Toulouse : trois questions sur les fugues de patients de deux hôpitaux psychiatriques
En dix jours, quatre patients hospitalisés dans des unités psychiatriques à Toulouse, s'en sont échappés. Les trois premiers ont été retrouvés, mais le quatrième est toujours recherché par la police.
C'est la quatrième fugue en dix jours. Entre le 19 et le 28 janvier, trois patients se sont échappés du centre hospitalier Gérard-Marchant et un autre patient s'est enfui du centre hospitalier universitaire de Toulouse (Haute-Garonne). Si les premiers ont été rapidement retrouvés et hospitalisés à nouveau, les forces de l'ordre recherchent toujours activement le quatrième patient, samedi 29 janvier. L'Agence régionale de santé Occitanie (ARS) a annoncé avoir demandé à la direction de l'hôpital Marchant l'ouverture d'une enquête administrative et a diligenté une mission d'inspection au sein des deux établissements.
1Que sait-on des quatre patients qui ont fugué ?
La série de fugues a débuté le 19 janvier au centre hospitalier Gérard-Marchant, spécialisé en psychiatrie. Ce mercredi-là, en milieu d'après-midi, Jérémy Rimbaud, 34 ans, s'échappe du service, où il se trouve pour un court séjour. Cet ancien militaire, déclaré irresponsable pénalement après le meurtre d'un homme de 90 ans et des actes de cannibalisme, en 2013, vit habituellement dans l'unité fermée pour malades difficiles d'un hôpital psychiatrique à Cadillac. Dans sa fuite, il croise une retraitée de 72 ans qu'il frappe violemment avec un manche à balai. C'est grâce à l'intervention de voisins que les forces de l'ordre ont pu arrêter Jérémy Rimbaud, qui n'a opposé aucune résistance. Une enquête a été ouverte pour "tentative de meurtre" par le parquet de Toulouse, le 21 janvier.
Cinq jours plus tard, un autre homme, âgé de 48 ans et déclaré pénalement irresponsable après le meurtre de deux personnes en 2010, réussit à s'échapper du même établissement durant quelques heures, dans la matinée du 24 janvier. Il est interpellé dans l'après-midi par des policiers de la brigade anti-criminalité (BAC), à 2,5 kilomètres de l'hôpital.
Le 27 janvier, un patient parvient à s'enfuir pendant quelques heures d'une unité fermée du service psychiatrique de l'hôpital Purpan, qui fait partie du CHU de Toulouse (Haute-Garonne), rapporte France Bleu Occitanie. L'homme, âgé de 33 ans avait lui aussi été déclaré pénalement irresponsable dans un enquête sur une tentative d'assassinat, le 10 novembre 2017 à Blagnac. Il avait lancé une voiture sur des étudiants faisant trois blessés graves. Le trentenaire a réussi à déjouer la vigilance du personnel hospitalier, en déclenchant "le système anti-incendie pour s'enfuir" selon le parquet, avant d'être retrouvé par la brigade anti-criminalité vers 16 heures, tandis qu'il essayait de retirer de l'argent dans le centre-ville de Toulouse.
Le lendemain après-midi, le 28 janvier, c'est à nouveau à l'hôpital psychiatrique Gérard-Marchant, qu'un patient de 44 ans s'évade de son unité. Il avait été mis en examen pour viol sur sa compagne en janvier 2011. La justice l'avait déclaré pénalement irresponsable et avait demandé son placement en hôpital psychiatrique. Signalé pour disparition inquiétante, l'homme est toujours recherché par les forces de l'ordre.
2Comment ces fugues ont-elles pu se produire ?
Selon un ancien infirmier de l'hôpital Marchant, interrogé par France Bleu Occitanie, l'établissement, concerné par trois de ces fugues, est situé dans un grand parc entouré d'une clôture. Si un patient réussit à sortir d'un pavillon fermé et que l'alerte n'est pas donnée, il peut donc facilement se retrouver dans la rue.
Ces fugues ne sont "pas exceptionnelles" et même "assez communes", a expliqué Isabelle Molière, déléguée syndicale CGT à l'hôpital Gérard-Marchant, auprès de BFMTV. Elle a aussi précisé qu'"un patient n'est pas un danger en soi" et que le plus souvent le passage à l'acte reste rare, car les patients sont "stabilisés".
Un cadre légal très précis encadre les hospitalisations de ces patients, notamment ceux recevant des soins psychiatriques à la demande d'un représentant de l'Etat comme c'est le cas pour les quatre patients fugueurs. Pour autant, "un hôpital psychiatrique n'est pas une prison", a martelé Isabelle Molière. Ainsi, les patients considérés comme "dangereux" peuvent être admis dans l'une des dix unités pour malades difficiles (UMD) existantes en France. Une fois stabilisés, ils peuvent ensuite être suivis dans des unités psychiatriques au sein d'hôpitaux où ils bénéficient d'un parcours de soin classique. C'était le cas des quatre patients fugueurs.
La CGT du CHU de Toulouse affirme en outre que le personnel de l'hôpital psychiatrique Gérard-Marchant a respecté le "protocole fugue" à la lettre et qu'il ne fera l'objet d'aucun blâme, rapporte France Bleu Occitanie.
3Comment les autorités sanitaires ont-elles réagi ?
Une enquête administrative a aussi été ouverte, dès la première fugue de l'hôpital Gérard Marchant. L'ARS Occitanie a, par ailleurs, demandé à ce qu'un rapport sur les circonstances de cet événement lui soit remis. À l'annonce de la deuxième évasion au sein de cet établissement, l'ARS a diligenté une mission d’inspection sur place afin de s’assurer de la conformité de la prise en charge de ces patients. Cette mission a été élargie au périmètre du centre hospitalier universitaire de Toulouse.
A l'annonce de la deuxième fugue le 24 janvier, l'Agence régionale de santé Occitanie a en outre demandé à la direction de l'établissement ainsi qu'au CHU de Toulouse d'instaurer des mesures de sécurité supplémentaires afin de parer à toute nouvelle sortie non autorisée de patient.
Depuis le 28 janvier, selon le communiqué de l'ARS, les deux directions hospitalières sont sommées de renforcer la surveillance des patients de même que le nombre de gardes et d'astreintes effectuées par les cadres de santé et de la direction. Il leur est également demandé de renforcer la sécurisation des entrées et des sorties et, pour le CHS Marchant, de prendre des dispositions pour la fermeture des unités concernées. D'autre part, l'ARS a demandé à ce que les établissements instaurent une revue des évaluations des risques.