VIDEO. Nos smartphones nous espionnent-ils ? Pendant deux mois, chaque jour, il a retranscrit 1 300 enregistrements de Siri, l’assistant vocal d'Apple
Dans une enquête sur la façon dont nos smartphones nous espionnent, "Envoyé spécial" revient sur le scandale provoqué par les révélations au sujet de Siri, l'assistant vocal d'Apple. Le lanceur d'alerte, une jeune Français, témoigne dans cet extrait : depuis l'Irlande, il était payé pour écouter les usagers à leur insu et de retranscrire les enregistrements.
Sur nos iPhone, c'est un outil révolutionnaire, une intelligence artificielle tout à notre service... Il suffit de l'interpeller à haute voix pour obtenir une réponse aux questions les plus diverses. Mais depuis juillet 2019, le nom de Siri, l'assistant vocal d'Apple, est entaché de scandale. Selon les révélations du quotidien britannique The Guardian, des utilisateurs du monde entier auraient été écoutés à leur insu.
Une journaliste d'"Envoyé spécial" a rendez-vous avec l'un de ceux qui étaient payés pour retranscrire ces enregistrements. Thomas Le Bonniec, 26 ans, a travaillé pendant deux mois pour un sous-traitant d'Apple. "On écoutait des enregistrements réels de personnes qui s'adressaient à Siri, confirme-t-il. Parfois des gens qui parlaient autour de Siri, aussi." Combien d'enregistrements a-t-il écouté ? "1 300 par jour, pendant huit ou dix semaines."
Plongée dans l'intimité de gens qui se croient seuls
Selon lui, "une dizaine ou une vingtaine de Français" travaillaient pour ce sous-traitant basé à Cork, en Irlande, sur la version française de Siri – mais toutes les langues étaient concernées. La mission de Thomas Le Bonniec consistait à écouter les enregistrements pour vérifier la bonne compréhension de Siri. Dans le cas contraire, il devait corriger, pour améliorer le vocabulaire et l'orthographe de l'application.
Toute la journée, Thomas retranscrit donc des enregistrements : questions, SMS ou notes dictées par les utilisateurs. A écouter des bribes de la vie privée de milliers de personnes, il se retrouve plongé dans l'intimité de gens qui se croient seuls avec leur téléphone… Très vite, ce travail lui est insupportable. "Tout ce que vous pouvez imaginer d'intime, les gens le disent à côté de leur appareil, et parfois même à leur appareil. Et vraiment, c'était pas ma place d'entendre ça !" Il démissionne donc, et quitte l'Irlande – avant d'avertir la presse. Après ces révélations, Apple a présenté ses excuses, et suspendu temporairement ce programme d'amélioration de Siri.
L'usage qui pourrait être fait de nos données de santé l'inquiète particulièrement
Ce qui inquiète le lanceur d'alerte aujourd'hui, c'est l'utilisation qui pourrait être faite de données ultrasensibles, si elles étaient conservées par l'application. "Lorsque vous êtes un usager Apple, et que vous savez qu'Apple est en train d'essayer, par exemple, de se positionner sur le marché de la santé, si vous dites que vous avez un cancer, qu'un de vos proches a un cancer, que quelqu'un a une sclérose en plaques dans votre famille, ce sont des informations qui peuvent les intéresser à tout moment. Et si ça n'est pas le cas aujourd'hui, ça le sera demain, parce que dans le marché de la santé aux Etats-Unis, c'est exactement ce genre d'informations que les assureurs de santé vont rechercher pour faire augmenter les prix, pour faire payer les gens plus cher la même assurance de santé."
Extrait de "Un espion dans la poche ?", une enquête à voir dans "Envoyé spécial" le 29 avril 2021.
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