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Shoah : le 26 août 1942 en zone libre, la "France a remis des innocents à l'ennemi"

Gouvernement de Vichy © Extrait de la brochure "Vénissieux 26-29 Août 1942" réalisée par "Les Fils et Filles des Déportés Juifs de France, militants de la mémoire" Six semaines après la rafle du Vél d'Hiv, une autre vague d'arrestations est organisée en zone non-occupée. Le 26 août 1942, à l'initiative des autorités de Vichy, après des négociations avec les Allemands, environ 6 600 juifs sont arrêtés dans une quarantaine de départements. Quatre-vingts ans plus tard, cet épisode majeur de la Shoah en France reste occulté de la mémoire collective. "Il y a des cars qui arrivaient. (…) C’étaient surtout des gens en civil qui descendaient. Les gardiens de la paix restaient pour surveiller qu’il n’y ait pas des gens qui s’échappent. Des agents civils et des inspecteurs montaient, frappaient aux portes – ‘ouvrez, police’. Ils avaient des adresses, ils avaient des listes nominatives. Ils frappaient à la porte et emmenaient les gens dans l’état où ils étaient".   Résistant à Lyon, engagé dans le sauvetage des juifs, René Nodot a assisté le 26 août 1942 à la grande rafle organisée en zone non-occupée. Interrogé en 1992 par FR3, cet homme reconnu par la suite comme Juste parmi les Nations est resté marqué par cette vague d’arrestations. "Il y n’avait aucun Allemand à Lyon. Tout a été le fait de la police française et c’est ce qui est particulièrement effrayant", insistait-il à l’époque. "Se débarrasser des réfugiés de zone libre" Un mois et demi après la rafle du Vél d’Hivqui a entraîné l’arrestation de près de 13 000 juifs à Paris et dans sa banlieue, c’est au tour de la zone non-occupée d’être le théâtre d’une gigantesque opération policière. Cette rafle fait suite aux négociations menées par les autorités allemandes et françaises de la mi-juin à la mi-juillet 1942. "Le principal initiateur est René Bousquet [secrétaire général à la Police du gouvernement de Vichy, NDLR]. Il souhaitait se débarrasser des réfugiés de zone libre. La rafle du 26 août est l’aboutissement de cette volonté", explique l’historien Alexandre Doulut, spécialiste de la Shoah en France.   Cette rafle vise ainsi tous les juifs étrangers ou apatrides entrés en France depuis le 1er janvier 1936. "L’immense majorité des victimes seront donc des expulsés de 1940 de Belgique et des pays de Bade et du Palatinat en Allemagne, ainsi que des réfugiés qui ont fui la Belgique, la Hollande ou la zone occupée pendant l’exode", détaille Alexandre Doulut. Quelques exemptions concernent les anciens combattants et les femmes enceintes, mais au début du mois août, René Bousquet revient sur certaines d’entre elles, craignant un nombre d’arrestations insuffisant.   Pendant plusieurs jours, les préfectures des départements concernés reçoivent de nombreuses circulaires pour préparer cette rafle. Selon l’historien Laurent Joly, l’objectif est alors d’arrêter "14 000 juifs apatrides et leurs enfants, vivant encore librement, assignés à résidence ou affectés à des groupes de travailleurs étrangers". Comme six semaines auparavant à Paris, des policiers et des gendarmes se présentent au petit matin pour réaliser ce "coup de filet" dans toute la zone sud. "Ces personnes sont d’abord conduites dans des commissariats, puis elles sont envoyées dans des camps de rassemblement départementaux ou dans des camps provisoires. Le plus connu est celui de Vénissieux, près de Lyon", décrit Alexandre Doulut.   "Un changement de nature" Au 28 août, le chiffre des arrestations s’établit finalement à 6 584 personnes dont plus de 5 000 sont envoyées à Drancy avant d’être déportées vers Auschwitz. L’objectif n’est pas atteint et René Bousquet ne se gêne pas pour sermonner les préfets régionaux à la fin du mois d’août dans un télégramme : "Attire votre attention sur écart sensible entre nombre Israélites étrangers recensés et nombre arrêtés. Poursuivre et intensifier opérations police en cours avec tout personnel police et gendarmerie disponible".  En zone non-occupée, l’écho de cette opération soulève l’indignation. Des évêques catholiques font entendre leur voix pour dénoncer les rafles de l’été 1942, tout comme des membres de la communauté protestante. Des opérations de sauvetage sont également organisées comme à Vénissieux où 108 enfants sont exfiltrés du camp grâce à une chaîne de solidarité sous l’égide de l’association de "l’Amitié chrétienne".   Dans la population, le malaise est aussi palpable. "Quand on lit les rapports, les policiers racontent que jusqu’à présent, les juifs étaient plutôt fustigés, comme étant soi-disant les organisateurs du marché noir. Mais tout d’un coup, ceux qui, la veille, les critiquaient, se mettent à les défendre. Les gens comprennent bien qu’il y a un changement de nature quand on arrête des vieux, des enfants et des femmes. Ils ont compris qu’ils n’allaient sans doute pas revenir", souligne l’historien.   Quatre-vingts ans plus tard, la rafle du Vél d’Hiv a pris toute la place dans la mémoire collective mais celle organisée en zone non-occupée est restée dans l’oubli. "C’est le parent pauvre de l’histoire de la déportation des juifs de France, résume Alexandre Doulut. Selon l’auteur du livre "Les 473 déportés juifs de Lot et Garonne", cet épisode de la Shoah est aujourd’hui peu connu car la mémoire s’est peu à peu estompée : "Peu de gens savent qu’il y avait des juifs chez eux pendant la guerre. À la Libération, tout le monde était rentré chez soi ou avait été déporté. Il n’en est rien resté".  Mais pour l’historien, la rafle du 26 août 1942 est pourtant "la principale tache" du régime de Vichy. "C’est une initiative française qui a été menée de bout en bout par son administration. Théoriquement, la France n’avait pas signé de traité de paix avec l’Allemagne, et pourtant, on a remis à l’ennemi héréditaire des innocents alors qu’ils n’auraient jamais dû être arrêtés. C’est une trahison". 

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