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Arts et People

TEMOIGNAGE. "Malgré la mort de mon père tué par les talibans, je suis devenue footballeuse professionnelle"

Réfugiée au Danemark à 12 ans, Nadia Nadim a décroché la première Coupe de France du PSG tout en continuant ses études de médecine. Son histoire est un hymne à la volonté et au travail acharné. Plus qu'en ses rêves, Nadia croit en la volonté, celle qu'elle a déployée pour surmonter les épreuves personnelles et les obstacles de l'exil. "Je suis née dans une famille aisée d'Afghanistan, avec un père général qui occupait de hautes fonctions gouvernementales, jusqu'à ce que le pays bascule dans la guerre. J'avais 4 ans", raconte Nadia, qui a écrit un livre intitulé Mon histoire (éd. Marabout). La famille affronte alors les bombardements, la peur, puis l'arrivée des talibans. Ce sont eux qui vont exécuter son père en plein désert, d'une balle dans la tête. Nadia n'a alors que 6 ans. "Avec lui, c'est le pilier de ma mère comme le nôtre qui a disparu. Nous étions cinq filles. C'était un homme très autoritaire, très dur, mais également protecteur. Même si j'étais une fille, destinée à être mariée, il m'a appris à être dure au mal, à me défendre, à ne jamais lâcher et... à taper dans un ballon, raconte Nadia. A sa disparition, c'est notre mère qui est devenue notre pilier." Réfugiée au Danemark avec sa mère et ses sœurs, Nadia joue sans cesse au foot Cette Mère Courage, une intellectuelle qui n'a pas fait la carrière qu'elle aurait méritée, étouffée par les coutumes patriarcales, va organiser quelques années plus tard la fuite vers l'Europe afin de donner à ses filles une chance d'accéder à l'instruction et au travail. Passeurs, faux papiers... leur périple est digne d'un film d'action ! Car une erreur d'aiguillage de leur camion clandestin les conduit au Danemark au lieu de l'Angleterre. Qu'importe ! Rien ne déboussole cette maman pleine de convictions : les réfugiées politiques seront danoises, et les bonnes notes, le salut. Scolarisées alors qu'elles ne parlent pas un traître mot de danois, Nadia, 12 ans, et ses sœurs rendent vite leur maman fière, même si, dans le centre de réfugiés, où les familles se regroupent par traditions culturelles, elles dénotent. Leur objectif, ce n'est pas de rêver de mariage en souriant gentiment aux prétendants qui se présentent, mais c'est de ne pas se laisser marcher sur les pieds et d'aller à la pêche aux vieux ballons crevés pour faire un foot ! L'infatigable ne déchausse les crampons que pour plancher sur ses cours de médecine "On n'avait pas d'argent pour en acheter un neuf, mais le jeu abolit les frontières, de langues comme de sexe, explique Nadia, et on a vite montré aux garçons qu'on en avait sous le pied !" Nadia se démarque rapidement. Capable d'aller s'entraîner dans la neige avec de vieilles baskets trouvées dans une friperie, elle ne manque rien des bons gestes repérés dans les matchs internationaux diffusés à la télé. A force de rôder autour du club de foot Gug près de son centre d'asile, à Aalborg, on lui permet d'être testée. Elle grimpe les échelons des tournois régionaux, passe pro au niveau national à 18 ans... et cumule les petits boulots pour payer les déplacements. L'infatigable ne déchausse les crampons que pour plancher sur ses cours de... médecine. "Je n'ai jamais su choisir, même si le secrétariat de la fac tentait de m'y forcer en refusant d'arranger mon planning, détaille Nadia. J'ai vite trouvé des étudiants pour m'envoyer les cours." Nadia est aujourd'hui ambassadrice de l'Unesco pour l'émancipation des filles dans le monde C'est pourtant là-bas, en 2017, que la petite réfugiée de l'an 2000 est élue "Danoise de l'année". Toute sa famille, sa mère la première, exulte ! Mais le rêve de Nadia, c'est Paris. Un rêve devenu réalité début 2019 lorsque la jeune femme rejoint le PSG, où elle s'intègre très vite. Et, avec son obstination coutumière, elle apprend une nouvelle langue. "J'adore Paris, la tour Eiffel, les croissants, le quotidien dans les Yvelines, où se trouve le club, avec des journées d'entraînement, muscu, kiné, études et repos", énumère-t-elle. Aujourd'hui, elle est également devenue ambassadrice de l'Unesco pour l'émancipation des filles dans le monde. Car, elle en est sûre, le bonheur passe par la scolarisation, et la liberté par le foot. Ou l'inverse ! Et à ceux qui lui parlent couple et famille, Nadia, 33 ans, répond : "Un jour bien sûr, après ma carrière dans le foot, dans deux-trois ans. Je finirai aussi mon dernier semestre de médecine !" Peut-être est-ce pour bientôt : juste après le sacre, la championne vient de quitter le club parisien... Loading widget Inscrivez-vous à la Newsletter de Closermag.fr pour recevoir gratuitement les dernières actualités

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