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Sports

Sur Internet, le "body shaming" a moins la cote

L'ancien footballeur Samir Nasri a fait l’objet de moqueries sur les réseaux sociaux en raison de son physique lors d'un match de gala à Marseille, mercredi. Et si de nombreuses autres personnalités sont victimes de "body shaming", ces moqueries rencontrent toutefois de plus en plus d’opposition parmi les internautes. Mercredi 13 octobre, c’était soir de fête au Stade Vélodrome de Marseille. Le match des légendes de l'OM a réuni du beau monde – Didier Drogba, Teddy Riner, Fabien Barthez, Jul et beaucoup d’autres – et a permis de recueillir 437 250 euros au profit de l’Unicef et de la Fondation Didier Drogba. Mais si, sur Twitter, le hashtag #SamirNasri est monté très haut, ce n’était pas pour les prouesses footballistiques de l’ex-international français.  Retraité depuis septembre, l’ancien milieu offensif, 34 ans, est apparu avec de l’embonpoint. Assez pour susciter une vague de "body shaming" sur les réseaux sociaux, c’est-à-dire des moqueries plus ou moins acerbes sur l’apparence physique de Samir Nasri.  Le natif de la cité phocéenne a ainsi rejoint la longue liste des célébrités et anonymes pris pour cibles sur le Web en raison de leur physique. Le phénomène, dénoncé depuis des années, n’est pourtant pas anodin. Cette forme de harcèlement peut avoir des conséquences dramatiques.   L’acteur Wentworth Miller (Michael Scofield dans la série "Prison Break") en a été victime à une époque. Début 2016, il avait publié une tribune pour raconter sa dépression, puis le harcèlement dont il avait fait l’objet, et enfin pour lancer un appel aux victimes de "body shaming" à solliciter de l’aide. L'entrepreneuse Kim Kardashian en avait fait de même. Mercredi 13 octobre, encore, l'acteur Jonah Hill a demandé sur Instagram à ce que l'on cesse de juger sa silhouette, en bien comme en mal : "Ça ne m’aide pas et que ça ne me fait pas du bien." "Cela aurait été un manque de morale et d’éthique. De la méchanceté gratuite"  Des moqueries à l’encontre de Samir Nasri, il y en a eu beaucoup. Mais les titres de presse sportive ont, dans leur grande majorité, fait preuve de mesure. Si RMC Sport a déjà été épinglé ces dernières années pour diverses controverses, dans le cas Nasri, la tentation de s’adonner au "body shaming" a été retoquée net. Romain Duchateau, community manager (CM) au sein du groupe, raconte à France 24 les choix éditoriaux de cette soirée-là, alors que le sujet Nasri était parmi les plus discutés sur les réseaux sociaux.  Envoyer sur Facebook, Twitter ou Instagram une publication moqueuse ? "On a refusé d’entrée. Ça s’est imposé de manière évidente", dit-il. "On savait très bien que ç’aurait été perçu comme une publication méchante. On ne voulait pas faire de bad buzz", explique le journaliste.  La perception des internautes de RMC a compté, mais pas seulement : "Cela aurait été un manque de morale et d’éthique. De la méchanceté gratuite. Et au-delà de mon travail de CM, je trouvais dégradant d’humilier quelqu’un publiquement."  Pourtant, comme l’ont montré les tendances Twitter de mercredi soir et de jeudi, une publication sur le physique de Samir Nasri aurait pu avoir un fort retentissement sur les réseaux sociaux. "On aurait fait du like, des retweets, de l’interaction", reconnaît Romain Duchateau. Mais il s’agissait, pour RMC Sport et la plupart des médias spécialisés dans le sport, d’une limite infranchissable. La course au buzz a encore quelques règles.  Buzz 1, morale 0  D’autres internautes et d’autres comptes importants, suivis par des milliers, voire des millions de personnes, ont eu moins de réticences. Avec des degrés de finesse différents, ils ont partagé des photos de Samir Nasri. Elles étaient accompagnées, pour la plupart, de messages parfois moqueurs, parfois insultants, parfois sarcastiques. Mais toujours, donc, en forme de portes ouvertes aux railleries. La morale est très condamnable, mais ces comptes ont fait le choix du buzz.  "Je ne suis pas surpris qu’ils l’aient fait. Ils recherchent le clic et la visibilité. Pour eux, c’était de l’or. Ils savaient que ça allait générer des vues et que les gens allaient réagir : Nasri était un joueur clivant, il a pris du poids, il portait le maillot de l’OM… Ces comptes avaient tout à gagner. Ils savaient que ça allait faire parler, en bien et en mal", observe Romain Duchateau. "Moi, je trouve ça honteux", commente-t-il, critique quant aux responsabilités qui devraient incomber à quiconque s’adresse à une large audience sur la Toile.  Les internautes, justement, ont apprécié de diverses façons le "body shaming". Peut-être étaient-ils plus indulgents car il s’agissait d’un footballeur français ? À moins que le travail de prévention sur le harcèlement en ligne ne porte ses fruits ? Toujours est-il que dans les réactions, il y avait certes des moqueries, mais aussi un nombre indéniable de commentaires courroucés contre les "body shamers" et empathiques envers Samir Nasri.  https://twitter.com/Giggs_/status/1448359032318828544 Parfois, la bienveillance ressurgit  Chez RMC Sport, Romain Duchateau l’a constaté a posteriori. Dans la soirée de mercredi, l’ancien footballeur Lorik Cana, ami et coéquipier de Samir Nasri à l’OM entre 2005 et 2008, a "fait une petite vanne gentille" sur son embonpoint. "Nasri l’a bien pris d’ailleurs. Vu que c’était bienveillant et pas du tout méchant, on a relayé la citation de Cana avec une photo de Nasri. Et notre propre message était très sobre."  Résultats dans les commentaires ? "Bien sûr, il y avait des vannes. Mais d’autres défendaient Nasri : ‘vous aimez trop critiquer’, ‘foutez-lui la paix’, ‘il a le droit de vivre sa vie’, ‘ça ne sert à rien de se moquer’… Pour le coup, il y avait beaucoup de bienveillance. Je suis agréablement surpris", remarque le community manager.  Le "body shaming" persiste, a toujours des adeptes et ne s’éteindra sans doute pas de sitôt. Mais il rencontre une résistance. Et si le bad buzz et les critiques ne suffisent pas, la justice peut s’en mêler : en France, le cyberharcèlement est un délit passible d’une peine d’un an de prison et d’une amende de 15 000 euros selon le Code pénal, et la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet a été promulguée en juin 2020. 

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