Sidaction : où en est la recherche pour un vaccin contre le VIH ?
En France, 173 000 personnes vivent avec le VIH, virus qui affecte les défenses immunitaires et empêche le corps de se défendre contre les maladies.
À ce jour, aucun vaccin n’a été trouvé contre le VIH. Dans le monde entier, et notamment en France où un essai novateur est en cours, les chercheurs poursuivent les travaux. À l'occasion de la 28e édition du Sidaction, qui débute vendredi, la directrice du pôle recherche de l'association de lutte contre le VIH+Sida, Serawit Bruck-Landais, fait le point sur l'état actuel de la recherche.
Passée au second plan depuis un an du fait de la pandémie de Covid-19, la lutte contre le VIH capte de nouveau toute la lumière, vendredi 26 mars, à l'occasion du Sidaction.
Alors que le virus à l'origine du sida (syndrome d'immuno-déficience acquise) a causé la mort de plus de 32 millions de personnes à travers le monde depuis les années 1980, les scientifiques poursuivent leurs recherches et multiplient les initiatives afin de mettre au point un vaccin permettant de venir à bout de ce fléau.
Ces recherches ont été ralenties par la crise sanitaire liée au coronavirus, même si plusieurs essais ont récemment été relancés, explique Serawit Bruck-Landais, directrice du pôle recherche et qualité en santé de Sidaction, contactée par France 24.
Plusieurs essais et "une stratégie plutôt innovante"
La question d'une stratégie vaccinale mobilise la recherche depuis le début de l'épidémie de VIH, rappelle Serawit Bruck-Landais, évoquant "beaucoup d'échecs, et des projets de vaccin ou stratégies de vaccination qui ont, depuis, évolué grâce à notre connaissance plus fine sur le virus et le système immunitaire". Ces évolutions permettent aujourd'hui de tester des stratégies complètes à même de contourner les problématiques d'un virus instable, qui mute et dont découlent de nombreux sous-types.
Alors, où en est-on aujourd'hui ? "Il y a un essai en phase 3, très avancé, pour lequel on attend des résultats en 2022", répond la directrice du pôle recherche de Sidaction. L'essai en question teste une stratégie "en mosaïque", permettant d'utiliser différents bouts du virus, correspondant à des sous-types différents, avec l'objectif de pouvoir prévenir la plupart des virus circulant dans le monde.
D'autres essais se situent actuellement plus en amont, en phase 1. C'est le cas de l'essai pour un vaccin préventif, lancé en France par l'Institut de recherche vaccinale (VRI), un laboratoire créé par l'Agence nationale française de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et l'université Paris-Est Créteil. Cet essai "teste une stratégie plutôt innovante pour optimiser les cellules dendritiques : des cellules immunitaires centrales qui orchestrent notre réponse immunitaire", explique Serawit Bruck-Landais. L'idée, poursuit-elle, est de "cibler ces cellules pour qu'elles puissent reconnaître les virus VIH, puis de leur présenter des antigènes afin de stimuler la production d'anticorps".
Un appel à volontaires a été lancé le 25 février dernier par le laboratoire français qui a prévu trois étapes de recrutement. Actuellement en phase 1, l'essai a pour but de "tester l'innocuité du vaccin", poursuit la directrice des programmes scientifiques de Sidaction. L'intérêt est donc, à ce stade, de savoir si le vaccin entraîne une réponse immunitaire et si les doses prévues induisent des effets secondaires. Les premiers volontaires recevront leur injection mi-avril.
Collaboration entre chercheurs sur le VIH et chercheurs sur le Sars-CoV2
Si la recherche se poursuit et se dote de moyens novateurs encourageants, elle a dû faire face à certaines difficultés liées à la crise sanitaire. "Les essais ont été interrompus ou ralentis", explique Serawit Bruck-Landais, notamment parce qu'il n'était plus possible de suivre leurs milliers participants en raison "des problèmes de déplacement et des gestes barrières". Les résultats attendus ont donc été décalés.
Toutefois, celle-ci note un pendant positif à la crise sanitaire : elle a encouragé des chercheurs sur le VIH et d'autres sur le Covid-19 à collaborer. Cette collaboration a notamment permis d'ouvrir des pistes d'étude sur la technologie de l'ARN messager. Utilisée pour deux vaccins contre le Covid-19 (Pfizer et Moderna), "celle-ci n'a, pour l'heure, jamais été testée pour le VIH, mais les chercheurs se penchent dessus depuis plusieurs mois pour l'appliquer au VIH", explique Serawit Bruck-Landais.
Les deux virus sont néanmoins très différents, rappelle-t-elle, justifiant ainsi que les stratégies testées pour le VIH n'aient pas encore abouti, alors que plusieurs vaccins contre le Covid-19 ont été trouvés en un temps record. "L'un est le coronavirus – le Sars-CoV-2 –, l'autre est un rétrovirus – le VIH", explique-t-elle. "Le VIH mute énormément. À chaque cycle viral, chaque fois qu'il se multiplie, il génère au moins une vingtaine de mutations, et en plus de ça, il y a au moins quatre sous-types qui circulent dans le monde et sont différents les uns des autres".
En toute logique, poursuit la directrice du pôle recherche de Sidaction, "la stratégie vaccinale est moins compliquée lorsqu'il s'agit de faire reconnaître un seul virus par le système immunitaire, que des milliers de variants et au moins quatre sous-types".
En attendant, ajoute-t-elle, l'état de la recherche sur le VIH a bénéficié à celle sur le Sars-CoV-2. "Des stratégies vaccinales testées pour le VIH et qui n'ont pas fonctionné sont utilisées pour le vaccin contre le Covid-19, notamment le vaccin à adénovirus [utilisé par AstraZeneca et Johnson&Johnson, NDLR]". Citant ces stratégies développées dans un premier temps dans le cadre de la recherche sur le VIH, Serawit Bruck-Landais, l'affirme : "Il y a des interactions et des leçons à apprendre d'un côté comme de l'autre".
En France, 173 000 personnes vivent avec le VIH, virus qui affecte les défenses immunitaires et empêche le corps de se défendre contre les maladies.
On estime par ailleurs à 24 000 le nombre de personnes qui portent le virus sans le savoir. La baisse des dépistages constatée lors de la pandémie de Covid-19 (environ 650 000 tests non réalisés en 2020, selon les estimations de Santé publique France), fait craindre un rebond épidémique d'ici 2022.