriotes, permet d'unifier visuellement la représentation nationale et de recentrer les débats sur ce qui importe vraiment : les arguments des uns et des autres", a fait valoir le député dans un courrier à Yaël Braun-Pivet.
Le communiste Patrice Carvalho était apparu en 1997 sur les sièges rouges de l'Assemblée en bleu de travail mais avec cravate, relève Éric Ciotti, qui est questeur, chargé de la gestion de l'institution.
"On délibérera" s'il le souhaite mais "je pense que les Français nous attendent plutôt sur des sujets de fond", a répondu dimanche la titulaire du perchoir dans Le Parisien.
Le sujet vire au bras de fer avec LFI. "L'habit ne fait pas le député", a rétorqué à Éric Ciotti le groupe des députés emmenés par Mathilde Panot, qui a épinglé de surcroît sa vision "anachronique" à l'heure où l'Assemblée compte 37 % de femmes.
Le jeune Louis Boyard, 21 ans, a parodié le courrier du questeur, pointant "une forme d'arrogance vestimentaire et comportementale d'un nombre de plus en plus important de députés, en particulier chez LREM [La République en marche, parti renommé Renaissance, NDLR], LR et RN".
Il a lui réclamé "l'interdiction des costumes aux prix indécents". De fait, peuvent être imputés sur les frais de mandat des dépenses dites "de représentation", mais le déontologue refuse ou écrête les dépenses vestimentaires "manifestement déraisonnables".
Dimanche, même Jean-Luc Mélenchon, depuis Bogota où il est en déplacement, y est allé de son commentaire sur son blog. "Les bons messieurs et les bonnes dames dénoncent nos comportements, veulent nous enseigner les bonnes manières et les beaux habits. Encore ne savent-ils pas ceci : ces tenues qu'ils fustigent sont nos habits du dimanche", écrit le leader de LFI.
Avec AFP