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Arts et People

"On n'arrache pas 24 dents à 18 ans” : le verdict est tombé pour le "dentiste de l'horreur"

1/3 - Procès du dentiste Lionel Guedj Le père et le fils Guedj ont été tous deux jugés pour violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, et escroquerie. Depuis, ils dorment en prison. Dix ans de souffrance, avec une dentition arrachée et mutilée. Au procès du dentiste marseillais Lionel Guedj, les langues se sont déliées. Il vient d'être condamné à 8 ans de prison ferme. Sarah * n'avait que 18 ans lorsque, en une belle journée de 2006, elle a passé la porte du cabinet flambant neuf, installé avenue Saint-Antoine, dans le 15e arrondissement de Marseille. A la demande de ses parents, la jeune fille prend rendez-vous pour soigner des caries et traiter un problème d'émail, car elle ne consomme "pas assez de produits laitiers". Chez le docteur Lionel Guedj, la clientèle populaire (à 99 % au tiers payant et dont la moitié touche la Couverture médicale universelle, CMU) est bien reçue. Le dentiste est "souriant, gentil, il tutoie, il tape sur l'épaule". Les rendez-vous s'enchaînent. Dix à quinze minutes suffisent. Surtout, il promet "un sourire de star" qui finit d'embobiner les patients. "Lionel Guedj m'a conseillé d'enlever toutes mes dents. Il disait que j'allais avoir un beau sourire, que je n'aurai plus de soucis dentaires. Je lui ai fait confiance. J'ai réalisé trop tard qu'on n'enlève pas 24 dents à 18 ans", regrette Sarah, aujourd'hui âgée de 34 ans. "Mes dents tombent, j'ai des mauvaises odeurs dans la bouche. On ne peut plus sourire, on postillonne en parlant, on mange difficilement" "Tout s'est passé en deux-trois mois, et encore, j'ai raté des séances parce que j'avais trop mal", raconte la plaignante qui, bénéficiaire de la CMU mais, sans mutuelle, a dû verser "1 000 € en espèces" au dentiste. L'opération, vite faite mal faite, cause des infections à répétition sur une vingtaine de dents, avec des gencives nécrosées 24 h/24. "Mes dents tombent, j'ai des mauvaises odeurs dans la bouche. On ne peut plus sourire, on postillonne en parlant, on mange difficilement. Alors, on a honte, on se retire de la société. On a envie de se faire tout petit, de se mettre dans un trou. On ne sort plus, même pour aller travailler. On n'a plus de vie sentimentale. Il a gâché ma jeunesse, mon présent et mon avenir." Ils étaient 120 patients, victimes de mutilations dentaires, à témoigner des mêmes abus : "On est des sans-dents. On nous a volé notre sourire, notre personnalité." Nombreux ont apprécié de porter le masque et de ne plus avoir à "mettre la main devant la bouche avant de parler". Le coût pour refaire la dentition est pharaonique, plusieurs dizaines de milliers d'euros. Et encore faut-il trouver un chirurgien-dentiste qui accepte de passer derrière le "boucher", car "le sourire Guedj" est tristement connu dans la région. Pour les victimes, c'est très clair : Lionel Guedj les a mutilées pour l'argent. En six ans, il a amassé un patrimoine immobilier de 9,5 millions : immeuble, appartements, chalet, ainsi qu'un yacht et des voitures de luxe Le système Guedj est bien rôdé et rapporte gros, très très gros. Le dentiste facturait vingt-huit fois plus de couronnes que la moyenne de ses confrères, selon un décompte de l'Assurance maladie. Les soins bâclés étaient réalisés dix à douze fois plus vite qu'un praticien moyen. De mars 2008 à avril 2010, Lionel Guedj a posé 4 133 prothèses pour 927 patients. Pour obtenir de tels résultats dans une activité normale, il aurait dû travailler 52 heures par jour. Résultat, en 2010, Lionel Guedj caracole au palmarès des dentistes le plus riches de France, avec un chiffre d'affaires de 2,6 millions d'euros. Surprise par les chiffres, la CPAM pense qu'une fraude est en place. Elle lancera une enquête qui dévoilera l'affaire. "Qu'est-ce qui a tant animé la machine à broyer Guedj préprogrammée sur un plan aussi machiavélique ? L'argent, le profit optimal, tance Marion Chabot, procureure de la République de Marseille. L'argent, c'est le carburant de Lionel Guedj. A aucun moment, on n'a cherché à soigner. L'opportunité et la qualité des soins n'étaient pas recherchées." Entre 2006 et 2012, le dentiste s'est constitué un patrimoine immobilier de 9,5 millions d'euros grâce à des prêts bancaires : immeuble de rapport, appartements à La Rochelle et à Paris, chalet à Megève, mais aussi un yacht de 15 m, des voitures de luxe, comme une Porsche Cayenne et une Aston Martin, des tableaux de grands maîtres. Les condamnations ont été accueillies par des salves d'applaudissements Radié de l'ordre des chirurgiens-dentistes en septembre 2016 comme son père (qui intervenait deux jours par semaine dans le cabinet où il avait fini par s'associer avec son fils), il s'est depuis reconverti en buraliste à Aix-en-Provence... Où il a été condamné, en février 2021, à six mois avec sursis et 10 000 € d'amende pour "commercialisation de tabac manufacturé sans identification préalable", signale la présidente du jury, Céline Ballerini. Ce jeudi 8 septembre, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné Lionel Guedj à huit ans de prison, et son père, Carnot, à cinq ans de prison. Un mandat de dépôt immédiat a été décidé par le tribunal au vu de la "gravité" des actes, selon les termes de Céline Ballérini. Une décision qui a été accueillie par des applaudissements. Les condamnés, eux, sont restés impassibles. Face à tous les témoignages, le ministère public a dit avoir vu des prévenus "froids, inaccessibles, exempts de tout remords", et ne pas avoir réussi "à percevoir une empathie sincère" : "Jusqu'aux dernières plaidoiries des parties civiles, ils n'auront de cesse de lever les yeux au ciel", a pointé dans son réquisitoire le procureur Michel Sastre. Il a également dénoncé "l'insolence" de prévenus qui n'ont cessé, au fil des audiences, de "minimiser leur responsabilité et l'ampleur du désastre". * Le prénom a été modifié

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