TEMOIGNAGE. "Mon ex-compagnon a tué nos filles pour se venger de moi"
Lorsque Beatriz a quitté Tomás, il l'a agressée et menacée. Et puis il a fini par tuer leurs filles. Des meurtres qui mettent monstrueusement en lumière la violence "vicariante" (violence conjugale par procuration), qui a déjà fait des dizaines de petites victimes.
"Tomás Gimeno a voulu infliger à son ancienne compagne une souffrance intolérable et insurmontable", dénonce la magistrate en charge de l'affaire qui bouleverse l'Espagne. Le 27 avril, Beatriz Zimmermann, qui vit dans le petit village de Radazul aux Canaries, sur l'île deTenerife, est sereine quand elle confie Olivia, 6 ans, et sa sœur Anna, 1 an, à leur père Tomás. Cet homme de 37 ans est le fils d'une riche famille, propriétaire de nombreuses terres agricoles, lui-même patron de plusieurs sociétés de décoration florale.
Toutefois, il a mauvaise réputation sur l'île. Il a déjà été accusé d'escroquerie et de vol, et il a également été impliqué dans de nombreuses bagarres dans des bars et des discothèques. Un compagnon impulsif, égocentrique et misogyne, que Beatriz, qui le connaissait depuis l'adolescence, a fini par quitter un an plus tôt, ne supportant plus ses nombreuses infidélités. Mais quand il apprend que la mère de ses enfants a refait sa vie avec Eric D., un Belge de 60 ans, Tomás perd la tête...
Par téléphone, il annonce froidement à son ex-compagne qu'elle ne reverra jamais ses enfants
En août 2020, ivre de rage, il se jette sur son rival avant d'agresser Beatriz et de la traîner par terre. Eric et Beatriz, ne voulant pas envenimer la situation, renoncent à porter plainte. Plusieurs mois après, en décembre, Tomás profère des menaces à l'encontre de son ex-compagne. Mais du temps a passé et, en ce mois d'avril printanier, Beatriz estime que son ex-compagnon a peut-être enfin tourné la page. C'est donc sans inquiétude que le 27 avril, à 17 heures, elle lui confie Anna et Olivia, qu'il va chercher à la sortie de l'école. Il dépose ensuite son aînée à son cours d'allemand puis, plus tard, à son cours de tennis.
Après être passé chez ses parents, Tomás Gimeno ramène ses filles vers 19 h 45 à son domicile d'Igueste de Candelaria où ils doivent dîner avant l'arrivée de Beatriz à 21 heures. Mais c'est un tout autre plan qu'il va suivre. A l'heure prévue, inquiète de ne trouver personne au domicile de son ancien compagnon, Beatriz appelle son ex qui lui annonce froidement qu'elle ne reverra jamais ses enfants, ni lui. Paniquée, la maman appelle, plus tard dans la soirée, les autorités locales qui mettent en place un important dispositif de recherche.
Il aurait assassiné les deux fillettes après les avoir droguées
L'enquête va révéler que, vers 21 heures, à l'heure où il aurait dû rendre les fillettes à son ex-compagne, Tomás Gimeno se trouvait sur la jetée de la marina de Santa Cruz où il possède un bateau. Comme le révèlent les caméras de sécurité, il est seul et transporte des petits sacs. Selon les enquêteurs, il aurait alors déjà assassiné ses deux enfants, à son domicile. Après les avoir droguées, il aurait enveloppé les petits corps dans des sacs-poubelle, puis les aurait placés dans des sacs de sport jetés dans le coffre de sa voiture.
Sans manifester aucune émotion sur les vidéos, le "monstre de Tenerife", comme l'a surnommé la presse espagnole, fait deux allers-retours pour déposer les sacs dans son bateau amarré. Il embarque ensuite à bord et fait deux voyages avec son embarcation de 6 m de long. A 23 h 15, il est interpellé par une patrouille de la Guardia Civil, en bateau, qui menace de le sanctionner pour non-respect du couvre-feu alors imposé par l'épidémie de Covid, en vigueur depuis 22 heures. Il retourne alors à terre sans protester. Mais à minuit passé, il reprend la mer. Tomás Gimeno ne reviendra jamais.
La violence "vicariante" : qu'est-ce-que c'est ?
Le lendemain, son bateau est localisé près de Puertito de Güímar, au sud de Tenerife. Sans personne à bord. Le corps d'Olivia est retrouvé le 6 juin, au fond de l'océan, dans un sac de sport lesté. A ce jour, le corps de la petite Anna est toujours recherché, et Tomás Gimeno toujours introuvable. S'est-il suicidé ? C'est l'une des hypothèses des enquêteurs qui ont retrouvé une lettre d'adieu et estiment que l'homme aurait pu se jeter à l'eau avec une ceinture lestée achetée plusieurs années auparavant.
La mère des petites filles assassinées a, quant à elle, écrit une lettre poignante publiée par la presse espagnole. "Il a commis l'acte le plus monstrueux qu'une personne puisse commettre : tuer ses propres enfants innocents." Beatriz Zimmermann espère que la mort d'Olivia, et probablement celle d'Anna, n'aura pas été vaine. "On sait désormais ce que veut dire la violence [conjugale] par procuration. Anna et Olivia sont maintenant deux anges qui ont donné une grande leçon au prix de leur vie... En tant que mère, je me battrai jusqu'au bout contre les injustices. Pour mes filles et pour tous les enfants", conclut la maman dévastée, dont le drame a ému toute une nation.
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