TÉMOIGNAGE. “Je veux épouser mon demi-frère, qui est aussi le papa de nos deux enfants”
Ana avait 3 ans quand son père a abandonné sa mère pour fonder une famille avec une autre femme, qui deviendra très vite maman d’un petit Daniel. Quand elle a appris qu’elle avait un demi-frère, une fois adulte, elle est partie à sa recherche.
Et l’inimaginable est arrivé : ils sont tombés amoureux l’un de l’autre. “Nous avons essayé de vivre cette relation comme celle d’un frère et d’une sœur quand nous nous sommes rencontrés, explique Daniel. Mais nous nous sommes vite rendu compte d’une évidence : nous n’avions aucun sentiment fraternel.”
“Nous n’avons aucune maladie génétique, nos enfants sont en bonne santé”
Leur premier baiser a définitivement donné un nom à ce qu’ils ressentaient. C’était de l’amour et ce, malgré la honte. “On ne pouvait pas l’imaginer au début, on était en colère contre nous-mêmes car on brisait le tabou de l’inceste, ajoute Ana, très consciente que c’est difficile à accepter. Mais on a finalement décidé qu’il fallait laisser faire les choses et que l’amour était plus fort.” Leur liaison a d’abord été secrète et ils se voyaient en cachette. “Je ne sais pas si c’était la honte ou la volonté de ne pas choquer qui dictait notre conduite”, précise la jeune femme. Qui, un jour, est tombée enceinte. Il a alors fallu parler du caractère exceptionnel de leur couple à un médecin : “Le gynécologue nous a dit que, dans notre cas, le risque que notre bébé naisse avec une maladie héréditaire récessive était 4 % supérieur à celui d’un couple qui ne partage pas de gènes.” Ces maladies se caractérisent par le fait que les deux parents doivent être porteurs du gène défectueux pour que le bébé en soit atteint. Et ce n’est pas le cas d’Ana et Daniel.
Leur fille Daniella est donc née en parfaite santé. Un deuxième bébé, Hector, arrivera deux ans plus tard. Aujourd’hui, le couple se lance dans un autre combat. Ils veulent se marier, mais la loi le leur refuse, même civilement. L’inceste dit “consenti” n’est pas puni de prison en Espagne, mais, comme en France, le mariage est interdit à ceux qui le pratiquent. “Bien que nous vivions ensemble depuis de nombreuses années, que nous ayons deux enfants, on nous répond que nous n’avons pas le droit de nous marier”, enrage Ana. Déterminés à changer cette réalité, réglementée par l’article 47 du Code civil espagnol, ils ont donc décidé de raconter leur histoire hors du commun. L’interview a été relayée partout dans la presse ibérique, et un vent de haine s’est abattu sur les deux jeunes parents sur les réseaux sociaux. “On nous a dit que nous allions brûler en enfer, se souvient Daniel. Nous savions que nous allions provoquer des réactions hostiles. Nous nous y sommes préparés, et nous étions prêts.” Ana veut faire évoluer les mentalités sur son couple. “Nous nous aimons, et c’est ce qui devrait prévaloir, conclut-elle. Et nous ne faisons de mal à personne.”