TÉMOIGNAGE. “J'ai traversé l'Atlantique en solitaire avec un petit voilier acheté le prix d'un vélo”
C'était son rêve secret. Sur un modeste voilier rafistolé par ses soins, la jeune Brésilienne a réussi une traversée mythique.
Le 1er novembre, vers minuit, Tamara Klink avait les larmes aux yeux en arrivant au large de Recife à bord de la Sardinha, son voilier chéri. La jeune navigatrice en était convaincue, lui et elle étaient faits pour vivre cette traversée ensemble ! Son projet fou, elle l'a lancé en Norvège à l'été 2020, après avoir dégoté un petit voilier de 26 pieds (à peine 8 m). Il est en mauvais état avec des trous dans le cockpit, où se situe la barre, des problèmes de moteur.
"Mon projet était encore top secret et je n'avais pas d'argent. Mais le propriétaire a préféré le voir naviguer plutôt que rester au sec et il me l'a cédé pour le prix d'un vélo. Pendant un mois, avec mon ami, on l'a réparé. J'en connais tous les détails !" En tout, son projet lui coûtera près de 12 000 €. Aventurière, mais pas tête brûlée, Tamara décide alors de mettre son bateau à l'épreuve. Le 26 août 2020, elle quitte Ålesund, en Norvège, et rejoint Dunkerque, qu'elle atteint le 22 septembre. Mille miles (plus de 1 600 km) en mer du Nord très formateurs, qu'elle partage sur YouTube.
A bord de la Sardinha, elle quitte Lorient, fait escale au Cap-Vert, et navigue vers le Brésil
"Chaque jour était nouveau. J'ai beaucoup appris. Dès le premier jour, j'ai tapé un récif. Heureusement sans dégât : mon bateau était solide. Arrivée en France, je me sentais prête à affronter une traversée de l'Atlantique." A l'époque, la jeune fille est étudiante à l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Nantes, et suit un master spécialisé en architecture navale. Elle évoque son projet secret avec ses parents, aux oreilles desquels les mots "exploits" et "aventure" sonnent bien.
Eux-mêmes marins et explorateurs brésiliens, Marina et Amyr Klink ont bercé l'enfance de Tamara de leurs récits en Antarctique, où ils l'ont emmenée pour la première fois lorsqu'elle n'avait que 8 ans. Son père a été le premier à traverser, en solitaire, l'Atlantique Sud à la rame. Le 10 août 2021, c'est à Tamara de se lancer... A bord de la Sardinha, elle quitte Lorient, et après une dernière escale au Cap-Vert, elle démarre, le 16 octobre, sa descente de l'Atlantique en solitaire, en direction de son Brésil natal.
"Pendant la traversée, je me disais : « Regarde, apprends, fait face »"
Ces dix-sept jours au milieu de l'océan, elle les partage sur les réseaux sociaux via une connexion satellite, permettant à 107 000 fans de la suivre sur Instagram (@tamaraklink). "Je voulais prouver qu'on peut aller loin avec presque rien. Prouver aux femmes aussi qu'on peut être capable de gérer ses peurs en se faisant confiance." Communicante avisée, Tamara ne cache rien de ses péripéties, dont le pot au noir, cette zone météorologique instable située légèrement au-dessus de l'Equateur, où s'affrontent les alizés de l'hémisphère Nord, venus du nord-est, et ceux de l'hémisphère Sud, soufflant du sud-est.
Dans cette région dont les conditions instables ont éprouvé tant de navigateurs, Tamara perd son pilote automatique. "Les cinq derniers jours, je n'avais plus que mon régulateur d'allure, j'ai barré quasiment tout le temps. J'ai aussi dû monter au mât plusieurs fois. Mais je me disais : « Regarde, apprends, fait face. » Je ne savais pas ce que me réservaient les jours à venir. C'était très impressionnant et instructif", partage-telle avec enthousiasme. Après son arrivée triomphale sur les côtes brésiliennes, dans la nuit du 1er au 2 novembre dernier, la navigatrice a écrit un livre au titre explicite : Crescer & partir, soit Grandir et partir, disponible aux éditions Peiropolis (en portugais).