VIDEO. Qu'est-ce que la "cancel culture", qui fait souvent polémique sur les réseaux sociaux ?
Roman Polanski, J. K. Rowling, Autant en emporte le vent, le tunnel Léopold II à Bruxelles : voici quelques exemples de personnes, d'œuvres ou de monuments visés par la "cancel culture" (culture de l'annulation). Où est né ce mouvement ? En quoi consiste-t-il ? Pourquoi est-il aussi critiqué ?
Un mouvement qui vient des États-Unis
La cancel culture s'appuie sur le mouvement américain "woke" ou encore le "wokisme". Être "woke", du verbe to wake, "se réveiller", c'est être "éveillé" et conscient des injustices qui pèsent sur les minorités. Une attitude qui se répand en 2013 avec le mouvement "Black Lives Matter" pour dénoncer les actes de ségrégation raciale et de discrimination à l’égard des Noirs américains. La pensée "woke" s'est ensuite popularisée sur les réseaux sociaux. Être woke, c'est avoir conscience du racisme, de la grossophobie, du sexisme, etc. On retrouve logiquement derrière cette pensée les militants antiracistes, féministes, anticolonialistes, ou encore LGBT+.
De la "woke culture" naît la "cancel culture", la culture de l'annulation, qu'on appelle aussi la "call-out culture", la culture de la dénonciation ; pour pointer du doigt, en particulier sur les réseaux sociaux, une personne qui aurait eu des propos ou comportements inappropriés. C'est la volonté de faire taire, voire d'effacer une œuvre ou une parole jugées non conformes à la défense d'une cause.
Une personne peut être "cancel" pour son comportement, comme c'est le cas pour Roman Polanski, condamné et accusé d'agressions sexuelles, et cible d'appels au boycott lors de la sortie de son dernier film,J'accuse, sur fond de dénonciation des violences sexuelles dans le cinéma. La "cancel culture" est aussi associée à la vague MeToo à l’automne 2017. Le mouvement invitait les victimes d’agressions sexuelles, de viols ou de pédophilie à s’exprimer publiquement et à dénoncer leurs agresseurs.
On peut aussi "cancel" quelqu'un pour un tweet, une déclaration jugée sexiste ou encore raciste. Par exemple, J. K. Rowling, autrice de la saga Harry Potter, sous-entend dans un tweet que les femmes transgenres ne sont pas des femmes. Un tweet jugé transphobe sur les réseaux sociaux où les appels à boycotter ses livres se multiplient.
Enfin la "cancel culture" peut aussi s’attaquer à des œuvres cinématographiques, littéraires ou artistiques en elles-mêmes. Par exemple, en juin 2020, le film Autant en emporte le vent est retiré provisoirement du catalogue de la plateforme en ligne HBO Max, car des historiens avait qualifié le film de "révisionniste" et "porteur de préjugés racistes".
Un mouvement aussi critiqué
La "cancel culture" est souvent critiquée pour son manque de nuance ou le harcèlement qu'elle provoque sur les réseaux sociaux. En juillet 2020, 150 écrivains et intellectuels, de J. K. Rowling à Margaret Atwood, publient une tribune dans "Harper’s Magazine" pour dénoncer "l’intolérance à l’égard des opinions divergentes, un goût pour l’humiliation publique et l’ostracisme". L'universitaire et féministe américaine Loretta Ross dénonçait en juillet 2020 le manque de nuance d'une pratique qui est parfois utilisée pour "faire honte et humilier publiquement des gens".
Le terme de "cancel culture" est aussi parfois utilisé de façon péjorative par ses opposants afin de décrédibiliser le mouvement en l'associant à de la censure. Début mai, des articles et des personnalités disent que la "cancel culture" veut supprimer la scène du baiser dans le dessin animé Blanche-Neige et les Sept Nains parce que l'héroïne endormie ne donne pas son consentement au prince charmant. Il s'agit en réalité d'une critique publiée par deux journalistes de SF Gate, la version en ligne du quotidien San Francisco Chronicle, qui donnent leur avis sur la nouvelle attraction du parc Disneyland au moment de sa réouverture. Quelques lignes qui enflament les réseaux sociaux, mais qui n'ont rien à voir avec le mouvement.