Zélia, Sam et Cécile Avezou : l’escalade et l’objectif Paris-2024 en famille
PORTRAITS
De notre envoyé spécial à Massy – Dans la famille escalade, je demande la mère Cécile Avezou, la fille Zélia et les deux frères Sam et Léo. Une tribu unie autour de la passion de la grimpe mais aussi du rêve des deux plus jeunes de disputer les Jeux olympiques de Paris en 2024. Entretien.
Zélia, Cécile et Sam Avezou, une équipe et une famille unie pour viser les JO de Paris d'escalade.
Chez les Avezou, la conquête d’un ticket pour les JO de Paris est une aventure familiale. Zélia et Sam font actuellement partie de l’équipe de France d’escaladevisant la qualification olympique. Cécile, leur mère, fait désormais partie de l'encadrement tricolore après une carrière bien remplie à haut niveau.
Le trio était à l’œuvre en octobre dernier sur le Tournoi européen de qualification olympique (TQO) de Laval. Sous un œil maternel attentif, Sam, 22 ans, et Zélia, 19 ans, se sont respectivement classés 3e et 5e. Ils ont certes échoué pour le moment à obtenir leur sésame pour Paris, réservé au vainqueur du tournoi continental, mais la fratrie est désormais reboostée en vue de leur dernière chance d’être au rendez-vous : la série de qualification olympique à Shangaï et Budapest en mai et juin 2024.
Pour y parvenir, ils devront alors se classer parmi les 10 meilleurs grimpeurs ou meilleures grimpeuses encore non qualifiés pour les JO. Un challenge qui ne leur fait pas peur et qu’ils ont déjà commencé à préparer dans leur cocon de l’ES Massy, aux portes de Paris, où ils sont licenciés depuis leur plus tendre enfance, aux côtés de leur mère.
Les enfants prennent la relève
Car aux racines de la passion Avezou pour la grimpe, il y a Cécile. Elle a découvert la discipline lors d’une initiation avec son collège dans les années 1980 avant de s’y mettre un peu plus sérieusement à l'université. À une époque où le niveau est moins dense qu’actuellement, elle obtient rapidement des résultats.
De manière étonnante, elle est performante dans toutes les disciplines de l’escalade : vitesse, difficulté, bloc… Le point d’orgue de sa carrière reste son titre de vice-championne du monde de combiné, obtenu en 2012 à domicile à Bercy, alors qu’elle a déjà 40 ans.
À l’époque, elle n’imagine pas ses enfants prendre la relève. Pourtant, ils ont vite attrapé le virus familial. Zélia, Sam et même Léo, l’aîné, se sont tous passionnés pour l’escalade.
"Je faisais aussi de la gym mais j'ai quand même arrêté pour l'escalade", raconte Zélia. "Quand tu es jeune et que tu es plus forte dans un sport, tu te tournes plus vers celui-là que vers l'autre."
"C'était aussi plus simple", sourit Sam. "Si tes trois enfants font de l'escalade, tu les amènes d'un coup au même endroit et hop ! Ils grimpent tous !".
"Au début, ce ne sont que des petites compétitions locales. Et si tu te débrouilles bien, tu te retrouves assez vite en championnat de France, parce qu’il n’y a pas énormément de monde à partir de 14-15 ans. Et tu peux te retrouver en équipe de France assez rapidement. À ce stade c’est assez facile d’avoir envie de faire mieux", continue le grimpeur de 22 ans.
Polyvalent comme maman
Et Sam, tout comme Zélia, a hérité de la polyvalence de sa mère. En 2018, il décroche une historique médaille de bronze en combiné aux Jeux olympiques de la jeunesse à Buenos Aires. Il s’est également adjugé une médaille d’argent au championnat d’Europe de blocs seniors à Munich en 2022 et a fait un podium en Coupe du monde de difficulté à Chamonix à l’été 2023. Désormais, il chasse une qualification olympique, même si la concurrence est rude au sein de l’équipe de France avec Medji Schlack, Paul Jenft et Mickael Maiwen.
"À la fin, il y en aura un ou deux qui y seront. Mais on se connaît, on sera content pour les autres si on n’y va pas et ils seront contents pour nous si c’est nous", veut croire Sam Avezou.
Zélia aussi a de la gagne au bout des doigts. Chez les juniors, elle remporte la médaille d’or aux championnats du monde junior à Dallas, en mars 2022. Pour sa première saison chez les seniors en 2023, elle commence dans l’ombre avant de finir en boulet de canon : une 4e place aux championnats du monde de bloc 2023 à Berne avant la 5e place du TQO de Laval. De quoi faire changer ses plans, elle qui ne visait pas forcément la qualification olympique dès cette année en raison de son jeune âge.
"D’un coup à Berne, je me suis rendue compte que les JO, c'était quelque chose que je pouvais essayer d'aller chercher…", raconte la grimpeuse de 19 ans.
Un tournoi olympique qu’elle va vivre sous haute pression. En tant que 5e Française au classement mondial, elle vit l’évènement sur un siège éjectable car l’équipe de France ne peut compter que quatre personnes pour les futures rencontres.
Le dénouement est finalement heureux. La Française Oriane Bertone s’avère - de loin - la plus forte, et obtient un billet direct pour les Jeux, offrant ainsi une place en qualif pour Zélia Avezou. Au moment des résultats, elle tombe dans les bras de son amie "Ori" avec une joie sincère pour elle. Et un coup de "boost" pour la suite.
"Je sais ce que j’ai à faire…", commence-t-elle. "La difficulté", coupe directement son frère dans un sourire moqueur.
"Je sais que je peux gagner beaucoup en difficulté parce que c'est une discipline où on a besoin de beaucoup d'expérience pour progresser, autant à l'entraînement qu'en compétition. Et j'en manque un peu", reprend-elle. "La difficulté, on a vu que c’était décisif en combiné", complète son frère.
"Si tu réussis tous les blocs, c'est que tu ne t'entraînes pas assez"
Pour se donner les moyens de leurs ambitions olympiques, le frère et la sœur ont déjà repris l’entraînement : des heures d’escalade chaque jour pour maîtriser le maximum de blocs, de voies, de mouvements différents. En plus de la salle de l’ES Massy, ils arpentent ensemble le réseau toujours grandissant de salles en Île-de-France.
"Les meilleurs sont ceux qui vont être capables de grimper sur une variété maximum de mouvements", explique Sam. "On va dans toutes les salles qui ouvrent à un niveau assez dur pour nous."
"À l'échauffement on fait quasiment tout ‘à vue’ [du premier coup, NLDR] pour y aller tranquille. Mais après, on va essayer d'aller sur des blocs qui sont un peu trop durs pour nous. On va passer 1 h, voire 2 h sur un bloc, parfois sans jamais y arriver", poursuit sa sœur.
"Si tu réussis tous les blocs, c'est que tu ne t'entraînes pas assez", conclut-elle.
Le grand frère Léo les aide aussi
La famille peut également compter sur un autre atout : le frère aîné Léo. S'il ne poursuit pas le rêve olympique lui-même, il est tout aussi accro à l’escalade que les autres. Membre de l’équipe de France de bloc, il est surtout ouvreur professionnel, c’est-à-dire qu’il conçoit les murs d’escalade pour les grimpeurs. Un métier qu’il met au service du cadet et de la benjamine. Avant les compétitions, il lui arrive de leur proposer un circuit de quatre blocs inédits pour se mettre dans les conditions du jour-J.
"C’est aussi un bon partenaire de grimpe pour eux. Ils n’ont pas du tout les mêmes qualités. Donc quand ils s'entraînent ensemble, ça les pousse à travailler autre chose", note leur mère.
En effet, Zélia et Sam sont des petits gabarits, plutôt légers. Ce qui leur donne un avantage pour les blocs techniques.
"Dans les qualités physiques et l’explosivité, ils sont assez similaires. Mais dans le tempérament et la personnalité, c’est autre chose, il faut apprendre à composer avec", explique leur mère, en les regardant d’un œil attendri s’échauffer sur les murs du club. "Je suis leur maman et je suis aussi leur entraîneuse. Pour Zélia, c'est moi qui coordonne avec elle son projet. Sam, lui, a pris plus d’autonomie."
"D’ailleurs pour moi, le rôle de parent et d’entraîneur est assez similaire. Il s’agit de leur apprendre l’autonomie pour qu’ils puissent se débrouiller tout seuls ensuite, qu’ils n’aient pas besoin d’aide extérieure pour être performants. Le fil conducteur, c'est leur laisser vivre leur passion et j'ai l'impression que ça fonctionne assez bien."
L’équipe Avezou est rôdée et se projette sereinement vers mai et juin où tout se jouera pour le rêve de Jeux olympiques à la maison. Cependant, pas question de se mettre la pression outre mesure.
"On va croire que c'est une obsession. On ne parle que de ça tout le temps. C’est vrai que les JO, c'est un objectif dans une vie. Mais après cette olympiade il y a d'autres compétitions tout aussi importantes", relativise-t-elle. "Gagner un championnat du monde, c'est aussi important que les JO", ajoute son frère.