TEMOIGNAGE. "Atteinte de la maladie de Charcot, j'ai participé aux JO de Tokyo"
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Claire Supion A cause de ses maternités, puis de la maladie, la championne avait quitté les bassins. Depuis trois ans, elle a replongé avec succès dans la compétition.
C'est une première : 33 ans après avoir participé aux JO de Séoul, la nageuse Claire Supiot est revenue dans la même discipline, mais cette fois en catégorie paralympique, à Tokyo.
C'est l'histoire d'une renaissance, et le fruit de beaucoup d'amour qui déjoue un sale coup du destin ! Les parents de Claire Supiot l'ont mise à la natation très jeune, à 4 ans, avec son frère aîné, à cause d'un drame terrible : dans leur ville natale de Juigné-sur-Loire (Maine-et-Loire), en juillet 1969, dix-neuf enfants d'une colonie de vacances se sont noyés faute de savoir nager.
Mais ils ne s'attendaient pas à voir leur fille devenir une nageuse hors pair ! Dès ses 13 ans, Claire commence sa vie de sportive de haut niveau en entrant en formation "Sport études", loin de sa famille. A partir de 16 ans, elle enchaîne neuf titres de championne de France en 200 m papillon, jusqu'aux JO de Séoul en 1988. Elle arrête ensuite la compétition pour devenir maman en 1992, 1994 et 1996, puis maître nageuse et entraîneure, avant de se consacrer entièrement à ses enfants après son divorce. "Mon premier rôle !", précise-t-elle. La piscine, elle y emmène ses enfants, désormais, comme plein de mamans. Et c'est au bord d'un bassin qu'un jour de 2008, Claire chute bêtement.
Le cours d'aquagym avec une copine se transforme en natation, puis en entraînement
"Bêtement", c'est ce qu'elle préfère se dire à ce moment-là, car son père a la maladie de Charcot-Marie-Tooth, une maladie héréditaire qui touche les nerfs et les muscles, entraînant déséquilibre et anarchie motrice. "Quand j'étais toute jeune, on n'envisageait pas que les femmes puissent être atteintes", explique Claire, qui a longtemps préféré le déni. "Même diagnostiquée en 2009, contrainte à être appareillée avec des bottes orthopédiques, je cachais ma fatigue et mes douleurs, sans réaliser que je me renfermais. Je passais pour grognon", regrette-t-elle.
Elle endure, parce que l'ex-championne a aussi appris à serrer les dents. Finalement, c'est l'amitié qui va la remettre à l'eau. "Annick, une voisine et amie, insistait pour que je l'accompagne à son cours d'aquagym deux fois par semaine. J'ai suivi, sceptique, pour remonter un peu la pente", sourit-elle. Elle le fait surtout pour ses enfants, alors adolescents, dont elle perçoit bien toute la sollicitude. Son ambition est de redevenir une maman qui les laisse faire leur vie sans qu'ils culpabilisent à cause de son handicap. Et, un jour, être une vraie mamie ! Et peu à peu, le petit cours d'aquagym se transforme en nage, puis en entraînement. Tout revient : les bons gestes, le plaisir et le goût de la performance. "Je ressentais un mieux-être incroyable, se souvient Claire. Des douleurs musculaires saines qui se confondaient avec celles de la maladie."
Le petit coup de pouce affectif, c'est que son frère Marc, dont elle a été séparée très jeune, elle en sport études, lui dans l'armée de métier dès 18 ans, regagne leur région natale du Maine-et-Loire. Et devient... maître-nageur ! L'amour, avec la rencontre en 2011 de Frédéric, vétéran du foot qui lit L'Equipe au petit déjeuner, fait le reste. "Il m'a accompagnée chez le neurologue pour bien appréhender la maladie plutôt qu'en avoir peur ! Son premier cadeau était une clé pour visser les appareils sur mes jambes !", s'amuse la championne.
"Le sport libère, le corps comme l'esprit. Et plus encore en cas de handicap !"
C'est encore Frédéric qui lui souffle : "Et si tu tentais les Jeux paralympiques ?" Claire hausse les épaules, lui dit les sacrifices, l'hygiène de vie, l'entraînement avec réveil à 5 h 20 le matin. Il le sait très bien, il est d'accord pour tout. Et l'idée fait son chemin. En 2016, "avec Marc et l'entraîneur Maxime Baudry, on a formé un trio en vue de préparer les championnats d'Europe paralympiques de 2018", raconte Claire. Elle y décroche la médaille d'or sur le 50 m nage libre. Et, en 2019, elle est médaillée de bronze aux championnats du monde !
Celle qui est devenue référente handicap de son département, milite pour le mouvement : "Le sport libère, le corps comme l'esprit ! Même à petite dose et plus encore en cas de handicap !" Elle a aujourd'hui 53 ans, mais des bras qui se souviennent et suppléent les jambes et la jeunesse. Cet été, Claire, tout juste grand-mère, a participé aux JO paralympiques de Tokyo : "Loin des miens, alors que je dois ma réussite à l'amitié, à la force de la maternité, à la fraternité, et à l'amour !" Même si elle n'a décroché aucune médaille, elle est, comme tous les athlètes paralypique, sur la première marche du podium catégorie courage.
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