TEMOIGNAGE. "Mes parents m'ont fait subir des thérapies de conversion afin de 'guérir' mon homosexualité"
Benoît est un miraculé. Ado, il a subi des retraites de redressement humiliantes et destructrices, imposées par ses parents. Quinze ans et trois dépressions plus tard, il s'est reconstruit, ses parents lui ont demandé pardon et il milite pour l'interdiction de ces pratiques inhumaines.
On peine à croire que certaines personnes pensent devoir "guérir" les attirances spontanées d'autrui, mais cela existe ! Pour Benoît Berthe Siward, le contexte était religieux : "Mes parents, catholiques pratiquants, sans être intégristes, voyaient l'homosexualité comme une déviance, corrigeable avec l'aide de Dieu. Mais des pseudo-thérapeutes se rendent aussi complices de cette violence, jusqu'à faire subir des électrochocs dans les hôpitaux."
De 15 à 18 ans, Benoît subit donc d'obscures sessions de "redressement". Des retraites durant lesquelles il doit dévoiler à des prêtres ses pensées, ses désirs, ses rêves. "Le pire était de subir leurs questions humiliantes, dénonce Benoît, comme savoir si je me masturbais, et en pensant à quoi ? Je préfère ne pas savoir l'usage que certains religieux troublés faisaient de mes confidences..." Benoît doit demander pardon, expier, expurger "le vice". Interdiction de communiquer entre pensionnaires, bien entendu. Il coopère contraint et forcé : "Mineur, comment aurais-je pu me soustraire au choix parental ? Et même à leurs convictions d'agir dans mon intérêt ?"
"Mes parents étaient persuadés que la damnation, mais aussi la mort, guettent l'homosexuel"
Car le problème est le paradoxe : les parents de Benoît veulent son bien. Ils lui ont donné une enfance heureuse, de l'amour, et ils cherchent à le protéger. "Ils étaient persuadés que la damnation, mais aussi la mort, guettent l'homosexuel, avec le sida, la drogue, une vie débridée, malheureuse", explique Benoît. Au début, il les croit. C'est la sensation d'étouffer sous le poids du secret qui lui fait leur révéler à 15 ans ses attirances affectives. Il les a perçues dès l'aube de son adolescence.
Le premier réflexe de ses parents est de lui demander s'il a été abusé par un prêtre, s'il est déjà passé à l'acte avec un camarade, qui l'aurait peut-être entraîné, comme s'il fallait chercher une force ou une explication extérieure. Mais non. Sa seule souffrance est celle de peiner ses parents, qui ont le réflexe de chercher secours auprès de Dieu et de ses représentants. Dans leur esprit, ils vont l'aider. Hélas... La violence psychologique des stages communautaires qui suivent ne génère évidemment rien d'autre que de l'angoisse. "J'avais un sentiment de rejet et d'intense solitude", se souvient Benoît. Certains en sortent détruits, voire suicidaires. Sa chance, c'est de quitter son Loiret d'origine, à 18 ans, pour une école d'art à Paris. Mis en pension dans un couvent, Benoît discute le soir sur Internet : "Un espace de dialogue LGBT m'a fait découvrir qu'il y avait autant de façons de vivre son homosexualité que d'individus ! L'enfer n'était pas certain" .
"Ma mère a courageusement témoigné contre les thérapies de conversion dans un documentaire"
Il y rencontrera son premier amour, qui va durer sept ans. "Je vivais enfin en adéquation avec moi-même, mais le traumatisme était là. J'ai traversé trois dépressions." Benoît reste déchiré entre l'amour pour ses parents, qu'il tente d'éclairer, et sa bataille pour se reconstruire dans le bonheur. Entre sa foi et son identité. En 2013, à 24 ans, usé par un an de Manif pour tous et de discours inaudibles, il part un peu plus loin, à Londres. Sa carrière dans le cinéma d'animation décolle, il suit une thérapie, une vraie, et se libère.
Ce sont finalement les attentats du Bataclan qui vont faire "déclic" chez les parents de Benoît, choqués par le discours intolérant de certains croyants, et rattrapés par l'essentiel peut-être : leur fils est vivant, il les aime, il sait être heureux, alors quoi ? Ils s'appliquent, écoutent et, enfin, admettent. "Mes parents m'ont demandé pardon et ma mère a courageusement témoigné contre les "thérapies de conversion" dans un documentaire." La force de son histoire est là : Benoît a fait grandir ses parents ! Son nouveau défi est de faire grandir la France, en accompagnant, par son témoignage, les députés Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud qui portent le projet de loi condamnant ces pratiques barbares. "J'aime parler, c'est ce qui m'a sauvé !", explique le jeune homme de 32 ans qui a cocréé le collectif Rien à guérir (Contact :
[email protected]). Pour que le cauchemar qu'il a vécu soit épargné à d'autres.
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