news-details
Actualités

"Sans financement clair, la France ne pourra pas atteindre ses objectifs climatiques"

HAUT CONSEIL POUR LE CLIMAT Dans son rapport annuel publié mercredi soir, le Haut Conseil pour le climat note des avancées du gouvernement dans la domaine de la lutte contre le réchauffement climatique, mais il juge que les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre ne pourront être atteints que lorsque sera mise en place une stratégie transformatrice, notamment en matière de politique économique. "On a dépassé la politique des petits pas mais on n’est pas encore au pas de course." Le constat est signé Corinne Le Quéré, climatologue et présidente du Haut Conseil pour le climat (HCC), institution qui publie, mercredi 28 juin, son rapport annuel 2023. Dans ce document de 200 pages, le HCC relève que des stratégies de lutte contre le réchauffement climatique ont bien été mises en place par le gouvernement, mais insiste également sur l’ampleur de la tâche restant à accomplir. "La baisse des émissions se poursuit en France en 2022, mais à un rythme qui reste insuffisant pour atteindre les objectifs de 2030, indique le rapport. Le rythme de réduction d’émissions brutes de la France doit presque doubler pour atteindre les objectifs du paquet législatif européen Fit for 55 en 2030." Ainsi, sur la période 2019-2022 (données provisoires), la baisse annuelle moyenne a été de 9,1 mégatonnes équivalent CO2 (Mt éqCO2), soit moins que les 12 Mt éqCO2 attendues dans la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) sur la période 2023-2030 – et beaucoup moins que les 17 Mt éqCO2 nécessaires pour atteindre les nouveaux objectifs fixés par l’Union européenne. "Les rythmes de baisse ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux", souligne Corinne Le Quéré, pour qui la France doit rapidement adopter une stratégie politique transformatrice avec, en particulier, une politique économique au service de la transition écologique. "Un trou dans le pilotage qui doit absolument être comblé" Le rapport du HCC note que de nombreux plans de réduction des gaz à effet de serre existent désormais en France dans tous les secteurs, mais que "leur cohérence et leur alignement avec les objectifs climatiques ne sont pas assurés". De fait, aucun document stratégique articulant chacun de ces plans entre eux ne permet de guider l’ensemble de l’action de la France. Pour Corinne Le Quéré, "il y a un trou dans le pilotage qui doit absolument être comblé" car à l’heure actuelle, il est impossible de savoir "si la somme des différents plans permettra d’atteindre les objectifs". Le gouvernement a pourtant mis en place en juillet 2022 un secrétariat général à la planification écologique (SGPE). Rattaché à Matignon, il est censé permettre à la Première ministre, Élisabeth Borne, d’avoir une vue d’ensemble sur la transition écologique, d’assurer la cohérence et le suivi des politiques, et de coordonner les actions menées. Mais le SGPE ne joue pas encore pleinement son rôle, selon le Haut Conseil pour le climat, et va devoir monter en puissance dans les mois à venir. Au-delà de la stratégie d’ensemble du gouvernement, qui devrait être connue courant juillet avec la publication de la stratégie française énergie-climat (SFEC), le HCC alerte sur l’importance de mettre en place une politique économique transformatrice, "y compris la politique budgétaire, fiscale, commerciale, industrielle, et l’emploi". "Le gouvernement doit inscrire dans son budget les investissements pour la transition, avec une trajectoire qui nous emmène autour des 30 milliards d’euros par an d’ici 2030, affirme Corinne Le Quéré. Cette question est incontournable. Sans trajectoire de financement claire, la France ne pourra pas atteindre ses objectifs climatiques." Le Haut Conseil pour le climat reprend à son compte les conclusions du rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, publié le 22 mai, qui assurait que "la décarbonation va appeler à un supplément d’investissement" public et privé de 66 milliards d'euros par an, dont la moitié pour l’État. S’il se garde de faire des préconisations sur l’origine du financement, le HCC presse en revanche le gouvernement de "revoir la fiscalité sur les énergies fossiles", de réduire et supprimer les "niches fiscales correspondant à des subventions aux énergies fossiles", d’utiliser "le budget vert comme un outil de pilotage" et de poursuivre "les actions pour encadrer la publicité afin que n’y soient pas promus des modes de consommation carbonés incompatibles" avec la SNBC. "Incitations et moyens financiers insuffisants" L’absence de politique économique transformatrice se fait particulièrement sentir dans le transport et le logement, selon le rapport du HCC. Si l’examen des politiques publiques dans ces deux secteurs montre l’existence de différentes mesures pour permettre le passage à un véhicule électrique et la rénovation thermique d’un bâtiment, "les incitations et les moyens financiers qui vont avec sont insuffisants", constate Corinne Le Quéré. Les émissions du secteur des transports ont atteint 130,5 Mt éqCO2, soit 32,3 % des émissions nationales, en 2022. Or, "les politiques de soutien à l’acquisition de voitures bas-carbone restent excluantes et aggravent les inégalités, malgré des améliorations récentes. Les aides et les incitations actuelles n'orientent pas suffisamment la production vers des véhicules petits, plus légers et plus abordables, qui s’inscrivent dans un esprit de transition juste", indique le rapport. Même constat en ce qui concerne la rénovation énergétique des logements, alors que les émissions du secteur du bâtiment ont atteint 64,0 Mt éqCO2, soit 15,9 % des émissions nationales, en 2022. "Le rythme actuel de rénovation énergétique du parc résidentiel est très insuffisant, souligne le HCC. Quelle que soit la définition retenue, le nombre de rénovations complètes équivalentes en 2022 (au mieux 66 000) est très inférieur à la trajectoire prévue dans la SNBC 2 (370 000 par an sur la période 2015-2030), et le soutien aux rénovations de passoires thermiques dans le projet de loi de finances 2023 (visant 15 000 logements) est très inférieur à celui nécessaire au respect de l’objectif d’éradication des passoires thermiques (900 000 par an d’ici 2028)." La lecture du rapport 2023 du Haut Conseil pour le climat indique que le gouvernement est désormais à la croisée des chemins. Pour respecter ses objectifs climatiques, la France doit accélérer. "Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas !", affirmait Emmanuel Macron dans l’entre-deux-tours de la présidentielle en avril 2022. "Cela dépendra des décisions des prochaines semaines qui seront déterminantes et fondamentales pour les années à venir", lui répond Corinne Le Quéré.

You can share this post!