Procès de l'attentat de Nice : la diffusion des images de vidéosurveillance débattue
Des accusés ont été entendus lors du deuxième jour d'audience devant la cour d'assises spéciale de Paris, mardi 6 septembre.
Mardi matin, la cour d'assises spéciale de Paris a discuté de l'opportunité de projeter les images de vidéosurveillance "insoutenables" de l'attentat de Nice, un visionnage envisagé vendredi. Le sujet divise, le président de la cour tranchera ultérieurement.
Au deuxième jour du procès de l'attentat du 14 juillet à Nice, mardi 6 septembre, la cour d'assises spéciale de Paris a débattu de l'opportunité de projeter les images de vidéosurveillance de la course meurtrière du camion-bélier.
Ce visionnage s'annonce "insoutenable" mais est "très important" pour beaucoup de victimes, ont fait valoir la majorité des avocats de parties civiles, tandis que ceux de la défense considèrent qu'il "n'est pas nécessaire".
Ces quatre minutes d'horreur filmées par les caméras de surveillance de Nice ont été conservées en un seul exemplaire, sous scellé, afin qu'"aucune image ne circule en dehors de la procédure judiciaire", et "je souhaite que ça reste le cas", pour "éviter le voyeurisme ou le sensationnalisme", a souligné le président de la cour, Laurent Raviot.
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Selon lui, la décision de les montrer ou pas dans la salle d'audience à Paris ainsi que dans les salles de retransmission à Nice, doit reposer sur trois critères. "Est-ce que ça a un intérêt par rapport à la compréhension du déroulement de l'attentat, est-ce que ça a un intérêt pour déterminer la responsabilité éventuelle des accusés, et est-ce que ça a un intérêt pour les parties civiles", a-t-il énuméré, précisant qu'il n'avait pas vu lui-même ces images.
Le président n'a pas précisé quand il rendrait sa décision sur le sujet. Le visionnage du scellé est envisagé vendredi, à l'occasion de l'audition de l'agent de la sous-direction antiterroriste (Sdat) de la police judiciaire qui a exploité ces images pour les besoins de l'enquête.
Un sujet qui divise
Les parties civiles sont divisées sur le sujet. "C'est quelque chose qui nous a été demandé à de nombreuses reprises, pour des raisons de reconstruction, de reconstitution des mémoires", mais aussi pour "pouvoir confronter la cour, le parquet, les accusés aux faits que nous allons juger", a souligné Virginie Le Roy, avocate de l'association Promenade des anges et de nombreuses victimes. "Mes clients sont soit hostiles (à la diffusion des images), soit n'ont pas d'opinion", a dit de son côté Gérard Chemla, un autre avocat de parties civiles.
"Cette question met le doigt sur la dichotomie entre ce qui est nécessaire pour les parties civiles et le débat de la manifestation de la vérité et de l'appréciation de la responsabilité des accusés", a fait valoir Adelaïde Jacquin au nom des avocats de la défense.
Aucun des accusés n'étant renvoyé pour "complicité" de l'attentat, "on considère que le visionnage de ces vidéos n'est pas nécessaire à l'appréciation de (leur) responsabilité", a ajouté l'avocate.
Les témoignages des proches de personnes décédées privilégiés
Mardi matin, l'audience avait débuté avec l'appel des témoins et des experts appelés à déposer lors du procès, dont l'ancien président François Hollande et son ministre de l'Intérieur de l'époque, Bernard Cazeneuve.
Cinq semaines seront, par ailleurs, consacrées au témoignage des parties civiles : 1 940 personnes s'étaient constituées partie civile mardi en milieu d'après-midi (contre 865 avant l'ouverture du procès), parmi lesquelles environ 300 souhaitent témoigner.
Au vu du calendrier contraint du procès, qui doit s'achever le 16 décembre, "la cour entend privilégier les proches de personnes décédées et les personnes blessées physiquement", a averti Laurent Raviot.
S'adressant aux accusés, le président a reconnu que la première partie du procès "les laiss(ait) un peu de côté", mais a assuré que "la cour prendra(it) le temps nécessaire pour examiner leur personnalité, les charges retenues contre eux et leurs éléments de défense".
La défense des accusés
Ils étaient toutefois invités à s'exprimer pour la première fois sur les faits. Les sept accusés présents ont tous tenu à se démarquer de l'attaque menée par Mohamed Lahouaiej-Bouhlel qui, au volant d'un camion-bélier, avait fait 86 morts sur la Promenade des Anglais le 14 juillet 2016 - le huitième accusé, Brahim Tritrou, détenu en Tunisie, est "jugé par défaut".
Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans tué par la police le soir de l'attentat, est le grand absent du procès.
"Je n'ai rien à voir avec ce qui s'est passé", souligne Mohamed Ghraieb, qui comparaît libre sous contrôle judiciaire. Il est l'un des trois accusés jugés pour association de malfaiteurs terroriste (AMT) et encourt 20 ans de réclusion criminelle. L'accusation lui reproche notamment une "grande proximité" avec Mohamed Lahouaiej-Bouhlel et le fait d'avoir circulé avec lui le 11 juillet dans le camion qui allait servir à l'attentat.
"Pour moi, en tant que Niçois c'est vraiment pas facile qu'on puisse penser que je suis impliqué dans des faits aussi graves", fait valoir de son côté Ramzi Arefa, en détention provisoire depuis 2016. C'est le seul accusé qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Également poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste, il reconnaît avoir "été l'intermédiaire pour la vente d'un pistolet". Mais "j'ai jamais voulu m'associer avec lui sur aucun projet", proteste-t-il.
Les accusés ne seront plus invités à s'exprimer jusqu'à début novembre.
Avec AFP